Pas de transition énergétique sans appel aux sources renouvelables, dont la biomasse. Mais dans quelles proportions du mix énergétique ? Quel recours à la biomasse d’origine forestière ? Toute réponse doit tenir compte du temps nécessaire à sa régénération ainsi que de l’équilibre entre les différentes espèces et les différents usages du bois.
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L’utilisation de la combustion de la biomasse remonte à la découverte et la maitrise du feu par l’homme, il y a plus de 450 000 ans (Lire : De la découverte du feu à la combustion de la biomasse). Aujourd’hui, dans plusieurs pays de l’hémisphère sud, plus de 2,5 milliards de personnes n’ont que le bois pour se chauffer, s’éclairer, et cuisiner. Le bois est un combustible d’hier, d’aujourd’hui, et sans doute de demain. Avec des moyens de mise en œuvre plus ou moins performants en fonction des continents et du développement de chaque pays concerné.
Les progrès techniques réalisés sur la maitrise de la combustion rendent les moyens individuels ou collectifs plus attractifs au niveau de l’efficience de la conversion de l’énergie chimique du bois, en énergie thermique, ainsi que par la réduction des rejets polluants, en particulier au niveau des particules fines PM 2.5 μm, PM 5 μm et nanoparticules.
L’évolution climatique et les choix économiques concernant les souces d’énergies conduisent, sans doute, à utiliser la biomasse « dite renouvelable » pour se substituer aux produits d’origines fossiles comme le charbon et le pétrole, par sa facilité de mise en œuvre, sa neutralité carbone et son faible coût de transformation à produire toujours plus de gros volume de bois énergie. Néanmoins, il y a malgré tout un questionnement concernant l’équilibre des zones de peuplement des différentes essences, feuillus en particulier, au regard de ce qui sera possible d’utiliser sans conflits, dans les différents secteurs. La part énergétique constitue l’usage ultime de la biomasse que représente le bois, et doit être utilisé à bon escient, ce qui ne sera pas facile compte tenu de la pression exercée par les différents acteurs des filières de transformation et utilisateurs finaux.
La biomasse est effectivement une ressource renouvelable, qui doit être considérée avec l’échelle de temps nécessaire à la régénération du potentiel disponible pour les différents usages. Il faut un certain temps au monde végétal pour se développer au travers du processus de chimie naturelle que constitue la photosynthèse, par la conversion de l’énergie solaire, moteur de sa croissance (courbe en ‘’M’’ figure 5).
Cela doit interroger, sur les meilleurs choix et promotion à faire pour ces sources d’énergies, en lien avec la capacité à produire de la biomasse avec la meilleure efficience de conversion possible, en mesurant les conséquences sur l’environnement et l’évolution du climat par la libération de dioxyde de carbone (CO2), véritable catalyseur de l’effet de serre et du réchauffement climatique.
1. Rappel des ressources issues de la biomasse pour les différents usages énergétiques
La biomasse peut alimenter différents services énergétiques, par exemple des usages communs dans les domaines domestiques tels que les chauffages individuels des particuliers, mais aussi des usages collectifs pour alimenter des chaufferies des bâtiments collectifs ou même des usages industriels pour alimenter des co-générateurs. Ces différents usages sont pourvus par l’intermédiaire de plusieurs sources de biomasse qui sont présentées dans le tableau 1 ci-dessous.
Tableau 1. Matières d’origine végétale issue de la biomasse utilisée comme combustible source d’énergie
Biomasse issue de l’agriculture | Biomasse issue des forêts |
Cultures énergétiques | Bois bûche |
Co-produits agricoles | Bois Plaquettes forestières (Bois Raméal Fragmenté – BRF) |
Co-produits industriels | Bois plaquettes de scieries |
Agro-pellets | Bois granulées (pellets) |
De grandes catégories de biomasse peuvent être dédiées à de la valorisation énergétique : la biomasse issue de l’agriculture et celle issue des forêts (figure 1). Dans la première catégorie, on retrouve des cultures énergétiques dédiées comme le Miscanthus, mais aussi des coproduits agricoles ou industriels, appelés parfois déchets, qui peuvent être valorisés énergétiquement parlant. Dans la seconde catégorie, les ressources lignocellulosiques (provenant de bois) peuvent se trouver sous différentes formes : sans transformation pour le bois bûche, avec peu de traitement comme les plaquettes forestières ou après des transformations industrielles comme les plaquettes de scierie ou les granulés de bois.
2. Potentiel de production de la biomasse lignocellulosique pour un usage énergétique
Le bois est une ressource abondante, avec plusieurs utilisations possibles avec un potentiel plus ou moins utilisé selon les régions.
2.1 Les ressources forestières
Les forêts couvrent 31 % de la surface terrestre et constituent le deuxième puits de carbone après les océans. La photosynthèse fixe ainsi chaque année de 115 à 120 milliards de tonnes (ou Gigatonnes) de carbone à partir du CO2 de l’air.
Pour ce faire, les végétaux utilisent une toute petite partie (environ 1 à 2%) de l’énergie solaire qui arrive sur notre planète. A l’échelle du globe, c’est une puissance avoisinante 130-140 térawatts (1 térawatt = 1012 watts), qui est utilisée, ce qui équivaut à environ six fois la consommation énergétique de l’humanité. Ainsi, la nature produit chaque année 100 milliards de tonnes de cellulose, qui constitue 35 à 50 % de la biomasse végétale terrestre. Le bois est donc constitué de l’ordre de 50 % de carbone.
Le bois d’œuvre séquestre le carbone sur de longues durées, par l’intermédiaire de la construction de maisons en bois, de meubles, etc. Le bois énergie dans son usage ultime restitue le carbone qu’il a fixé pendant sa croissance durant sa combustion. Ainsi, même si le sujet est encore objet de débats[1], sur l’ensemble du cycle de vie de la ressource, son bilan carbone peut être considéré comme neutre ou tout du moins très faible comparé aux sources d’énergies fossiles.
Il existe deux grandes familles d’arbres avec d’un côté les feuillus durs (hêtre, chêne, châtaignier, frêne…) et de l’autre les feuillus tendres (bouleau, peuplier, saule, aulne…) et les résineux (pin, sapin, épicéa, mélèze…). En effet, tous les arbres n’ont pas les mêmes caractéristiques, et la qualité du bois varie d’une espèce à l’autre.
2.2 État des lieux du bois énergie
Le bois énergie est la principale énergie renouvelable à travers le monde. Dans le monde, la source d’énergie bois est régulièrement oubliée dans les statistiques des mix énergétiques parce qu’elle est majoritairement « non commerciale ». On estime pourtant qu’au début du 21ème siècle, la biomasse traditionnelle fournit environ 1Gtep (gigatonne équivalent pétrole) par an, soit environ 10 % de la consommation mondiale d’énergie primaire. Mais localement, dans une grande partie de l’Afrique notamment, elle assure de l’ordre 50 % de la consommation domestique (figure 2).
En France, pour un total de renouvelables de 23,0 Mtep ou 320TWh, le bois énergie représente la plus grosse part des renouvelables en pourcentage, avec un peu plus d’un tiers (figure 3). Environ 7 millions de ménages utilisent le bois comme mode de chauffage principal ou complémentaire, essentiellement des bûches. L’usage va croissant (ils n’étaient que 6 millions en l’an 2000) mais le chiffre oscille légèrement d’une année sur l’autre selon la température des hivers.
Le bois énergie désigne l’utilisation du bois en tant que combustible, employé sous différentes formes plaquettes forestières, produits connexes de scierie, produits bois en fin de vie, granulés, bûches, dans les installations industrielles ou collectives et domestiques. En France, 40% de la consommation de bois va dans cette filière de valorisation énergétique (figure 4).
En France, il existe un potentiel de développement important de l’usage de la ressource bois. En effet, la coupe du bois est inférieure à l’accroissement naturel de la forêt. La récolte forestière est évaluée à près de 42 millions de m3/an alors que la ressource bois représente un potentiel de plus 86 millions de m3/an. La ressource bois reste donc encore sous-exploitée en France.
3. Construction et déconstruction de la matière végétale (courbe en M)
La temporalité est très différente entre l’absorption et la fixation du CO2 lors de la croissance de la biomasse, du bois, qui peut être de plusieurs décennies voire de siècles, et la libération de CO2 lors de la combustion qui est immédiate, avec des usages qui s’intensifient (figure 5) avec, en corollaire, l’augmentation du réchauffement climatique. Cela représente une dualité entre produire de l’énergie par la biomasse et la convertir, et l’équilibre des rejets des polluants pouvant être absorbés.
A noter qu’au-delà de l’usage énergétique, une partie des forêts primaires amazoniennes, indonésiennes, africaines sont brulées pour gagner des espaces agricoles ou abattues pour des usages dédiés aux industries de transformation du bois, ce qui représente également un arbitrage à trouver pour une gestion durable de la ressource et éviter des émissions nettes liées à la déforestation massive (Lire : Guyane : La biomasse-énergie en débat).
4. Composition chimique du bois
La fraction organique du bois se compose de résines, de tanins et de polymères que sont la cellulose, l’hémicellulose ou encore la lignine. Le tableau 2 ci-dessous montre des compositions du bois pour différentes espèces.
Tableau 2. Exemples de compositions du bois pour différentes espèces d’arbres forestiers et produits agricoles (en % de la matière sèche) [Source : [4] https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/etude_chimie_du_bois_rapport_2015.pdf]
Le bois peut être globalement assimilé à une molécule du type C6H9O4N0,1, avec la répartition suivante en % du poids anhydre :
- 49 à 50 % de carbone C ;
- 6 % d’hydrogène H ;
- 43 à 44 % d’oxygène O ;
- 0,2 à 0,5 % d’azote N ;
- Contrairement aux combustibles fossiles, le bois ne contient pas de soufre.
La répartition de ces composants a une influence sensible sur le pouvoir calorifique et le choix des technologies de combustion.
La combustion du bois génère :
- des oxydes de carbone (CO et CO2). Notons que si la combustion est complète, le taux de CO est très faible ;
- de l’eau (H2O) ;
- des oxydes d’azote (NOx) mais en moindre quantité que le charbon ou le fioul ;
- des matières minérales (contenues dans le bois ou provenant des impuretés accrochées aux écorces), qui se retrouvent dans les cendres (potassium, calcium, magnésium, sodium, fer, aluminium et silice).
Le taux de poussières dans les fumées n’est pas lié à la composition chimique du combustible mais à ses caractéristiques physiques (taux de particules fines) et aux réglages de combustion (débit d’air, etc.).
Les cendres proviennent des matières minérales contenues dans le bois et des impuretés accrochées aux écorces. Elles peuvent également contenir du carbone incomplètement brûlé, voire des éléments macroscopiques métalliques (clous, etc.).
Le bois a un taux de cendres moyen compris entre 0,5 et 1,5 % de la masse anhydre. Les écorces ont un taux de cendres qui dépasse 5 %. Plus un combustible bois contient d’écorces, plus il a un taux de cendres élevé. On peut aussi trouver des taux de cendres élevés dans le broyat mal déferraillé et/ou issu de bois de rebut mal triés.
Les cendres de bois contiennent principalement du calcium, du potassium et du magnésium et, dans une moindre mesure, du sodium, du fer, de l’aluminium et de la silice. Les traces de radioactivité que l’on peut y déceler appartiennent à la famille de la « radioactivité naturelle » (renforcée, c’est-à-dire concentrée, à l’occasion de la combustion) qui entoure notre univers depuis sa création et non à la « radioactivité artificielle » de l’industrie nucléaire ou de la médecine ; ces traces sont ainsi sans impact notable sur la santé.
La fusibilité des cendres est variable selon les types de bois. D’une manière générale, la transformation en mâchefer débute autour de 900 °C, s’intensifie à partir de 1 200 °C jusqu’à écoulement autour de 1 400 °C.
La teneur et la nature des cendres ont une importance dans le choix de la technologie de combustion. Un taux de minéraux élevé provoque une formation importante de mâchefer qui oblige à utiliser des grilles mobiles ou des systèmes de recyclage des gaz de combustion pour appauvrir l’air comburant en oxygène et ainsi diminuer la température de foyer et, par conséquent, limiter la production de mâchefer.
La valorisation des cendres par épandage agricole ou forestier doit être systématiquement étudiée.
5. Historique des usages du bois énergie
Le bois bûche, les plaquettes forestières, les plaquettes déchets industriels, les granulés (pellets) et résidus agricoles sont les principales sources énergétiques issues de la biomasse, avec les avantages et les inconvénients liés aux moyens mis en œuvre, avec une efficience de conversion de l’énergie plus ou moins performante (Relation du PCI / Rendement) selon le taux d’humidité (voir figure 17) (Lire : Biomasse et énergie : des ressources primaires aux produits énergétiques finaux).
5.1 L’usage du bois bûche comme combustible est très ancien
Dans les campagnes, les forêts du moyen âge ont longtemps porté les stigmates d’une déforestation intensive. L’utilisation du bois bûche (figure 6) dans les cheminées a été le piller central de la maison. Les cheminées, progressivement remplacées par les fourneaux bouilleurs, permettaient de chauffer les pièces de vie ; les fermes dans les campagnes sont riches de cette histoire. Dans l’âtre des cheminées, les chaudrons étaient pendus à la crémaillère pour cuire les aliments. Le bois a également permis le développement artisanal et préindustriel gourmand en énergie pour la transformation des métaux, du verre, des poteries et céramiques, etc.
En Europe, la pénurie du charbon due à la seconde guerre mondiale a engendré une forte augmentation de la consommation de bois. Ainsi, en Suisse, pendant les dernières années du conflit, la consommation était plus deux fois supérieure à la production naturelle de régénération.
Aujourd’hui, il est toujours utilisé pour se chauffer et pour l’agrément des maisons. Le bois est la source d’énergie la moins couteuse, au regard de la conversion chimique que constitue ce potentiel d’énergie. La connaissance des principes physico-chimiques découverts en 1775 par Antoine Laurent de Lavoisier a permis de mieux utiliser la combustion concernant les usages du feu (Lire : Une brève histoire de l’énergie).
Au fil du temps des améliorations sensibles de ce moyen de chauffage ont été réalisées, bien qu’en corollaire, il soit source de pollution quand la combustion n’est pas bien maîtrisée[2].
5.2 L’usage des plaquettes forestières et plaquettes issues de co-produits industriels.
L’utilisation du bois déchiqueté issu des plaquettes forestières et des plaquettes provenant de déchets industriels (figure 7) et plus ressente dans les usages, débutant dans les années 2000, avec le développement des chaufferies collectives, centrales thermiques pour le chauffage urbain et dans les campagnes pour les bâtiments publics pour se substituer aux combustibles d’origines fossiles, charbon et fioul, générateurs de pollutions importantes.
Le bois est déchiqueté avec des broyeurs pour le transformer en plaquettes et mis en stockage sous abri pour une durée de séchage de 3 à 6 mois pour atteindre un taux d’humidité de 20 à 25 % avant d’être brulé.
5.3 L’usage des granulées de bois (pellets)
La production et l’usage des granulés de bois (pellets) a surtout trouvé son essor au début des années 70, aux États-Unis et en Europe avec les premiers chocs pétroliers, et l’augmentation des coûts de l’énergie. L’industrie de la première et deuxième transformation du bois, les scieurs, qui avaient de grande quantité de coproduits industriels (sciure de bois) générés par les différentes activités industrielles, construction de maison en bois notamment, pour rappel au US sur 10 maisons construites 9 sont en bois.
Ces co-produits générés par les sciures ont permis de développer une filière de production industrielle de granulés à partir d’extrudeuses (figure 8) qui compacte la sciure en éléments de petite taille : cylindre de 4-6 mm de diamètre par 10-20 mm de long (figure 9).
6. Mise en œuvre de ces sources énergétiques provenant du bois
Le bois bûche est le plus facile à mettre en œuvre. Il est principalement utilisé pour les usages domestiques des particuliers, mais il présente une contrainte du fait de son rapport volumétrique (figure 10) qui nécessite d’importantes zones de stockage abritées. Le bois pour être considéré comme sec doit sécher sous abri ventilé (minimum 1 an en fonction des essences) pour obtenir un taux d’humidité inférieur à 20 %, ce qui est le taux requis pour une bonne combustion afin de limiter les rejets de polluants et particules fines.
Figure 10. Rapport volumétrique de stockage en fonction de la longueur des bûches représentation graphique. [Source : [6] https://picbleu.fr/ – Le bois de chauffage]
A noter que les cheminées à foyer ouvert (figure 11) sont a proscrire car ce type de foyer ne permet pas une bonne combustion par manque de confinement thermique, pour obtenir un bon niveau d’énergie d’activation (niveau d’enthalpie), et génèrent beaucoup d’imbrulés polluants et de particules fines. Elles ont un très mauvais rendement, de l’ordre de 10 à 15 %, car la majorité des calories qui sont produits partent par convection dans la cheminée.
Les foyers fermés doivent être privilégiers (figure 12) du type à insert ou poêles reconnus par les labels ‘’flammes vertes’’ qui sont homologués. Les foyers ouverts sont interdit au Canada, et fond l’objet en Europe d’une réglementation pour les interdir et les remplacer par des foyers plus performants.
Le bois déchiqueté (plaquettes) est plus utilisé dans les chaufferies collectives et industrielles, et présente l’avantage d’une moins grande emprise de stockage (rapport volumétrique) avec une bonne efficience énergétique. Le bois déchiqueté, il peut provenir de plaquettes forestières avec une forte teneur en écorce (figure 13) ou de plaquette industrielle, et résidus de sous-produits industriels (figure 14). Il peut être utilisé dans une centrale à cogénération dont le fonctionnement est illustré figure 15. Il est utilisé pour produire de la chaleur alimentant un réseau de chauffage urbain et la production d’éctricité. Ce type de co-générateur pemet d’avoir la maitrise des rejets avec le traitement des fumées.
Le bois transformé en granulés appelés pellets et très largement utilisé par les particuliers et les chaufferies collectives de faibles puissances 200 à 400 kW, avec l’avantage d’avoir des conditionnements, en petits sacs, en big bag, ou livré par containers pour alimenter les trémies des chaufferies.
Les pellets présentent un faible taux d’humidité (de l’ordre de 10 %) avec une très bonne efficience de conversion énergétique, avec peu de rejets polluants. De plus, il produit très peu de cendres grâce à une bonne combustion dite « parfaite » qui génère environ 1 % de cendres, que constitue les sels minéraux, calcium, potassium, magnésium, etc. et il y a également peu de rejets particules fines (2,5 μm – 5 μm). Néanmoins, il y a toujours libération de CO2.
A noter qu’aucune combustion n’est vraiment propre, d’où l’intérêt d’en limiter l’impact sur l’environnement ainsi que les conséquences sanitaires, en faisant les meilleurs choix du bois énergie. La combustion de granulés bois dans des chaudières à granulés (figure 16) font partie de ces bons choix.
Une autre source d’énergie issue des résidus agricoles et forestiers, permet d’alimenter les méthaniseurs appelés aussi «digesteurs » d’un secteur qui se développe également concernant la production du biogaz. Ce processus présente de bons rendements au niveau de la conversion d’énergie avec de très faibles rejets en particulier une absence de particules fines qui sont nocives pour notre santé[3].
7. Représentation graphique des rendements de différents combustibles issus de la biomasse
Le pouvoir calorifique du bois de chauffage dépend de son taux d’humidité, de l’essence de l’arbre dont il est issu étant moins importante sur ce plan : « ce sont les bois les plus denses, qui produisent le plus de chaleur à poids égal » (tableau 3). Le meilleur rendement énergétique d’une essence est obtenu à un taux d’humidité inférieur à 20 %. En effet, 1 kg de bois à 50 % d’humidité dégage 2 kWh, alors qu’à 20 % d’humidité, il en dégage 4 kWh.
La chaleur latente représente l’énergie qui est absorbée pour évacuer le taux d’humidité relative du bois pour le rendre anhydre, phase initiale avant le processus de combustion. Elle est directement liée au rendement de conversion de l’énergie chimique / thermique.
Tableau 3. Pouvoir calorifique (PCI) de quelques essences communes. [Source : [7] – Carcano Emmanuel (2008). Nota : la conversion énergétique correspondant, a un taux d’humidité de 15 à 17 % qui est le taux requis pour être considéré comme bois sec.]
Essence | Valeur calorifique (kWh/kg) |
Érable | 4,1 |
Bouleau | 4,3 |
Hêtre | 4,0 |
Chêne | 4,2 |
Aulne | 4,1 |
Frêne | 4,2 |
Épicéa | 4,5 |
Pin | 4,4 |
Mélèze | 4,4 |
Peuplier | 4,1 |
Robinier | 4,1 |
Sapin | 4,5 |
Orme | 4,1 |
Saule | 4,1 |
8. Avenir de la forêt sur les différents continents
L’évolution des puits de carbone, la forêt amazonienne, indonésienne, africaine, et toutes les forêts du monde, est en partie liée à l’évolution des activités anthropiques de la planète : l’agriculture, la préservation de l’environnement pour les espaces naturels et les zones à protéger pour la biodiversité, l’adaptation à l’évolution climatique et les aspects technico-économiques pour l’utilisation de bois d’œuvre ou de bois énergie.
Une étude conduite par l’Américain Erle Christopher Ellis [8], chercheur au département de géographie et systèmes environnementaux de l’université de Baltimore, désigne des types d’habitats anthropisés. Chaque anthrome est défini en fonction des caractéristiques de la biodiversité, mais aussi des activités humaines. Cela va de la zone urbaine dense à la zone désertique inhabitée, en passant par les forêts habitées, les plaines cultivées, les prairies de pâturage extensif, notamment. En particulier :
- les habitats sauvages, caractérisées par l’absence complète de population humaine ;
- les habitats « cultivés »par l’homme (ou « anthromes cultivés »), où moins de 20 % des surfaces sont occupées par des activités humaines considérées comme intensives. On retrouve dans cette catégorie la forêt amazonienne par exemple ;
- les habitats intensifs (ou « anthromes intensifs »), où plus de 20 % des surfaces sont occupées par des activités intensives (zones urbaines plus ou moins denses, grandes zones agricoles peu diversifiées, zones irriguées ou en pâturage intensif, etc.). La plus grande partie des surfaces agricoles dans le monde entrent aujourd’hui dans cette catégorie.
L’homme a façonné la majeure partie de la nature terrestre depuis au moins 12 000 ans. Près des trois quarts des terres étaient habitées, dont plus de 95 % des forêts tempérées et 90 % des forêts tropicales. Les terres désormais qualifiées de naturelles présentent généralement de longs antécédents d’utilisation.
En ce début du 21ème siècle, plusieurs paramètres « multifactoriels » sont à prendre en compte. Ils sont liés à l’activité humaine (l’ère de l’anthropocène) : les révolutions industrielles, la démographie, l’accroissement des populations et des besoins, la culture intensive des terres agricoles, l’extraction des ressources non renouvelables. La biomasse, les forêts s’affranchissent de cette contrainte à partir du moment où elles sont renouvelables à concurrence du temps de régénération des espèces. Avec l’évolution du climat, et le déséquilibre hydrique de certaines régions du globe, des parasites phytopathogènes, des insectes, ainsi que la convoitise des ressources, elles sont devenues vulnérables et doivent faire l’objet d’une exploitation raisonnée. A l’heure actuelle, la quantité d’arbres présente dans le monde est d’environ 3 000 milliards (figure 18) alors que, pour les chercheurs, la Terre en portait 6 600 milliards il y a 12 000 ans. De nos jours, la déforestation en supprime 15 milliards chaque année.
Les forêts présentent toutes des spécificités liées à leurs implantations géographiques au travers des différents continents qui se caractérisent par leurs essences et leurs origines : primaires naturelles, et cultivées par l’homme. Elles représentent un potentiel de ressources important au niveau économique, environnemental, culturel. Avec l’évolution du climat certaines essences souffrent et dépérissent par manque d’eau (stress hydrique) en période estivale, ce qui favorise le développement de parasites, tel que le chancre (Cryphonectriaparasitica), champignon parasite phytopathogène du châtaignier ou le scolyte (coléoptères) des épicéas. Sauvegarder les variétés d’essences dans le monde, soit environ 60 000 espèces d’arbres différentes dans le monde, est essentiel pour éviter le déclin. L’adaptation des essences à l’environnement climatique devient un point important pour assurer le peuplement des forêts.
En France de nombreux plans d’expériences sont conduits par les chercheurs de l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture l’Alimentation et l’Environnement (INRAE) et par ceux de l’Office National des Forêts (ONF) pour trouver les essences qui résistent le mieux à cette évolution rapide. La difficulté des plans d’expériences avec les modélisations, réside dans l’échelle de temps nécessaire pour mesurer la pertinence des choix des essences les plus adaptées aux évolutions climatiques et aux besoins économiques.
La biomasse dont font partie les forêts vont devoir également jouer de plus en plus un rôle de régulateur climatique, en limitant les températures élevées, en particulier au niveau des villes en période de canicule notamment, lesquelles sont en train ou vont devoir se végétaliser, à l’instar de Singapour. Dans les campagnes avec l’agroforesterie, elles sont aussi un moyen de lutter contre le dessèchement des sols avec un mix économique, avec les arbres pour le bois et les cultures agricoles pour l’alimentation.
Elles permettent la stabilisation des sols en limitant l’érosion, en maintenant un équilibre hydrique dans bien des régions, elles contribuent très largement au développement des écosystèmes pour la sauvegarde des espèces vivantes.
Conclusion
Les ressources de la biomasse, des forêts en général, sont immenses au niveau de la planète, suffisantes pour répondre à de multiples usages, en particulier le bois d’œuvre. La combustion de la biomasse en constitue l’usage ultime qui doit être considéré avec sa capacité de régénération dans l’unité de temps et l’impact possible sur le climat à court et long terme.
L’homme a connu, l’âge de pierre, du bronze, du fer, et d’une façon plus contemporaine celle du charbon et du pétrole, sources d’énergie des révolutions industrielles avec le début de l’anthropocène. On peut dire aussi qu’en 2021, avec les nouvelles technologies, il connait l’âge du silicium. Néanmoins, il n’a jamais vraiment connu l’âge du bois, qui fait malgré tout partie intégrante de sa vie, sans doute, parce qu’il le considère comme implicite.
Le troisième millénaire sera peut-être celui du végétal ‘’l’âge du bois’’. La biomasse, était présente avant l’homme sur terre. Il va devoir vivre en harmonie avec cette ressource qui constitue le maillon essentiel du vivant que la nature produit depuis des millions d’années.
Avec une équation qui se résume entre le potentiel des ressources disponibles de la biomasse et les différents usages des possibles qui représentent le défi des générations futures.
Notes et références
Image de couverture. Nature Québec – Le bois énergie, le bois bûche, le bois déchiqueté, les granulés (pellets). [Source : Flickr – libre de droits]
[1] Ministère de la transition écologique chiffres des énergies renouvelable Edition 2020 © IEA – World Energy Balances (2019) – Cf. ADEME, bilan carbone.
[2] https://observatoire.franceboisforet.com/wp-content/uploads/2014/06/Bois-energie-BD.pdf – Voir l’article de l’encyclopédie de l’environnement sur la combustion du bois et des feux de biomasse : https://www.encyclopedie-environnement.org/air/moteurs-diesel-combustion-du-bois-en-accusation/
[3] Les ressources du futur issues du monde végétal (Claude Sourrisse) – Voir deux articles de l’Encyclopédie de l’Environnement sur les particules polluantes de l’air : https://www.encyclopedie-environnement.org/air/particules-polluantes-air/ et leurs effets sur la santé : https://www.encyclopedie-environnement.org/sante/particules-air-effets-sante/
[4] https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/etude_chimie_du_bois_rapport_2015.pdf
[5] Extrudeuse à granulés, Université d’Antananarivo Ecole Supérieur Polytechnique d’Antananarivo
[6] Site https://picbleu.fr/ (Le bois de chauffage)
[7] Pouvoir calorifique (PCI) de quelques essences communes, (Carcano Emmanuel 2008) Chauffage au bois : Choisir un appareil performant et bien l’utiliser, (ISBN 9782914717489).
[8] Anthropocène : A Very Short Introduction par Erle Christopher Ellis Edidion Oxford