Au moins autant que dans les pays développés, les politiques climat-énergie sont indispensables dans les pays en développement. Mais quels doivent en être les instruments ? La tarification du carbone ne saurait l’emporter sur les normes et les subventions mieux à même de garantir une indispensable acceptation sociale.
Lors de la 21e session de la Conférence des Parties (COP21) à Paris, en décembre 2015, la grande majorité des économies émergentes et en développement ont pris des engagements quantifiés pour contenir la croissance de leurs émissions nationales de gaz à effet de serre (GES), ce pour la première fois dans l’histoire des négociations internationales sur le changement climatique. Mais quel type de politique carbone serait la plus efficace et la mieux adaptée aux contextes économiques, institutionnels et sociaux spécifiques de différents types de pays ?
Les praticiens considèrent qu’une politique climatique pertinente doit reposer sur trois piliers,
– un instrument de tarification du carbone, taxe ou système de permis ;
– des mesures règlementaires et des politiques de subvention pour intégrer des technologies prometteuses à faibles émissions dans le système technologique ;
– des mesures politiques pour encourager le développement d’infrastructures qui offriront des voies de consommation énergétique plus durables dans les domaines des transports, du logement et des bâtiments[1].
Quelle priorité faut-il donner à chacun de ces trois piliers dans les pays en développement où les questions de réduction des inégalités de revenus et de développement industriel et économique sont primordiales ? Les questions de redistribution et celles de compétitivité des industries nationales y influencent l’acceptabilité de la tarification du carbone à un degré encore supérieur à ce que l’on observe dans les pays développés. Ce constat incite à défendre l’argument de la prééminence des « politiques et mesures » sur la tarification du carbone dans les politiques climatiques de ces pays.
Après un compte-rendu du débat économique sur le mix d’instruments de politique climatique et du comment il se pose plus particulièrement dans les pays en développement, notamment ceux à revenus intermédiaires, sera définie une approche pragmatique basée sur un ensemble de mesures autres que la tarification du carbone, mesures justifiées par leur plus grande acceptabilité que celle du prix du carbone.
1. Le débat sur la place de la tarification du carbone dans le mix d’instruments
La littérature économique considère que la fixation d’un prix du carbone doit être le principal instrument utilisé pour réduire efficacement les émissions nationales et mondiales (Lire : Énergie et climat : la construction des politiques climatiques). Elle fait valoir qu’une politique climat-énergie fondée uniquement sur des réglementations, des normes, des programmes publics et le financement public de la R&D est intrinsèquement plus coûteuse qu’une politique à base de taxe ou d’un système de permis d’émissions visant à atteindre un objectif de réduction des émissions donné. Ces deux modes de tarification du carbone permettent une allocation des ressources efficace en permettant une prise en compte des coûts de réduction des émissions par les agents économiques avec égalisation des coûts marginaux, ce que ne permettent pas les règlementations et les normes. En outre, ces mesures risquent d’être influencées par l’arbitraire politique et administratif, ce qui entraîne un éloignement supplémentaire des voies de réduction du carbone économiquement efficaces. Il serait donc plus efficient de se concentrer sur le développement de la tarification du carbone, qui assure la réduction des émissions par des actions les moins chères à un moment donné[2].
L’approche de la Banque mondiale en matière de politique climatique dans les pays en développement est ainsi axée sur l’adoption prioritaire d’un prix du carbone, sous la forme d’une taxe ou d’un système de permis d’émissions (cap & trade). C’est ce que montre son programme de diffusion des connaissances sur le sujet, le Partnership for Market Readiness[3] que légitime l’adoption par un nombre croissant de pays d’une tarification du carbone, dont des pays en développement.
Cette position sans équivoque est de plus en plus contestée. Des travaux théoriques montrent que les défaillances du marché et les problèmes d’équité justifient l’utilisation d’instruments autres que la tarification du carbone[4]. De plus, les travaux de modélisation montrent que le prix du carbone, notamment celui émanant d’un système de permis d’émissions, doit s’établir à un niveau élevé et prévisible pour avoir un impact réel sur les changements d’équipements. Or la mise en place d’une tarification du carbone effective rencontre des contraintes d’acceptabilité liées à ses effets redistributifs et aux questions de compétitivité[5] (Figure 1). Il s’ensuit que la nécessité pour chaque pays de recourir à un ensemble d’instruments « non-tarifaires » a été progressivement reconnue dans les rapports successifs du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC)[6].
Ce problème est d’autant plus crucial dans les économies en développement ou émergentes que les contraintes d’économie politique qui nuisent à la faisabilité d’une tarification du carbone et les défaillances de marché qui entravent le jeu du signal-prix du carbone sont plus importantes que dans les économies développées. Les problèmes d’inégalité sociale et les questions de réduction de la pauvreté y sont des priorités qui conditionnent la faisabilité politique de la tarification du carbone. De plus, partout, on se préoccupe d’abord de la croissance économique et de sa poursuite. On est donc soucieux qu’elle ne soit pas compromise par une implication dans le régime climatique international. Un gouvernement qui suivrait docilement les recommandations de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI) d’implanter un prix du carbone significatif se trouverait confronté à une opposition de toutes les classes sociales, sans parler de l’opposition des industries, notamment celles exportatrices qui peuvent être de grosses consommatrices d’énergie.
2. Des contraintes d’économie politique fortes dans les pays en développement
De façon générale, les mécanismes de taxation ou de système de permis (cap & trade) tendent à être peu effectifs en raison des limitations imposées sur le niveau du prix par la contrainte d’acceptation sociale et des divers aménagements auxquels on procède pour préserver la compétitivité de l’industrie (exonération avec le premier instrument, quotas gratuits avec le second). De plus, d’autres facteurs entrent en jeu.
Pour la taxe,
- la résistance traditionnelle à l’impôt, la sensibilité des ménages à l’impact direct d’un prix du carbone sur leurs dépenses, via l’augmentation des prix de certains biens importants tels que l’essence, l’électricité ou le fuel domestique,
- les inégalités de revenus qui rendent les classes inférieures très exposées aux changements de prix de ces produits.
Pour le système de permis, les industries nationales à forte intensité énergétique qui sont exposées à la concurrence internationale sont particulièrement sensibles à l’instauration d’une tarification du carbone, en particulier lorsque d’autres pays n’adoptent pas une telle règlementation.
Il s’ensuit que, dans les pays développés, les niveaux de prix du carbone sont faibles, comme en témoigne le recensement des différents niveaux de prix du carbone en 2017 dans la quarantaine de pays de la Banque Mondiale[7]. Le niveau des prix du carbone reste bas, soit moins de 30€/tCO2 pour la taxe carbone, moins de 10 €/tCO2 pour les prix de système de permis[8], ce qui rend le signal-prix peu efficace (Figure 2). De plus, aucune augmentation significative n’est prévue dans la plupart des cas, celle qui était planifiée en France ayant été abandonnée à la suite du mouvement des gilets jaunes. Seules exceptions, la Suède et la Suisse où la taxe carbone a pu être progressivement portée à un niveau élevé pour les ménages et le tertiaire, soit, respectivement, 114 €/tCO2 et 76,5 €/tCO2 en 2017. Les difficultés d’acceptation ont été contournées par la tenue de débats apaisés et bien informés et par une compensation globale fondée sur l’ajustement du système fiscal en réduisant les taxes sur le travail et l’impôt sur le revenu.
*Taxe carbone dans les économies émergentes: Afrique du sud (Industrie 1-8€), Chili (secteur électrique et industries grosses consommatrices: 5€), Colombie (4€) and Mexique (1-3€)
Comme ces problèmes sont plus aigus dans les économies en développement que dans les économies développées, le niveau de tarification du carbone tendra à être encore plus bas que dans les dernières où les gouvernements peinent déjà à faire accepter que le prix atteigne un niveau assurant un début d’influence sur les choix d’investissement. L’opposition des industries grosses consommatrices d’énergie est susceptible d’influer sensiblement sur le sort de toute proposition de tarification du carbone. Dans une économie de périmètre étroit, les entreprises sont encore plus efficaces pour influencer les gouvernements, qui peuvent facilement être convaincus de la nécessité de protéger leurs industries nationales.
Dans les pays en développement, le degré élevé d’inégalité sociale s’accompagne d’un faible niveau de consentement à l’impôt tant des classes moyennes et supérieures qui ont pourtant des revenus suffisants pour payer, que de l’opposition des partis politiques représentant les classes inférieures. Pour celles-ci en effet, une tarification du carbone, via notamment la taxation des carburants, a des effets « régressifs »[9] en conduisant à l’appauvrissement des classes moyennes inférieures, très nombreuses dans les économies émergentes, lesquelles consacrent une part importante de leur budget à l’énergie.
La littérature sur l’analyse de l’effet redistributif des taxes sur les carburants peut fournir des arguments pour contredire cette assertion. En effet, certaines études montrent que les taxes sur les carburants seraient « progressives » dans ce groupe de pays, car elles touchent en premier lieu les classes aisées, puisque ce seraient les riches plutôt que les pauvres qui consomment de l’énergie du fait de la possession de voitures[10]. Mais cet argument ignore le statut des classes moyennes inférieures, qui sont proches du seuil de pauvreté et qui sont les plus nombreuses dans les économies émergentes. Il ignore les nombreuses marches de l’échelle des revenus entre pauvres et riches et les différences dans les modes de vie des classes sociales.
Les programmes d’ajustement définis par le FMI qui visent à supprimer les subventions sur les carburants, notamment dans les pays qui produisent et exportent du pétrole et qui refusent d’aligner les prix internes sur les prix internationaux (ce qui est considéré comme une subvention dans la vulgate libérale), entraînent une forte opposition souvent sous forme d’émeutes[11]. La raison principale est que ces programmes touchent les groupes de revenu moyen inférieur qui sont motorisés et captifs de ce mode de transport, étant donné l’inadéquation des infrastructures de transports publics dans les grandes villes[12] (Figure 3). Pour mettre en place une taxation du carbone, il faudrait déjà que la suppression des subventions aux combustibles fossiles, cheval de bataille de la Banque mondiale, soit acceptée. Ce qui implique qu’elle soit gérée d’une manière adaptée à la structure des revenus et dans le cadre d’un processus politique d’explication ouvert, ce qui n’est en rien garanti (Lire : Canada : comment réduire les émissions de CO2 des véhicules ?)
D’autres effets régressifs, le plus souvent ignorés par les économistes, sont à attendre d’une taxe carbone par ses effets indirects sur les prix des produits intermédiaires utilisés dans le développement des infrastructures, car le coût relatif de l’énergie par rapport à celui des intrants principaux, le travail et le capital, y est beaucoup plus élevé que dans les pays développés. En Inde, l’imposition d’un prix du carbone de 50 $/tCO2 sur les cimenteries augmenterait le prix final du ciment de 75 % (de 52 $/t à 90 $/t), alors qu’en Europe, où le coût relatif de l’énergie par rapport à celui des autres intrants dans le prix de revient est beaucoup moins élevé, l’effet est limité à une augmentation de 22 % (de 175 $/t à 215 $/t de ciment)[13]. On devine l’effet sur les coûts des constructions dont le pays a grand besoin pour accompagner l’exode rural et satisfaire les besoins des nouvelles classes moyennes.
On pourrait objecter à cet argument de l’acceptabilité que les instruments de tarification du carbone commencent à se diffuser plus largement dans les pays à économies émergentes tels que
– l’Afrique du Sud, le Chili, la Colombie et le Mexique qui ont adopté une taxe carbone,
– la Chine, le Kazakhstan, le Mexique et la Corée du sud qui ont opté pour un système de permis couvrant des industries émettrices.
Ces exemples ne démontrent cependant pas la possibilité de surmonter la contrainte d’acceptabilité politique car les prix du carbone y restent à un niveau très bas puisqu’inférieurs à 10 €/tCO2 (Figure 2). En outre, les effets de la tarification du CO2 sont rendus encore plus insignifiants par des exonérations généralisées dans le cas des taxes et par des allocations généreuses de permis gratuits dans le cas des systèmes de quotas d’émission, ces ajustements rendant le prix du carbone un peu plus inefficace.
3. L’efficacité des instruments autres que tarifaires dans les PED
Les défaillances traditionnelles de marché et de la réglementation dans les économies développées sont portées à un degré supérieur dans les pays en développement. De façon concrète, il s’agit :
- des limites des marchés de capitaux pour le financement d’investissements dans des infrastructures et des équipements bas carbone à fort CAPEX (capital expenditures) et à long cycle de vie face aux risques d’investir,
- du manque d’information des agents économiques,
- de la réglementation imparfaite des tarifs des diverses énergies,
- de l’instabilité des prix internationaux des combustibles fossiles qui brouille le signal-prix de l’énergie et du carbone[14].
Tous ces obstacles sont exacerbés dans les économies émergentes, et a fortiori dans les pays les moins avancés, par les limites ou l’absence de marchés financiers locaux et l’accès difficile des États aux financements internationaux dans le contexte de crises récurrentes de la dette publique. Ces difficultés sont accrues par l’environnement institutionnel peu favorable pour investir dans des options bas carbone du fait de l’absence de garanties claires sur la stabilité des réglementations et des incertitudes sur d’autres prix essentiels, notamment le prix de l’immobilier et du foncier et les taux d’intérêt.
Soit le cas des infrastructures telles que le bâtiment, le logement ou les transports pour lesquels les enjeux de contrôle des émissions de carbone sont les plus élevés, domaine dans lesquels les pays en développement ont beaucoup plus de marges de manœuvre que les pays développés pour construire des infrastructures qui conduiraient à moins d’émissions à long terme dues aux transports et aux ménages[15]. La dynamique urbaine qui peut être influencée par le contrôle du foncier conditionnera aussi dans le futur les consommations individuelles de carburants à travers
- les arbitrages entre les coûts de transport et les prix des logements,
- la disponibilité d’infrastructures urbaines et interurbaines.
Un problème similaire concerne l’achat d’appareils électroménagers efficaces (éclairage, réfrigérateurs, climatiseurs, entre autres), plutôt que des versions moins chères et mal fabriquées, par les classes sociales inférieures au sortir de la pauvreté. Ces problèmes peuvent être traités de manière pragmatique, en recherchant l’efficacité par des signaux simples et convaincants tels que des normes, des obligations, ou par divers types de subventions (subventions directes à l’achat, exemptions fiscales, rabais ou autres). On sait que la contrainte fonctionne mieux que l’incitation par les prix dès lors qu’elle est rendue crédible par des règles de contrôle et de sanction en cas d’infraction[16]. De plus, pour engager des investissements en techniques propres dans des industries polluantes, des enquêtes dans les économies développées ont montré que les pollueurs réagissent peu aux signaux de prix (taxes ou autres) si le choix est complexe, notamment en termes de gestion de risque tandis qu’ils réagissent bien à la mise en œuvre d’une norme de performance[17].
Mais de quels instruments dispose-t-on pour ne pas recourir aux signaux de prix ? (Tableau 1).
[Source : De Gouvello C., Finon D., 2019, Reconciling Carbon Pricing and EnergyPolicies in Developing Countries. Integrating policies for a clean energy transition. World Bank Group.]
3.1. Les instruments en command and control
Les normes de performance couramment utilisées dans les pays développés le sont de plus en plus dans les pays à revenus intermédiaires :
- pour les voitures, l’éclairage à haut rendement énergétique ou les réglementations dans les constructions neuves : fenêtres, ventilation ou systèmes de refroidissement ;
- pour l’élimination progressive des équipements anciens peu performants, voire l’interdiction d’installation de nouveaux équipements émetteurs tels que les centrales au charbon ;
- l’imposition d’un standard « zéro émission » sur les véhicules à condition qu’il soit défini à un horizon suffisamment long pour permettre les adaptations comme en Californie et les provinces canadiennes les plus actives.
En comparaison la tarification du carbone est bien moins efficace, car elle ne dissuade pas de s’équiper en équipements fossiles, notamment les centrales à gaz, ou même les centrales au charbon performantes comme dans le secteur électrique en Allemagne. Elle ne dissuade pas non plus les classes sociales aisées d’acheter des véhicules dont les émissions restent élevées.
A leur tour, certains pays émergents ont commencé à utiliser ces instruments contraignants :
- la Chine a adopté des codes de construction, des normes et labels sur les appareils ménagers, des obligations de retrait des camions les plus anciens ou de vieilles centrales au charbon (Lire : L’énergie en Chine, le tournant de Xi Jinping ?) ;
- loin derrière, l’Inde utilise également des codes de construction pour les bâtiments tertiaires et des labels ;
- de même le Brésil pour les bâtiments publics et l’éclairage public.
Sans chercher à utiliser une taxation élevée des carburants, les grandes villes chinoises polluées mettent en œuvre des réglementations visant à ce que la part de véhicules à carburant immatriculés chaque année s’annule d’ici 2050, avec des objectifs intermédiaires de 90% en 2020, 70% en 2030 et 30% en 2040, comme à Pékin (Figure 4). Bien que cette mesure soit axée sur la qualité de l’air, elle a un « co-bénéfice » très important de réduction des émissions de carbone par la mobilité urbaine[18]. Quand l’objectif est d’éliminer progressivement les équipements les plus inefficaces et les plus émetteurs dans les différentes catégories d’usage de l’énergie, l’interdiction de long terme est très efficace grâce à la clarté du signal, même si, pour la théorie économique, elle n’est pas efficiente économiquement au sens où elle entraîne des coûts plus importants que le coût social du carbone. Ceci dit l’instrument peut être adapté pour limiter ce surcoût : les interdictions concernant les véhicules polluants et inefficaces peuvent être conçues de façon telle qu’elle laisse aux propriétaires de véhicules le temps de s’adapter et leur accorde une compensation de type « prime à la casse » comme ce fut le cas en Chine pour les camionnettes polluantes.
3.2. Obligations avec échange de crédits
Les obligations concernant les énergies non carbonées dans des secteurs spécifiques reposent aussi sur la contrainte, mais avec la possibilité d’introduire de la flexibilité. Certains de ces instruments contraignants peuvent être associés à des « mécanismes de marché » pour échanger des certificats, comme les obligations de certificats d’économies d’énergie mises sur les fournisseurs d’énergie dans les pays européens. C’est le cas aussi des standards moyens de consommations de carburants, ou d’émissions moyennes, imposés aux constructeurs automobiles sur toute la gamme de leurs productions de véhicules légers
- comme aux Etats-Unis, sous le nom de Corporate Average Fuel Economy (CAFE),
- ou dans l’Union européenne, sous le nom de CO2 Emissions Standards.
Cette norme moyenne, de plus en plus sévère, oblige les constructeurs à inclure une proportion croissante de véhicules électriques ou hybrides dans leur gamme de véhicules, mais en permettant à ceux qui sont en retard dans l’adaptation de leurs productions de profiter des certificats de ceux qui sont au-delà du standard. L’échange de certificats dans ces instruments à base d’obligation dites « flexible regulation » conduit à la réduction de leur coût pour l’économie et la société[19]
Dans les économies émergentes, le mécanisme de type CAFE sur la construction automobile pourrait être mis en œuvre lorsqu’un certain nombre de constructeurs automobiles sont en concurrence sur un marché en pleine croissance, comme en Chine, en Inde, au Brésil, en Indonésie ou aux Philippines. De même, dans certains secteurs industriels, un mécanisme de régulation flexible pourrait être implanté. Il comporterait une norme croissante de performance moyenne d’émissions par unité produite, telle que la tonne de ciment pour cette industrie, la tonne d’acier pour la sidérurgie ou le MWh pour l’industrie électrique. Il pourrait être conçu pour être respecté au niveau de chaque entreprise ou de chaque établissement, avec amendes à la clé en cas de non-respect. Couplé à un mécanisme d’échanges de crédits, la pénalité ferait office de plafond de prix.
En fait, de tels mécanismes sont mis en œuvre ici et là dans les économies émergentes, mais en lien avec l’efficacité énergétique qui ne recoupe qu’en partie les émissions de CO2. Ainsi la Chine, et plus récemment le Mexique et l’Inde, appliquent des obligations d’efficacité énergétique aux industries à forte intensité énergétique, bien qu’en Chine les systèmes de permis d’émissions couvrent aussi ces secteurs, ce qui double les incitations, mais de façon non harmonisée.
3.3. Subventions à l’achat d’équipements efficaces
Les subventions en faveur d’équipements propres et économes en énergie peuvent contribuer de manière efficace à l’effort de limitation des émissions quand elles concernent les technologies utilisées dans les usages les plus importants. C’est le cas de l’éclairage dans les pays les moins avancés et de la climatisation dans les économies émergentes. En ce qui concerne l’éclairage, qui représente la moitié de la consommation d’électricité domestique et tertiaire dans le premier groupe de pays, le passage des ampoules à incandescence et des tubes fluorescents aux ampoules LED (diodes électro-lumniscentes) qui consomment un neuvième de l’énergie des premières, permettrait des économies très significatives en termes d’émissions (Figure 5). Cet objectif pourrait être atteint en combinant des subventions à l’achat de LED, des normes minimales d’efficacité énergétique pour les LED et une interdiction progressive de la vente d’ampoules à incandescence[20].
Dans les économies émergentes, le cas type est surtout celui de la climatisation dans les logements et les bâtiments commerciaux. Avec des classes moyennes en forte croissance aux besoins de confort affirmés, il représente un enjeu considérable lorsque la production électrique du pays est majoritairement à base de centrales fossiles, alors qu’en parallèle le changement climatique augmentera la température déjà élevée dans ces pays. En Inde où seuls 5 % de la population bénéficie actuellement de la climatisation, la part d’électricité dédiée à cet usage dans la demande de puissance de pointe passerait de 10% actuellement à 45 % en 2050, sans action sur les techniques des climatiseurs[21]. Pour agir dans ce domaine, un gouvernement peut imposer des normes d’efficacité de plus en plus élevées et en parallèle organiser le processus d’innovation en « market building » (littéralement de « construction de marché ») par l’achat en gros de centaines de milliers de climatiseurs très performants pour les bâtiments publics ou les logements collectifs afin de faire baisser les coûts. Dans une seconde étape il peut subventionner les achats de tels climatiseurs par les ménages, tout en interdisant progressivement les ventes de climatiseurs inefficaces. Il peut en parallèle imposer des normes d’installation de systèmes intégrés de ventilation et de climatisation dans les bâtiments publics, qui consommeraient beaucoup moins que les climatiseurs installés dans les fenêtres, tout en offrant le même niveau de confort.
3.4. Des programmes publics d’infrastructures et de financement ad hoc
Dans les domaines d’infrastructures, il s’agit d’éviter le lock in des transports autour des véhicules individuels et celui des logements autour des bâtiments peu efficaces. Dans les grandes villes, le développement des infrastructures adéquates, accompagné par des programmes d’urbanisme limitant l’étalement urbain, est fondamental dans les politiques climatiques, car c’est le seul moyen d’empêcher le développement des mobilités fortement émettrices. Les obstacles à la décarbonation seront plus importants dans les pays où les régions sont mal desservies par des transports publics performants[22].
Dans ces secteurs d’infrastructure (transport, bâtiment et autres), le financement public et les garanties publiques accordées au financement privé sont non seulement importants, mais essentiels pour parvenir à des réductions à long terme des émissions. Il en est de même des investissements dans le secteur électrique en production et en réseaux avec le développement des productions basées sur les énergies renouvelables (EnR) qui, par nature, sont localisées et le plus souvent éloignées des centres de consommation. Les contrats de garanties de revenus avec l’Etat pour des grandes installations d’éoliennes ou de solaire photovoltaïque au sol avec attribution par appels d’offre qui se sont multipliés depuis le milieu des années 2010-20, dans les pays du sud, permettent de trouver des financements à des taux très avantageux de 5%, voire moins. Dans cette même logique, l’Etat peut accorder sa garantie aux emprunts des investisseurs privés dans de grandes infrastructures avec le même effet sur le taux d’emprunt, quand bien même le montant de cette garantie sera compté dans la dette publique.
Pour illustrer ce choix de développer des « politiques et mesures » de façon prioritaire avec peu d’égard pour la tarification du carbone, l’exemple de l’Inde est particulièrement révélateur. Pour respecter son engagement National Determined Contribution (NDC) pris après la COP21 et l’accord de Paris, elle a adopté un paquet de mesures qui ignore pratiquement l’utilisation de la tarification du carbone[23]. Sa politique est axée sur des mesures ambitieuses d’efficacité énergétique, de promotion des smart cities (Figure 6) et de développement des énergies non fossiles, en particulier solaire photovoltaïque et éolienne, avec des objectifs ambitieux d’installations (respectivement de 100 GW et 65 GW d’ici 2022), en accompagnant ce développement par celui des réseaux nécessaires pour la mise en place de ces productions localisées[24].
4. Une meilleure acceptabilité politique
Ces politiques « non tarifaires » n’ont pas d’effets-prix sur l’ensemble des consommateurs, mais seulement de façon modérée sur les consommateurs concernés par l’achat de biens touchés par une de ces mesures, ce qui facilite leur acceptation et ce d’autant plus que ces effets sont peu visibles. D’une part la répercussion d’une de ces mesures sur les coûts ne concerne que ceux achetant des produits dont l’offre est affectée par cette mesure. Dit autrement, les coûts d’une mesure ne sont répercutés que sur les prix des produits payés par leurs acheteurs, contrairement à la taxe carbone qui augmente les prix des combustibles fossiles et affecte indirectement les prix de tous les produits dont la fabrication utilise de tels combustibles. De plus, les mesures, telles que les normes de type CAFE dans le secteur automobile, celles sur les climatiseurs ou les normes de performance d’émissions dans l’industrie ne s’appliquent qu’aux nouveaux équipements et ne pénalisent pas les actifs existants, comme le font une taxe carbone ou le prix du système de permis. Un ensemble de politiques et mesures a donc moins d’effets redistributifs que la tarification du carbone et n’affecte pas massivement les intérêts des industriels.
D’autre part, même si telle ou telle norme ou règlement a des effets redistributifs en pénalisant plus les classes moyennes que les autres, ils sont peu visibles dans la plupart des cas, ce qui constitue un avantage pour leur acceptabilité. En prenant l’exemple des normes d’émissions moyennes par véhicule vendu, telles que la norme américaine CAFE et la norme européenne sur les émissions des véhicules, elles peuvent imposer aux consommateurs un coût plus élevé à l’achat du véhicule, mais il est moins élevé que les dépenses supplémentaires cumulées qu’une taxe carbone sur les carburants payée régulièrement à la pompe entraînerait. On pourrait trouver des exemples de mesures non tarifaires qui rencontrent des difficultés d’acceptabilité, mais c’est souvent parce qu’elles ne sont pas adaptées au contexte social et institutionnel du pays. L’interdiction ou le retrait d’équipements inefficaces, comme les climatiseurs de bas de gamme ou de vieux véhicules doivent être introduits avec prudence car ils touchent en premier lieu les classes moyennes inférieures, les plus nombreuses dans les pays émergents. De même l’interdiction d’installer en Inde des climatiseurs de fenêtre dans les nouveaux bâtiments aurait des effets sensibles sur les ménages à faible revenu qui n’ont pas les moyens de faire installer des climatiseurs coûteux intégrés dans le bâti.
5. Conclusion
En entrant dans le concret des politiques climatiques ancrées dans les réalités sociales et économiques des pays en développement, on découvre autre chose que ce que décrit la théorie économique. Ces dernières années, des publications de plus en plus nombreuses, dont le rapport du World Bank Group[25], ont souligné la difficulté que rencontre tout système de tarification du carbone pour orienter la trajectoire de décarbonation dans les pays en développement, en insistant sur le rôle majeur que les instruments complémentaires doivent jouer. Le contexte social, technologique et institutionnel dans ces pays, quel que soit leur niveau de richesse, rend un tel constat de bon sens. Les rapports internationaux qui continuent d’insister pour que la priorité soit donnée à la tarification du carbone, risquent fort de lasser les gouvernements et les opinions publiques des pays du sud vis-à-vis de l’impératif climatique. De telles prescriptions reflètent une croyance excessive dans le « Marché » qui ignore du monde réel. La tarification du carbone ne peut pas être le pilier principal d’une politique climatique des pays à revenus intermédiaires, encore moins de ceux économiquement les moins développés. Tous sont d’abord et avant tout préoccupés par les problèmes d’adaptation au changement climatique et de financement approprié qui ne semblent pas tomber du ciel, malgré les promesses des pays du Nord[26].
La plus grande efficacité des instruments non tarifaires par rapport à une tarification du carbone dans ces pays devrait être mieux reconnue, contrairement aux recommandations des économistes spécialistes du climat mais coupés de la réalité[27]. Ces instruments présentent l’avantage d’éviter les problèmes redistributifs posés par la taxation des combustibles fossiles. Cela ne doit pas empêcher de chercher à rationaliser la politique climatique en évitant les mesures par trop coûteuses par tonne d’émissions évitée et en favorisant les moins chères pour la collectivité.
Dans un paquet de mesures sur le climat, un risque évident est que les coûts marginaux respectifs par tonne d’émissions évitées soient différents. L’usage d’une valeur de référence du carbone répondrait au besoin des pouvoirs publics d’évaluer les coûts-avantages des mesures de politique carbone telles que les normes applicables aux véhicules ou les subventions aux énergies renouvelables et ceux des investissements dans les infrastructures publiques[28]. Un pays en développement dont l’assise institutionnelle est suffisamment développée pourrait convenir d’utiliser une telle valeur de référence du carbone pour justifier des investissements publics bas carbone à forte intensité capitalistique et mettre en cohérence les mesures règlementaires prises. De plus, dans les pays les plus avancés qui se seraient sentis obligés de se doter d’une taxe carbone pour se plier aux recommandations des institutions internationales, ce prix de référence pourrait être beaucoup plus élevé que cette taxe carbone qui, par la force de la contrainte politique, devrait rester à un niveau très modeste, car il n’affecte pas les dépenses des ménages et les coûts des industriels.
Notes
[1] IPCC-WG3, 2007 ; OECD, 2015 ; Hallegate etal., 2015.
[2] Voir par exemple IPCC-WG3, 1995 ; Stern et Stiglitz, 2017
[3] World Bank, 2013, 2016, 2017
[4] Bennear et Stavins,2007 ; Acemoglu et al., 2012
[5] Jenkins, 2014
[6] Par exemple, IPCC-WG3,2007 ; 2014
[7] World Bank Group & Ecofys, 2017
[8] Signalons toutefois que la réforme du système européen des permis a conduit une hausse du prix des permis vers 25-30 €/tCO2
[9] On dit qu’un impôt est « régressif » quand il pèse plus sur les ménages modestes et qu’il est progressif quand il les favorise et qu’il pèse plus sur les classes supérieures.
[10] Sterner, 2011, 2012
[11] Ce que souligne Rentschler(2017
[12] Bacon et al., 2010
[13] Hourcade, Shukla, 2013
[14] Grubb et al., 2014
[15] Hallegatte et al., 2014
[16] Willems, Baumert, 2003
[17]Russel, Vaughan, 2003
[18] Ajoutons que parallèlement à la politique des villes visant à réduire la proportion de véhicules à moteur thermique, des politiques ambitieuses de subventions sur les véhicules électriques au niveau central ont été mises en œuvre en Chine, et en Inde, avec des subventions à l’investissement initial respectivement de 23 % et 20 % par véhicule, depuis 2011 en Chine. Toutefois elles sont susceptibles d’être révisées à tout moment, comme l’a fait la Chine en 2019 en abaissant de moitié le niveau de la subvention, et de nouveau de 20% en 2021.
[19] Jaccard et al., 2016
[20] CNUCED, 2017
[21]Noter au passage que les climatiseurs contribuent directement au changement climatique par les émissions de HFC (hydrofluorocarbure) au très fort pouvoir radiatif à côté de l’effet indirect sur les émissions de CO2 de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles.
[22] Cervero, 2014
[23] A l’exception d’une petite taxe sur le charbon domestique et celui importé de 400 roupies (8 US$) par tonne. Elle sert à financer le Fonds national pour l’énergie propre qui est dédié aux subventions à de nouvelles technologies et à l’efficacité énergétique.
[24] MOEF, 2017
[25] Dont Dominique Finon est le co-auteur : De Gouvello et Finon, 2019
[26] Denton, 2010
[27] Gollier, 2020
[28] Quinet, 2019
Références
Acemoglu, D., Aghion, P., Bursztyn, L., Hemous, D., 2012. The environment and directed Technical change. Am. Econ. Rev. 102 (1), 131–166
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