Comme la plupart des pays décidés à maîtriser leur consommation d’énergie, la France ambitionne de réduire les utilisations domestiques dont celles destinées au chauffage des locaux. Leur part dans le bilan énergétique le justifie tout à fait mais les moyens à mettre en œuvre méritent un examen minutieux.
Que le bâtiment soit le premier poste de consommation d’énergie en France est un fait. Cela en fait-il pour autant la cible la plus facile et donc privilégiée dans la lutte pour les économies d’énergie et la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? La réponse est plus complexe qu’il n’y parait et qu’il est annoncé par les politiques et les média. D’une part, il faut partir des consommations réelles des logements qui sont inférieures aux valeurs calculées d’après les caractéristiques du bâti et donc moins susceptibles de diminutions fortes. D’autre part, les sommes à mettre en jeu sont énormes et ne seront pas amorties dans un délai raisonnable sauf en cas de hausses du coût des énergies dépassant le facteur deux. Enfin l’industrie du bâtiment n’est pas prête à répondre aux besoins avec la qualité nécessaire et un coût acceptable. La lutte pour la sobriété énergétique ne pourra donc pas se cantonner au domaine du bâtiment.
1. État des lieux
Il y avait en France, en 2012, 33,2 millions de logements : 27,7 millions de logements principaux, 3,15 millions de résidences secondaires et 2,35 millions de logements vacants. Les logements principaux se répartissent en 16,3 millions de propriétaires occupants, 6 millions de logements privés en location, 4,7 millions de logements sociaux. Plus de la moitié de ces logements ont été construits avant 1974.
Le bâtiment dans son ensemble est le premier poste des consommations énergétiques en France : 42% des consommations d’énergie finale dont 2/3 pour le résidentiel et 1/3 pour le tertiaire c.à.d les services (commerces, administrations, salles de spectacle, entre autres). Il est aussi à l’origine de 15% des gaz à effet de serre (GES) émis dont 26% du CO2. En 2012 selon les statistiques du ministère de l’Énergie et du Développement Durable (MEDD), l’ensemble des logements a absorbé 46,1 Mtep soit 535 TWh et 28% de l’énergie finale consommée en France[1] (Lire : Les besoins d’énergie).
Découle de ces évaluations, une consommation énergétique moyenne effective de 193 kilowattheure d’énergie finale par m2 et par an (kWh/m2.an) si l’on ne prend en compte que les logements principaux et de 161kWh/m2.an avec la totalité des logements, la réalité se trouvant entre les deux. Cette quantité inclut toutes les utilisations réalisées dans et pour le logement, soit 68% pour le chauffage, 10% pour l’eau chaude sanitaire (ECS) et 22% pour l’électricité spécifique et la cuisine (appareils ménagers)[2]. La consommation énergétique des logements pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire se situe alors autour de 140kWh/m2/an.
Ce ne sont toutefois pas ces chiffres qui sont utilisés pour dire que le logement est le premier poste potentiel pour les économies d’énergie et un contributeur important à la réduction des émissions de GES comme on peut le voir en se focalisant sur le chauffage et sur l’eau chaude sanitaire pour lesquels des gains significatifs sont réalisables, le poste électricité spécifique qui couvre surtout les appareils ménagers et de communication étant plus difficile à prévoir avec des appareils moins gourmands individuellement mais dont le nombre et la durée d’utilisation ne cesse de croître.
Depuis l’obligation de réaliser les Diagnostics de performance énergétique (DPE), une autre évaluation de la consommation des logements est disponible et c’est elle qui est en général mise en avant pour annoncer les réductions possibles de consommation. Une première évaluation de la moyenne de la distribution de DPE obtenue en 2011 par l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) est de 240 kWh/m2.an[3] avec une distribution très large puisque 15% des logements sont placés en classe F et G et dépenseraient plus de 330 kWh/m2.an (Figure 1).
Une seconde évaluation de cette moyenne est donnée par une étude des Experts en diagnostic immobilier (EX’IM) : elle porte sur 150 000 logements et donne une moyenne de 270 kWh/m2/an[4]. La méthode utilisée pour les DPE n’est pas une mesure, elle utilise un calcul théorique avec un logiciel agréé prenant en compte non pas les consommations réelles mais les caractéristiques du bâti sauf dans le cas du chauffage collectif. Elle est généralement surestimée, bien qu’elle ne prenne en compte que le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire pour les deux raisons suivantes : les occupants de nombreux logements peu performants n’ont pas les moyens de payer la quantité d’énergie qui serait nécessaire pour qu’ils soient chauffés correctement et dépensent donc beaucoup moins dans la réalité que ce qui est prévu par le calcul ; de plus, la consommation est calculée en énergie primaire pour le logement, ce qui multiplie la quantité d’électricité utilisée pour ces deux usages de chauffage par 2,58.
2. L’évolution de la réglementation thermique
Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à la première crise pétrolière, la performance énergétique était peu prise en compte dans la construction. Les premières réglementations sont apparues en 1974 comme l’adoption d’une température de référence de 19°C dans le logement et l’obligation d’individualiser la mesure de consommation énergétique pour les chauffages collectifs. Ont suivi diverses réglementations, d’abord pour les bâtiments à construire, comme les réglementations RT2000 et RT2005 suivies de la réglementation RT2012 qui impose pour les constructions neuves une consommation globale (chauffage + eau chaude sanitaire (ECS) + rafraichissement + auxiliaires de chauffage/ventilation + éclairage) inférieure à 50 kWh/m2.an[5]. En 2020, les bâtiments neufs devraient être passifs, voire à énergie positive, mais il ne faut jamais oublier qu’il s’agit de bilans annuels et que donc la question du stockage de chaleur ou d’électricité n’est jamais prise en compte[6] (Lire : Cogénération et stockage saisonnier de la chaleur pour l’habitat-tertiaire).
En 2009, le Grenelle de l’environnement a, de son coté, fixé pour le logement des objectifs globaux de consommation de chauffage. Partant d’une consommation moyenne en 2008 de 240 kWh/m2.an (en énergie primaire), il propose l’objectif de 150 kWh/m2.an en 2020 et de 50 kWh/m2.an en 2050, soit une réduction d’un facteur 4. En ce qui concerne la lutte contre les émissions de GES, les objectifs déclarés sont une diminution des émissions par le logement de 20% pour 2020 et une division par quatre pour 2050. Pour l’instant, c’est le chemin inverse qui est pris puisqu’avec la prise en compte de l’énergie primaire dans la RT2012 et les DPE, l’installation de chauffage au gaz est en forte augmentation ce qui conduira à l’accroissement des émissions de GES dans le cas où le kWh électrique produit moins de GES que le kWh de gaz naturel[7] (Figure 2).
Comme le taux de renouvellement des logements est inférieur 1% par an (+300 000, -30 000), il est évident, que pour tenir ces objectifs l’action sur les nouveaux logements est largement insuffisante et qu’il faut agir prioritairement sur le logement ancien qui restera largement majoritaire en 2050. C’est pour cela que les normes concernent désormais aussi les opérations de rénovation, mais sans caractère obligatoire à la différence des réglementations RT applicables en construction neuve. La norme bâtiment basse consommation (BBC) rénovation qui traduit la réglementation RT2012 dans le cas de réhabilitations mais qui n’est pas obligatoire demande que le logement après travaux dépense moins de 80 kWh/m2.an (en énergie primaire) avec une modulation dépendant de la région et de l’altitude. Cette action qui doit entrainer la diminution des consommations énergétiques sera très onéreuse et difficile à mettre en place.
3. Les actions possibles
Le logement appartient au domaine privé et est largement individualisé, donc rien ne peut se faire sans l’assentiment du propriétaire qui peut avoir des intérêts divergents selon qu’il habite ou loue avec des objectifs de rentabilité à court ou long terme. Toute amélioration demande d’abord un apport d’argent important avant d’obtenir des améliorations de coût de fonctionnement et de confort, qui ne peuvent au départ qu’être calculées, avec un résultat final qui dépendra ensuite des aléas climatiques, de la qualité du travail réalisé, du comportement des habitants et in fine du coût futur des énergies qu’il est impossible de prévoir sur la période d’utilisation d’un logement.
Enfin, alors que toute action politique passe par des modalités et des décisions globales d’ordre macroéconomique, la décision d’agir et les modalités d’action sur le logement vont devoir se faire au coup par coup, bâtiment par bâtiment, voire logement par logement, avec des décisions individualisées qui sont plutôt de l’ordre de la microéconomie. Elles vont demander des choix et donc des priorités et devraient toujours faire l’objet d’analyses coûts- bénéfices pas faciles à réaliser et de mesures in- situ avant et après les travaux (Lire : Sociologie de l’énergie : une brève introduction).
Les actions possibles sur la consommation énergétique d’un bâtiment existant sont de divers ordres (Figure 3).
- L’isolation de l’enveloppe du bâtiment vis-à-vis de l’extérieur. Elle permet d’agir, en ordre décroissant d’efficacité, sur les dessus (toits et combles) et le dessous (plancher bas), puis sur les murs par une isolation extérieure (la plus efficace pour effacer les ponts thermiques) ou intérieure (qui aura l’inconvénient de diminuer la surface des pièces et de diminuer l’inertie thermique du bâtiment) et enfin, le plus facile, mais pas nécessairement le plus efficace, le changement des fenêtres et des portes.
- Le changement du mode de chauffage avec le choix de la source d’énergie et des équipements. Ce changement, souvent important, ne devrait se faire qu’après les travaux d’isolation pour bien prendre en compte les nouvelles puissances à installer suite aux travaux réalisés et éviter ainsi le surdimensionnement, facteur de surcoûts et de perte de rendement des dispositifs de chauffage. La réglementation actuelle qui impose de compter l’énergie primaire dans les DPE favorise le gaz qui a vu sa part croître dans les logements neufs ces deux dernières années. Il faut utiliser des pompes à chaleur pour avoir des performances intéressantes avec l’électricité dans les DPE. Actuellement en France, l’énergie utilisée pour le chauffage et la production d’ECS provient pour 44% du gaz naturel, 14% du fuel, 33% de l’électricité, le reste étant fourni par la biomasse, le charbon, le gaz de pétrole liquéfié (GPL), le chauffage urbain ou le solaire thermique beaucoup trop négligé.
- Le renouvellement de l’air devient indispensable dans tous les cas d’isolation efficace qui demande une réelle étanchéité de l’ensemble de l’enveloppe du bâtiment. Une ventilation mal utilisée ou mal réglée ou des opérations d’aération inopportunes peuvent devenir source de grandes déperditions d’énergie et faire perdre les bénéfices de travaux réalisés sur le bâti.
- Le chauffage par panneaux solaires thermiques ne bénéficie pas d’un soutien équivalent au solaire photovoltaïque alors qu’il permettrait de diminuer significativement les consommations externes d’énergie pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire si les bâtiments étaient bien orientés et équipés de planchers chauffants basse température (Figure 4).
4. Comment réalise-t-on ces actions ?
L’isolation résulte de la combinaison des matériaux utilisés dans la construction ou ajoutés dans le cas de réhabilitation de logement ancien. Chaque matériau possédant une conductivité thermique λi la résistance thermique d’une paroi provient de la somme des résistances individuelles Ri des composantes de la paroi :
R= Σi Ri =Σei/ λi
R et Ri étant en m2.°C/W et ei étant l’épaisseur de chacun des matériaux en mètre.
Cette épaisseur d’isolant est le facteur prépondérant pour ce qui concerne la fonction d’isolation. En effet, on utilise des matériaux légers contenant une grande quantité d’air en restreignant la possibilité de circulation pour cet air, matériaux qui ont en général des conductivités thermiques comprises entre 0,025 et 0,05W/m.°C. Ceci conduit, pour avoir des résistances conformes à la norme RT2012, à des épaisseurs minimum d’environ 30 cm pour les toits et 17 cm pour les murs.
Les ouvrants doivent présenter des coefficients de transfert d’énergie Uw compris entre 1,7 et 0,7W/m2.°C, ce qui s’obtient par les fenêtres à double voire triple vitrage avec un gaz neutre entre les différentes parois vitrées et diverses améliorations techniques. S’il est facile désormais de trouver des fenêtres conformes aux normes, la pose dans des logements anciens est souvent le point faible. Il en est de même pour la garantie de l’étanchéité qui impose une programmation rigoureuse des interventions des professionnels et un travail de qualité.
Pour limiter les pertes thermiques dues aux ventilations, il faut utiliser une ventilation qui s’adapte bien aux besoins, prenant en compte le taux d’humidité (dite hygro-réglable) ou idéalement une ventilation double flux bien dimensionnée et bien entretenue avec un échangeur de chaleur voire une pompe à chaleur entre l’air entrant et l’air sortant.
Pour finir, il ne faut pas oublier que les performances prévues ne seront atteintes que si les occupants se conforment strictement aux règles utilisées pour la définition des performances : respecter la température de consigne de 19°C, valeur réglementaire rarement appliquée ; aérer pendant un temps minimum voire nul pour un bâtiment BBC. L’apport thermique à faire à un logement dépendra des performances du bâtiment et du comportement des habitants, ce qui oblige à choisir le mode de chauffage et sa puissance en fonction de ces critères et, dans l’absolu, après détermination des nouveaux besoins même si, dans nombre de cas, le changement de chauffage s’impose au début des travaux.
5. Des exemples de coûts
Le coût des opérations d’amélioration thermique des bâtiments est difficile à quantifier de façon réaliste car l’opération s’accompagne toujours, et c’est normal, d’une remise en état plus générale du logement ou d’un ravalement dans le cas d’une isolation par l’extérieur. Il est très difficile de séparer les deux opérations et de savoir à la fin qui doit payer quoi. Le coût proprement dit des réhabilitations thermiques de bâtiments très dégradés, selon une étude de l’ANAH[8] varie de façon exponentielle, les premiers travaux, s’ils sont bien choisis, amenant une amélioration très rapide des consommations alors que les derniers travaux peuvent coûter cher sans apporter de bénéfices marquants.
L’empilement de normes pas toujours cohérentes, auquel on assiste depuis quelques temps, peut conduire aussi à des surcoûts surtout si les différentes collectivités qui participent aux financements ne se coordonnent pas dans leurs exigences. La demande souvent formulée d’obtenir à tout prix les valeurs d’un label conduit à deux perversions : la première est d’encourager à ne prendre en rénovation que des logements pas trop éloignés du seuil de consommation pour être assuré d’atteindre l’objectif à des coûts raisonnables et d’oublier les gens en grande précarité dans des logements passoires énergétiques, la seconde est de conduire à des travaux importants dont la rentabilité financière ne sera jamais atteinte pour les occupants.
Quelques estimations obtenues dans des réhabilitations réalisées dans la région de Grenoble permettent de mesurer l’ampleur du chantier financier et de fixer les idées à l’aide de chiffres approximatifs (Lire : L’action locale en faveur de la sobriété et de l’efficacité énergétique en Rhône Alpes). Des opérations globales de réhabilitation de bâtiments anciens amenés au niveau BBC réhabilitation ont coûté près de 1000€/m2. Une opération d’aide aux copropriétés de l’agglomération grenobloise pour isoler les bâtiments par l’extérieur a conduit à un coût de 200€/m² de façade et jusqu’à 20 000€ par logement pour l’isolation totale (murs, toits et sous- sol) et le changement des ouvrants. Dans des opérations de réhabilitation de logements anciens répartis dans des bâtiments datant de l’après guerre, il faut dépenser entre 300 et 500€/m2 pour arriver à des consommations de l’ordre de 150 kWh/m2.an, la moitié du coût pouvant être attribué à l’amélioration des performances énergétiques et l’autre partie à la remise en état du logement (électricité, plomberie, peintures).
Rénover 15 millions de logements au coût unitaire moyen de 20 000€, va demander une mise de fonds de 300 milliards d’euros, somme à partager entre les propriétaires qu’il faut convaincre et les aides publiques. À titre de comparaison, la facture énergétique totale de la France en 2011 était de 61 milliards d’euros.
6. La précarité énergétique dans le logement
La précarité énergétique caractérise la situation de ménages qui n’arrivent pas à se fournir correctement en énergie et à obtenir de bonnes conditions de chauffage (Lire : Lutter contre la précarité énergétique). Cette notion a été introduite au Royaume-Uni après la libéralisation des prix des énergies qui a été à l’origine de leur explosion, dans un contexte de moyens de chauffage et d’appareillages électriques peu performants aggravé par certains comportements inadaptés des ménages. En France, même si elle vient d’être définie dans la loi Grenelle 2, la précarité n’est pas nouvelle car de nombreux foyers ont souffert du froid bien avant que la notion soit mise en avant. Elle correspond donc à des foyers qui n’arrivent pas à se chauffer correctement et/ou qui dépensent plus de 10% de leurs revenus (définition anglaise) pour l’énergie dans le logement.
Selon cette définition, 3,8 millions de logements en précarité énergétique ont été recensés en France lors de la dernière enquête INSEE 2006. Depuis, la hausse des coûts d’énergie à partir de 2008 combinée à la crise économique a poussé au chiffre de 11millions en 2014. L’origine de la précarité énergétique provient de l’état thermique déficient des bâtiments, des revenus insuffisants des ménages (situation en pleine expansion avec la crise), du prix croissant des énergies. Les conséquences de cette précarité énergétique se traduisent non seulement par de mauvaises conditions de vie mais aussi par des effets sur la santé (la mortalité due à la précarité énergétique est évaluée à plus de 7 000 morts par an au Royaume-Uni) et des effets sur le bâti qui se dégrade beaucoup plus rapidement en l’absence de chauffage et/ou de ventilation adéquats (Figure 5).
Les moyens de lutte sont encore très parcellaires. Les tarifs sociaux de l’énergie, soit une remise d’environ 100€ par an pour l’électricité et le gaz, ont été rendus quasiment automatiques en juillet 2014 pour des revenus inférieurs au seuil de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), soit 720€/mois pour une personne seule. Pour le bâti il existe un programme « habiter mieux » de l’ANAH pour les propriétaires occupants modestes, des programmes d’aides pour la réhabilitation de logements insalubres ou indécents ainsi que des programmes et aides locales avec souvent des éco-conditionnalités qui varient d’une collectivité à l’autre. Mais ces actions, même subventionnées, requièrent de la part des propriétaires d’avancer l’ensemble des fonds pour les travaux avant de toucher les aides et ont souvent des temps de retour qui ne sont pas très encourageants.
7. En conclusion
La réhabilitation du logement existant est indiscutablement une action à engager en priorité pour diminuer la consommation énergétique, l’émission de GES et surtout améliorer la vie et le confort des habitants. Mais les investissements sont lourds (de l’ordre de 500€/m2 et jusqu’à 1000€ pour le BBC rénovation), donc difficilement amortissables sans aides publiques significatives. La stratégie à adopter n’est donc pas aussi évidente à choisir qu’il paraît et fait l’objet de nombreuses discussions. Les choix sont multiples. Faut-il s’attaquer en priorité aux logements les plus dégradés ? Faut-il faire absolument, comme il est souvent dit, tous les travaux en même temps ou accepter des actions échelonnées dans le temps? Les matériaux existent à des coûts raisonnables et la plus grande part du coût est due au coût du travail. Il est donc important de ne pas multiplier les interventions et de mettre d’emblée à chaque poste les quantités nécessaires d’isolant pour obtenir les performances requises mais ceci peut amener à différer dans le temps des opérations non corrélées.
Il est tout aussi indispensable de faire de sérieuses études avant d’imposer des normes générales qui peuvent s’avérer inefficaces voire décourageantes pour les propriétaires. Afin d’améliorer la situation, on devra de toute façon travailler rapidement dans deux directions, d’une part améliorer la compétence et l’organisation des métiers du bâtiment dans une logique de standardisation et de coordination des tâches et d’autre part remettre à plat les normes et les aides qui ne cessent de s’empiler, de compliquer le travail des intervenants dans le domaine (mille-feuille administratif, problème d’avance de trésorerie) et de décourager les meilleures volontés (Lire : L’habitat passif et à faible consommation).
D’autant que plusieurs faits relativisent l’effet bénéfique sur les consommations énergétiques attendues des opérations de réhabilitation des logements. C’est d’une part la tendance d’accroître significativement la surface des logements par habitant (+63% entre 1973 et 2009) et d’autre part un comportement général qui accroît la demande d’énergie lorsque le logement est amélioré (effet rebond) ce qui peut être légitime en cas de sous-chauffage mais qui peut aussi amener à vivre à des températures déraisonnables (Lire : Sociologie de l’énergie : une brève introduction). La lutte contre le changement climatique n’est pas prise en compte de façon satisfaisante dans les normes actuelles ; les émissions de gaz à effet de serre apparaissent bien dans les DPE et les normes mais ne font pas l’objet de limites contraignante et ne sont pas correctement prises en compte dans l’utilisation de l’électricité en France.
Souvent annoncée comme la voie la plus facile et la meilleure pour diminuer nos consommations énergétiques et limiter les émissions de GES, l’amélioration de la qualité thermique des bâtiments ne sera sans doute pas aussi facile et efficace qu’attendu. Elle a en effet peu de chances, compte tenu du montant des financements à trouver et de la quantité et de la qualité du travail requises, de remplir toutes les attentes. Il va falloir, pour arriver à une vraie décroissance de la consommation énergétique et d’émission de GES, mobiliser toutes les possibilités à notre disposition, en particulier les transports qui sont d’ailleurs liés au logement pour tout ce qui concerne la liaison domicile-travail (Lire : La transition énergétique : un enjeu majeur pour la planète).
Notes et références
[1] Entre l’énergie primaire qui est celle fournie par la nature et l’énergie finale qui est réellement utilisée localement, il y a les rendements et les pertes au transport et à l’utilisation. En France s’ajoute pour l’électricité majoritairement d’origine nucléaire un facteur 2,58 censé représenter le rendement de la transformation d’énergie thermique en électricité. C’est l’énergie primaire avec ce facteur qui est prise en compte pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire dans les calculs de DPE.
[2] Lagandré E. et autres (2010). Quels niveaux de performances pour la rénovation énergétique ? Un détour conceptuel pour éclairer les débats Revue de l’énergie, 598, novembre- décembre.
[3] Il s’agit ici d’énergie primaire et non finale comme plus haut.
[4] EX’IM (2011). Les performances énergétiques des logements français. Etude statistique menée par EX’IM sur la base de plus de 150 000 Diagnostics de Performance Energétique. Octobre 2011.
[5] Cette quantité est en énergie primaire. On rappelle que les réglementations thermiques (RT2000, RT2005 ou RT2012) rassemblent un ensemble de contraintes thermiques à appliquer sur différentes parties du bâtiment ainsi qu’une consommation globale à ne pas dépasser. La satisfaction d’un certain nombre de ces contraintes permet de donner un label au bâtiment tel que HQE (haute qualité environnementale) ou BBC (bâtiment basse consommation).
[6] Il serait donc illusoire de vouloir que l’ensemble du parc d’habitation soit « à énergie positive » car on disposerait de surplus dont on ne saurait que faire l’été aux heures ensoleillées alors que l’on resterait globalement déficitaire pendant les soirées froides d’hiver.
[7] Les bilans d’émission de GES font du gaz naturel un combustible très intéressant comparé au charbon ou au fuel (gain supérieur à 2) mais cet avantage ne prend pas en compte les pertes de gaz pendant l’exploitation et le transport alors que le méthane est lui-même un gaz à effet de serre qui a un potentiel de réchauffement global sur 100 ans 25 fois supérieur à celui du gaz carbonique.
[8] Lagandré E et autres (2010). Quels niveaux, op. cit.
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