Condamné pour les émissions de gaz à effet de serre (GES) de sa combustion, le charbon minéral résiste bien, parce qu’il est disponible en abondance. On le comprend bien en découvrant les conditions de sa formation géologique, les progrès de ses techniques d’extraction et l’évolution de l’évaluation de ses réserves et de ses ressources.
Le terme charbon recouvre une assez grande gamme de combustibles solides selon la teneur en carbone, hydrogène et oxygène. De l’un à l’autre, le pouvoir calorifique de la matière organique, la teneur en cendres, en eau et en diverses impuretés varient donc. Dans les statistiques, on additionne souvent des tonnes de charbons de natures différentes alors qu’il faudrait les convertir au préalable en équivalences calorifiques : la tonne équivalent charbon (tec) qui est l’équivalent d’une tonne de charbon standard d’un pouvoir calorifique de 7000 kcal/kg (kilocalorie par kilogramme), ou la tonne équivalent pétrole (tep) qui équivaut à 1,5 tec (Lire : Le bilan énergétique).
On distingue traditionnellement, mais très sommairement :
– le lignite dont le pouvoir calorifique est inférieur à 4000 kcal/kg
– le charbon proprement dit (dénommé aussi houille) qui comprend :
-
le charbon à coke (coking coal), utilisé pour ses propriétés particulières par la sidérurgie afin de réduire, après cokéfaction, le minerai de fer.
-
le charbon vapeur [1] (thermal coal) qui alimente l’industrie et principalement les centrales thermiques et dont le pouvoir calorifique varie de 4000 kcal/kg (flambant sec – sub-bituminous) à 8000 kcal/kg (anthracite).
Le lignite ne voyage pas à cause de sa basse teneur calorifique : il est consommé sur place pour produire de l’électricité. Sa production, assez stable, représente 800 Mt/an, soit l’équivalent d’environ 0,3 Gtec/an.
Le charbon proprement dit est transporté par voie ferrée et voie maritime. Sa production, toutes catégories confondues s’est élevée en 2012 à environ 7.8 Gt soit 5,5 Gtec. [2]
1. Géologie et genèse du charbon
Comme le pétrole, le charbon est le produit de la maturation de dépôts végétaux enfouis dans des roches sédimentaires. Un climat humide provoque la prolifération de végétaux (fougères, arbres, etc.) dans un milieu marécageux, lacustre ou deltaïque (Figure 1). Ces dépôts sont périodiquement recouverts par des sédiments amenés par les fleuves et s’enfoncent très progressivement. La maturation des dépôts organiques est très lente et peut prendre des dizaines de millions d’années. On obtient ainsi une sorte de millefeuilles de zones stériles ou pauvres et de zones très riches en matière organique (les futures veines de charbon). Ces dernières évoluent au cours du temps de la tourbe vers un produit solide de plus en plus induré, sec et riche en carbone. Ce phénomène est appelé houillification ou carbonification. Au fur et à mesure de la perte de l’eau et des produits volatils, sous l’action des microorganismes (au début) et de la pression et de la température dues à l’enfouissement, on passe ainsi du lignite, au charbon vapeur ou à coke, puis à l’anthracite.
La différence essentielle avec le pétrole est, qu’étant solide, le charbon ne migre pas de sa roche mère pour se concentrer dans le piège d’une roche réservoir. On va donc le retrouver en place dans le niveau sédimentaire où il a subi sa transformation, sous forme de « veines » d’épaisseur très variable (de centimétriques à une centaine de mètres). Une quantité bien supérieure de pétrole s’est formée au cours des âges mais l’essentiel a été détruit par oxydation en arrivant à la surface sous la pression des forces hydrostatiques et seuls quelques pourcentages ont été piégés en route pour donner des gisements en des endroits privilégiés. Le charbon, au contraire, est resté où il est né, sauf si la formation géologique a été érodée. On comprend pourquoi il est aujourd’hui plus abondant que le pétrole et pourquoi on le trouve en bassins continus d’assez grande extension correspondant à l’ensemble d’une zone où les conditions de sédimentation étaient favorables à la formation du charbon. Ces bassins peuvent couvrir plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers de km2 et où la tectonique est souvent assez calme, ce qui permet une extraction aisée (Lire : Géologie et géodynamique des hydrocarbures).
Plus de la moitié du charbon mondial s’est formé vers la fin de l’ère primaire (il y a 300 à 350 millions d’années) au Carbonifère et au Permien, moment où les conditions climatiques étaient particulièrement favorables mais on en retrouve dans beaucoup d’autres niveaux géologiques. En particulier, le lignite date le plus souvent de l’ère tertiaire, qui a débuté il y a 65 millions d’années. Cette relative jeunesse explique qu’il en soit resté aux premiers stades de houillification (Figure 2).
À noter que de nombreux charbons insuffisamment [3] matures contiennent du grisou, principal danger affronté par le mineur souterrain. Il s’agit en réalité de méthane – identique à celui qui constitue l’essentiel du gaz naturel – et son exploitation dans certains cas par des forages ad hoc permet d’extraire un gaz non conventionnel (CBM – Coal Bed Methane) qui représente de l’ordre de 50 Gm3/an aux USA.
2. Les techniques d’extraction du charbon
Traditionnellement, le charbon a été extrait de mines souterraines (Figure 3) mais aujourd’hui, près de 60% de la production mondiale provient de mines en découverte, dites à ciel ouvert (open mining). À l’aide d’engins gigantesques, la couverture stérile (pouvant excéder 100m) est décapée, on enlève ensuite la couche de charbon mise à nu et généralement subhorizontale (Figure 4). Le prix de revient est minimal et les mines souterraines dont les conditions ne permettaient pas un degré suffisant d’automatisation (épaisseur trop faible, couches trop tectonisées ou trop profondes) ont dû fermer, à l’exemple de nombreux pays d’Europe.
Sur le carreau de la mine, on améliore la qualité du charbon (lavage, tri) et on l’expédie par chemin de fer vers les utilisateurs ou les ports exportateurs par des navires minéraliers de plus en plus imposants.
Il s’agit là – mine, train, port, minéralier – d’une très lourde chaîne d’investissements dont l’adaptation de la capacité à la demande peut connaître des à-coups difficiles à surmonter (Lire : Économie et politique du charbon minéral).
3. Les ressources et les réserves de charbon
La connaissance de leurs quantités passe d’abord par des définitions correctes.
3.1. Définitions
Dans de nombreux endroits du monde, les forages réalisés pour la reconnaissance géologique, ou le plus souvent pour rechercher d’autres ressources (eau, hydrocarbures, minéraux de toutes natures), ont intersecté des zones où se rencontraient des couches de charbon d’épaisseur variable. Mais le charbon n’étant pas l’objectif, les forages de développement permettant un vrai cubage du charbon en place n’ont pas été réalisés dans la grande majorité des cas : les ressources de charbon n’ont donc pas été réellement prospectées car cela était inutile. Toutefois, les veines de charbon étant bien repérables, on peut, quand la tectonique est suffisamment calme -ce qui est relativement fréquent-, estimer par de grandes interpolations à partir de quelques puits, même très espacés, le volume de « ressources possibles » dans un bassin charbonnier donné.
Les ressources d’un bassin représentent le « possible charbon en place » dans ce bassin.
Pour transformer en réserves les ressources d’une zone donnée, il faut effectuer des travaux complémentaires importants dont des forages à un maillage assez dense et de la sismique, afin d’évaluer de manière précise le volume de charbon en place puis estimer le volume susceptible d’être extrait à un coût inférieur au prix de vente espéré pour ce charbon sur le carreau de la mine (Figure 5). On obtient ainsi le volume de réserves récupérables ou réserves dont la taille varie avec les conditions économiques suivantes : les réserves augmentent quand le prix monte.
Comme pour le pétrole, les définitions ne sont ni homogènes ni claires et la fiabilité des données est très variable d’un pays à l’autre. Le Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe (BGR) qui est en Allemagne l’équivalent du Bureau de Recherche Géologique Minière (BRGM) en France, fait depuis de longues années un recensement aussi complet que possible et publie les chiffres qui paraissent les plus fiables.
Sont exclues du calcul des ressources/réserves les parties considérées comme inexploitables :
-
le charbon situé sous la mer [4]
-
le charbon situé à une profondeur supérieure à 1200 m (1800 m dans certains cas)
-
les veines d’une épaisseur inférieure à 0,6 m.
En outre, il faut noter que :
-
aucun critère d’éloignement géographique n’est pris en compte
-
si le prix de revient, et donc l’exploitabilité économique, n’est pas pris en compte pour la définition des ressources, le double critère épaisseur minimum des veines et profondeur en tient lieu
-
aucune exploitation ne peut prétendre extraire 100 % du charbon en place en raison du rendement de la méthode d’exploitation (60 % pour une exploitation souterraine par chambres et piliers, idéalement jusqu’à plus de 95 % pour une mine découverte), de la disponibilité des terrains, et d’autres caractéristiques du site.
-
la valeur énergétique du charbon peut varier largement d’un bassin à l’autre.
3.2. Évaluations
Dans ces conditions, le BGR qui estimait en 2006 à au moins 4 000 Gt les ressources en charbon les a portées en 2015 à un chiffre beaucoup plus élevé : de l’ordre de 22 000 Gt [5] (Figure 6).
Les diverses estimations de réserves actuellement prouvée, données par le BGR, la British Petroleum (BP), l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) sont de l’ordre d’environ 1000 Gt, les principaux pays détenteurs de réserves étant, dans un ordre décroissant : États-Unis; Russie; Chine; Inde; Australie; Afrique du Sud.
Devant de telles variations concernant le chiffre des ressources, on peut seulement retenir que le tonnage des ressources est beaucoup plus élevé que celui des réserves prouvées. Compte tenu de la production présente de l’ordre de 7.8 Gtec/an, qui pourrait encore augmenter, et même s’il est bien clair que toutes les ressources en place ne seront pas transformées en réserves [6], on mesure la très grande abondance du combustible fossile charbon. Le charbon est aujourd’hui beaucoup plus abondant que les hydrocarbures : réserves prouvées supérieures et surtout ressources potentielles sans commune mesure.
3.3. Remarque sur l’évolution future
Le BGR donne également une précision intéressante : l’épaisseur moyenne des veines est de l’ordre de 1,8 à 2 m en ce qui concerne les réserves alors que pour les ressources, elle ne serait plus que de 1 à 1,2 m. On en déduit donc que, pour le charbon et malgré l’ampleur des réserves, la notion d’écrémage existe d’une manière ténue en 2015, cela s’amplifiera lentement et progressivement. Dans le cas du pétrole, l’écrémage se fait par la taille des gisements découverts qui devient de plus en plus petite au fur et à mesure que progresse la mise en exploitation dans un bassin donné. Dans le cas du charbon, l’épaisseur des veines, la profondeur à laquelle elles se trouvent et la situation géographique plus ou moins reculée et difficile jouent un rôle discriminant analogue.
De nos jours, il y a place pour un développement du charbon aussi important qu’on le souhaitera au cours des prochaines décennies mais, en raison de l’effet d’écrémage des gisements les plus rentables, la tendance sera lentement haussière pour le prix du charbon à long terme.
4. Conséquences de la géologie du charbon
Le simple examen des conditions particulières de formation, de conservation et de production du charbon et la comparaison des chiffres de ressources, réserves et production permet ainsi de dégager un ensemble de conclusions très importantes.
Les ressources mondiales de charbon sont très mal connues, puisqu’il ne servait à rien de faire partout des reconnaissances détaillées, mais, elles sont considérables et une partie d’entre elles sera précisée et transformée en réserves au fur et à mesure des besoins nécessitant leur mise en exploitation, en fonction de la montée du prix déterminé par le marché. À horizon humain (21ème siècle), il n’existe aujourd’hui pas de pic prévisible [7] pour cause d’insuffisance des ressources à l’échelle mondiale (Figure 7). Ceci n’exclut pas l’existence d’éventuels pics régionaux, comme en Chine [8] au cours de prochaines décennies.
Autrement dit, à horizon humain, la production pourra toujours s’adapter à des besoins éventuellement croissants à condition d’admettre une augmentation du prix.
– Si la production mondiale plafonne un jour, d’ici la fin du siècle, ce sera faute de demande et non pas faute de ressources. Les futures difficultés d’approvisionnement en charbon seront passagères et provoquées par d’éventuelles insuffisances temporaires dans les investissements d’infrastructure (mines et transports) ou par des crises politiques.
– Deux types de pics locaux (dans l’espace et dans le temps) ont existé et existeront encore :
-
des pics d’épuisement physique des ressources dans des bassins bien circonscrits. Le bassin des Appalaches aux États-Unis connaît sans doute un épuisement de ses réserves en bon anthracite ;
-
des pics d’épuisement économique de bassins qui ont dû fermer pour cause de non rentabilité ; les réserves de charbon européen, sauf en Pologne et en Ukraine, sont quasi nulles aujourd’hui car le coût de production serait très supérieur au prix. Il n’est en théorie pas impensable que de nouvelles mines ouvrent un jour en Europe, si le prix remonte très fortement.
Notes et références
[1] Certains charbons vapeurs – notamment dans l’Est américain – peuvent occasionnellement être utilisés comme charbons à coke quand la demande est forte. Les marchés des deux types de charbon sont néanmoins bien séparés.
[2] Soit pour le total, lignite compris 7,9 Gt représentant 5,8 Gtec.
[3] Notamment USA, Australie, Russie dans le bassin de Kuznets.
[4] Il y a par exemple d’énormes quantités de charbon sous la mer du Nord et sous la mer de Barents qui sont aujourd’hui comptées pour zéro. Dans un avenir lointain, leur exploitation sera peut-être envisageable pour produire du gaz par combustion in situ (UCG – Underground Coal Gasification).
[5] La Russie disposerait par exemple en Sibérie, notamment orientale, de ressources colossales encore très peu connues. Il en serait de même pour la Mongolie.
[6] À titre d’exemple, on peut prendre le bassin de Powder River dans le Wyoming pour lequel l’USGS estime à près de 500 Gt les ressources dont 1/3 serait techniquement extractible mais, aux conditions actuelles du marché, seulement 25 Gt seraient aujourd’hui rentables (0,4 Gt/an sont aujourd’hui produites) à cause du très faible prix départ carreau mines. Les réserves sont très sensibles au prix et remonteront vite dès que celui-ci augmentera.
[7] Il y aura bien entendu un jour un pic de la production mondiale de charbon mais, s’il s’agit d’un pic de ressources (puisque le volume du charbon existant sur terre est fini), ce sera dans un avenir très éloigné. Le pic a toutes chances de se produire bien avant en cas de désamour pour ce combustible (pour cause d’inconvénients environnementaux et/ou de non compétitivité).
[8] Si cela se produit, on peut penser que Mongolie, Russie et autres Australie seront ravis de venir à la rescousse.
L’Encyclopédie de l’Energie est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.
Pour citer cet article, merci de mentionner le nom de l’auteur, le titre de l’article et son URL sur le site de l’Encyclopédie de l’Energie.
Les articles de l’Encyclopédie de l’Energie sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.