Communauté locale d’énergie

C’est au niveau local que beaucoup des défis et des solutions de la transition énergétique sont à trouver. En effet, le potentiel des sources d’énergie renouvelables est décentralisé et ne peut être exploité sans un dynamisme local fort de la part des citoyens, des municipalités et des acteurs traditionnels du monde de l’énergie. Ainsi, des communautés locales d’énergie se forment un peu partout dans un monde de l’énergie en pleine transition. Quels sont les facteurs de motivations à l’origine de cette nouvelle tendance ? Quelles sont les technologies et la régulation qui permettent de satisfaire ces besoins émergents ?


Les notions de communautés d’énergie sont très disparates. Il y a les communautés qui prennent naissance à partir d’initiatives locales et qui occupent physiquement un petit bout de territoire, quartier, village ou campus. C’est ce type de communauté dont il est fait référence ci-après. Mais il existe également d’autres communautés du type virtuelle, munies de ressources énergétiques disséminées géographiquement dont il n’est pas fait référence ci-après.

 

1. Définition et motivations

Dans le contexte des systèmes énergétiques centralisés, la communauté locale d’énergie semble une curiosité. En quoi consiste-t-elle ? Quelles sont les innovations de ses initiateurs ?

1.1. Qu’est ce qu’une communauté locale d’énergie ?

 

Fig. 1 : Schéma de principe d’une communauté locale d’énergie

 

La définition de la Commission européenne, qui est encore aujourd’hui sujette à discussion est la suivante : Une communauté locale d’énergie est définie comme une association, une coopérative, un partenariat, une organisation ou une autre entité juridique contrôlée (e) par des actionnaires ou membres locaux, généralement à but non lucratif, impliqués dans la production décentralisée et les activités d’un opérateur de système de distribution, fournisseur ou agrégateur au niveau local[1].

1.2. Intérêt économique

Le photovoltaïque solaire constituera bientôt la source d’électricité la moins chère : le coût moyen du solaire photovoltaïque a chuté de 73% depuis 2010. Les installations solaires à l’échelle publique coûtent aujourd’hui moins de 1 dollar par watt, et le LCOE[2] (le Levelized Cost of Energy signifiant coût actualisé de l’énergie du solaire photovoltaïque) devrait encore reculer de moitié d’ici 2020, les meilleurs projets étant susceptibles de fournir de l’électricité pour quelque 3 c$/kWh, voire moins, d’ici deux ans.

 

Fig. 2 : Évolution du LCOE de l’énergie solaire (entre autres énergies) – Source : IRENA

 

La réduction des coûts du matériel PV a été réalisée par un simple facteur d’échelle de l’infrastructure de production PV. La Figure 2 suivante, issue de l’étude IRENA sur les coûts des énergies renouvelables en 2017 indique ces évolutions[3].

 

Fig. 3 : Nombre de véhicules électriques en circulation - Source : IEA

 

La même révolution est en train de s’opérer dans le stockage d’énergie. Les coûts de ces dispositifs sont passés de plus de 500 USD / kWh en 2013 à environ 200 USD par kWh aujourd’hui et devraient atteindre moins de 100 USD par kWh d’ici cinq à dix ans[4]. Cette diminution est fortement dopée par le développement du véhicule électrique (Figure 3).

Ainsi, le coût de l’énergie décentralisée a tendance à diminuer et ce gain économique constitue une des motivations des membres de la communauté énergétique. Par ailleurs, la stabilité du projet d’une nouvelle centrale villageoise, ou d’une éolienne ainsi que son caractère concret est également une dimension importante. L’investissement est bien visible contrairement à des investissements virtuels. L’investissement dans une batterie de stockage mutualisée ou une éolienne est tout à fait visible des membres d’une communauté. Ils peuvent la voir et savent qu’ils en possèdent une partie.

1.3. Écologie et engagement

Certaines valeurs partagées par les membres de la Communauté telles notamment de protection de l’environnement, le soutien au développement des technologies des énergies renouvelables ainsi que la protection des prochaines générations sont cruciaux dans ce mouvement. Cependant, la prédominance de ces objectifs est réduite, si les coûts augmentent ou l’acte devient trop compliqué ou prend trop de temps[5]. Par ailleurs, une action collective n’est pas nécessaire si une personne peut atteindre cet objectif également seule. Les communautés d’énergie se forment lorsqu’une action individuelle implique plus de sacrifice et d’effort que de le faire avec d’autres ou ne permet pas d’atteindre le niveau de norme souhaité. Ainsi, si une personne décide d’investir dans des énergies renouvelables avec d’autres, alors il ou elle peut prétendre à un accès à une technologie plus performante et plus chère pour un investissement en argent et en temps plus faible, l’investissement conjoint réduisant les coûts et les risques[6].

D’autre raisons idéologiques telles que l’amélioration des conditions de vie du quartier, servant d’exemple aux autres et soutenir et renforcer la communauté locale font partie des motivations. En outre, certaines personnes pourraient rejoindre des projets énergétiques communautaires en raison de pressions sociales directes ou indirectes s’ils ne veulent pas être laissés de côté[7].

1.4. Sécurité d’approvisionnement énergétique

Dans certains pays industrialisés, le réseau électrique vieillissant manque de résilience face à des interruptions ou à des instabilités, surtout lorsqu’ils sont soumis à des aléas climatiques sévères.

Le nombre de pannes électriques durant plus d’une heure a augmenté de manière constante durant les dernières décennies. La raison principale de l’augmentation des blackouts associée aux aléas climatiques est le vieillissement des infrastructures. Le besoin de résilience peut donc constituer une attente de la part des communautés énergétiques (Lire : Microgrids : Comment contribuent-ils à la transition énergétique ?).

Par ailleurs une autre motivation réside dans la protection des membres de la communauté contre les futurs coûts énergétiques plus élevés et également dans certains cas d’être plus autonome vis-à-vis des entreprises de services publics[8].

1.5. Hédonisme

L’hédonisme constitue un complément des motivations précédentes. Il s’agit par exemple de la satisfaction de pouvoir contrôler ses propres ressources énergétiques avec une technologies avancée ou encore de collaborer avec d’autres personnes autour d’un projet commun, d’améliorer l’image de soi en participant à un projet favorable aux enjeux environnementaux.

 

2. Particularités régionales

La situation actuelle montre un développement dispersé, où les communautés énergétiques locales sont formées au cas par cas, présentant des caractéristiques techniques et organisationnelles différentes.

2.1. Europe

Le “Winter Package” de la Commission européenne (COM 2016 864 final/2), consiste en un ensemble de mesures législatives visant à faciliter la transition vers une énergie propre. Il y est fait une référence particulière est faite aux Local Energy Communities (LECs) – Communautés locales de l’énergie – en tant que moyen d’assurer une plus grande participation des consommateurs au marché de l’énergie grâce à une plus grande appropriation locale de la production décentralisée d’origine renouvelable.

Selon une étude de CE Delft[9], d’ici 2050, près de la moitié des ménages de l’Union européenne (UE) pourraient être impliqués dans la production d’énergie renouvelable, dont environ 37% pourraient provenir de communautés énergétiques. Par ailleurs et selon la Commission européenne, à l’horizon 2030, plus de 50 GW d’énergie éolienne et plus de 50 GW d’énergie solaire pourraient appartenir à des communautés énergétiques, représentant respectivement 17% et 21% de la capacité installée.

 

Fig. 4 : Communauté d'énergie locale en Allemagne

 

L’implication des citoyens dans la production d’énergie renouvelable peut, outre le dynamisme ainsi créé localement, accroître l’acceptation sociale et permettre d’accélérer ainsi la transition énergétique. C’est ce que souhaite la Commission européenne au travers du « Winter Package ».

Le projet de communauté d’énergie du village de Jühnde, qui est un village agricole de Basse-Saxe, en Allemagne, qui compte 780 habitants est présenté ci-après. Le village agricole produit de la chaleur et de l’électricité à 100% à partir de sources d’énergie renouvelables et couvre ainsi tous ses besoins. Le cœur de la production d’énergie provient d’une centrale à biogaz fonctionnant au méthane et qui est complétée en hiver par des copeaux de bois. La chaleur est distribuée aux ménages via un réseau local. La production totale de chaleur du village est de 6 500 MWh / an, tandis que 5 000 MWh d’électricité sont produits chaque année. Le projet a été financé par des fonds gouvernementaux et régionaux et le reste par les résidents et certains investisseurs. Il a fallu cinq ans pour monter le projet. La motivation des participants a pu être entretenue grâce à une politique d’information constante et à l’implication des villageois dans des groupes de travail. Aujourd’hui, 70% des résidents locaux sont membres de la coopérative. À l’heure actuelle, 12 autres villages de la région veulent devenir le prochain village bioénergétique[10].

 

Fig. 5 : Centrale villageoise en France

 

En France, on assite à l’émergence de Centrales villageoises qui sont des sociétés locales ayant pour but de développer les énergies renouvelables sur un territoire en associant citoyens, collectivités et entreprises locales. Ainsi, Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement a fondé la mise en place d’un modèle reproductible[11]. Par exemple, Les Haies, village de 810 habitants de la Région de Condrieu (Rhône) a été choisi comme site pilote. 500 m2 de panneaux photovoltaïques ont été installés sur huit toitures publiques et privées de la commune, pour une puissance totale de 76 kWc injectée sur le réseau électrique basse tension. L’investissement et l’exploitation sont portés par la SAS Centrales villageoises de la Région de Condrieu, société à gouvernance coopérative composée de 160 actionnaires, pour la plupart citoyens et habitants locaux.

En France, d’autres projets pilote à l’échelle d’un quartier se sont développés. Par exemple, le projet IssyGrid est un projet expérimental destiné à tester l’optimisation des consommations et des productions d’énergies renouvelables de deux quartiers (Seine Ouest et Fort d’Issy) de la ville d’Issy-les-Moulineaux au travers d’un réseau intelligent de distribution d’électricité. Cette expérimentation, annoncée a été lancée en avril 20123, et est pleinement opérationnelle depuis septembre 2013. L’expérimentation concerne au quotidien 2 000 logements, 5 000 habitants 160 000 m2 de bureaux et 10 000 employés.

2.2. Japon

La notion de communauté locale d’énergie est élargie. Le Japon a mis en place le développement de Smart Communities et regroupe l’utilisation efficace de l’énergie à l’instar des Local Energy Communities européenne, mais aussi des systèmes de transport locaux et la transformation de la vie quotidienne des citoyens. La notion de résilience évoquée dans le chapitre bénéfice ci avant y est importante et fait suite à la catastrophe de Fukushima de mars 2011. Le Japan Smart Community Alliance a été formée. Il s’agit d’une organisation composée d’entreprises nationales qui été créée pour accumuler des connaissances et promouvoir la collaboration entre les secteurs public et privé. Le JSCA permet d’adresser des problématiques variées telles que la normalisation et l’émergence et contribue à la préparation de feuilles de route du Japon.

Quatre grands projets visant à tester le système énergétique et social de prochaine génération ont été lancés en avril 2010, sous la direction du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie du Japon. Ces quatre projets sont en partie financés par le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie japonais (METI) et rassemble, en plus des municipalités japonaises où se déroulent les projets, de multiples industriels japonais : TEPCO, Toshiba, Nissan, Panasonic, Hitachi, Mitsubishi, etc. De manière générale, on retrouve dans ces quatre projets une gestion de l’énergie à l’échelle de la communauté (CEMS) et du résidentiel et tertiaire (HEMS, BEMS) avec des incitations à réduire la consommation en période de pic (gestion active de la demande, ou demand / response, D/R). Deux d’entre eux sont décrits ci-après :

 

Fig. 6 : Panneaux solaires installés dans la ville de Yokohama

 

Le projet YSCP (Yokohama Smart City Project) concerne une ville de 3,7 millions d’habitants. Des panneaux solaires ont été installés sur 249 sites, pour une production totale de 37MW. Parallèlement une douzaine de sites ont été équipés en énergie éolienne, hydroélectrique ou en biomasse. Les ressources énergétiques et les flexibilités sont situées au niveau individuel au niveau de la maison, au niveau des bâtiments ainsi que des installations industrielles. Un système global de contrôle et supervision permet de mesurer les performances du dispositif.

Le projet Keihanna Eco City porte trois municipalités au sud de la préfecture de Kyoto : Kyotanabe, Kizugawa et Seika. Ces trois municipalités représentent 173 301 habitants. Il s’agit d’une large zone incluant des universités, des laboratoires de recherche, des usines, mais aussi des habitants et des commerces. Le projet (financé par le METI) est mis en œuvre dans trois zones, à savoir la ville de Kyotanabe, la ville de Kizugawa et la ville de Seika à Kyoto. L’objectif principal du projet pilote Keihanna est d’optimiser l’utilisation de l’énergie dans l’ensemble de la zone et de réduire les émissions de CO2. Des résidences ainsi que des bâtiments tertiaires sont impliqués. Le dispositif comporte des panneaux solaires résidentiels et un système de pilotage résidentiel associé (HEMS : Home Management System), des bâtiments tertiaires contrôlés par un BEMS (BEMS : Building Energy Management system), un système d’intégration des véhicules électriques, l’ensemble étant piloté par un CEMS (Community Energy Management system) qui joue un rôle d’intermédiaire entre la Communauté d’énergie et la compagnie d’électricité. Tout se passe comme si le CEMS était un fournisseur pour les usagers, bien qu’il ne produise pas d’électricité directement. Le CEMS garantit en gérant la production photovoltaïque, les batteries de stockage et les réductions de consommation une quantité fixe d’électricité à la compagnie d’électricité[12] et une énergie fiable et verte à la Communauté.

Selon[13] ces projets ont pu se faire grâce à une forte implication du gouvernement tout en conférant aux collectivités territoriales une marge de manœuvre. Au niveau local, le secteur de l’énergie a été bouleversé, marqué par l’arrivée de nouveaux entrants (firmes de NTIC, de la mobilité) et une approche multisectorielle chez la plupart des entreprises impliquées, investissant dans la production, le stockage et la gestion de l’énergie, les systèmes de mobilité ou encore la gestion des données.

2.3. États-Unis

Selon NREL, le laboratoire féderal dédié à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables, une Communauté d’énergie renouvelable, est un système local dans lequel les énergies renouvelables répondent aux besoins d’offre et de demande en énergie de ses résidents, avec la possibilité de fournir un surplus d’énergie au réseau ou aux autres communautés. Au minimum, cette caummunauté aura des maisons à consommation énergétique quasi nulle ou nulle, des systèmes de transport intégrés. La communauté apportera des avantages économiques et une impact positif sur la qualité de vie à ses membres. Ainsi, la communauté devra s’alimenter à base d’ d’énergies et intégrera des systèmes d’alimentation pour les maisons et les véhicules.

 

Fig. 7 : L'exemple de la Communauté d'énergie de Brooklyn

 

L’exemple de la communauté d’énergie de Brooklyn est la plus célèbre puisque qu’elle réinvente le modèle de réseau d’énergie traditionnel, avec le concept de réseau d’énergie commun. Bien que le fournisseur d’électricité maintienne toujours le réseau électrique qui garanti la stabilité de l’électricité, l’énergie réelle est générée, stockée et échangée localement par les membres de la communauté, pour un modèle d’énergie propre plus résilient et durable. Le système est composé de prosumers munis de panneaux solaires. La technologie blockchain est utilisée pour gérer les transferts de monnaie virtuelle entre participants (Lire : Les blockchains au service de l’énergie).

 

3. Architecture et technologie

L’architecture et les technologies des communautés locale d’énergie repose sur la technologie des réseaux électriques et d’énergie intelligents et des microgrids. Un exemple typique est représenté sur la Figure 8.

 

Fig. 8 : Architecture d’une communauté d’énergie

 

Le système peut comprendre :

  • Des réseaux d’énergie (électricité, chaleur, gaz)
  • Des réseaux de communication : câbles dédiés – ethernet – ou courants porteurs en ligne – CPL, fibres optiques, atmosphère ou vide (4G, ondes radio etc.)
  • Des systèmes de gestion de l’énergie pour le résidentiel HEMS (Home Energy Management System.) Ces systèmes permettent d’optimiser l’usage de l’énergie et de la production décentralisée et du véhicule électrique dans la maison mais aussi de participer à des échanges d’énergie avec le système en amont (du type Demand / Response (D/R)), en l’occurrence la Communauté d’énergie dans ce cas de figure
  • Des systèmes de gestion de l’énergie au niveau d’un bâtiment ou d’un campus (BEMS : Building Energy Management System). Ils permettent d’optimiser la consommation d’énergie, du stockage, de la production décentralisée, une flotte de véhicule électrique et aussi de participer à des échanges d’énergie avec le réseau d’énergie en amont.
  • Des moyens de production et/ou de stockage mutualisés, par exemple cogénération permettant de produire de l’électricité et de la chaleur à partir de gaz issu de la biomasse par exemple, des centrales solaires et / ou éoliennes, du stockage etc.
  • Un système de pilotage global CEMS (Community Management System) qui permet de d’optimiser les flux énergétiques à l’intérieur de la communauté avec éventuellement des capacités d’ilotage
  • Un système de gestion des flux financiers qui peut être basé sur la technologie blockchains (Lire : Les blockchains au service de l’énergie).

 

4. Acteurs

Les coopératives énergétiques sont l’une des formes les plus courantes de communauté d’énergie locale. Contrairement aux entreprises traditionnelles, les coopératives appartiennent aux membres de la Communauté selon le principe « un membre – une voix » et visent à maximiser les avantages locaux plutôt que le rendement du capital[14].

Outre la Communauté locale d’énergie elle-même, de nouveaux acteurs apparaissent autour de ces communautés émergentes. Il s’agit de fournisseurs de services énergétiques, de services publics municipaux, d’associations de logement, de fournisseurs de solutions de transport, de coopératives énergétiques, agrégateurs etc. Ces nouveaux acteurs collaborent avec des acteurs traditionnels des réseaux intelligent tels les Gestionnaires de réseau de distribution (GRD) pour mettre en œuvre ces solutions.

En Europe[15], fait référence aux acteurs suivants :

1. Les municipalités. Celles-ci ont généralement acquis la confiance des communautés et sont motivées pour réaliser de l’efficacité énergétique et intégrer davantage de renouvelable sur leurs territoires. Par ailleurs, elles exercent un rôle clef dans la duplication des ces projets. Dans le projet CITyFiED, par exemple, trois municipalités collaborent pour créer une stratégie reproductible visant à adapter les villes et les écosystèmes urbains européens à la ville intelligente du futur[16]. De même, dans le cadre du projet SINFONIA, deux municipalités d’Italie et d’Autriche collaborent afin de réaliser des économies d’énergie primaire et augmenter la part des énergies renouvelables dans deux districts pionniers[17].

2. Les GRD ou Gestionnaires de réseau de distribution. De par sa nature, une communauté d’énergie locale comportera une portion du réseau de distribution et donc devra d’une manière ou d’une autre collaborer avec un GRD. Les GRD, en tant qu’acteurs facilitateurs neutres du marché, jouent un rôle moteur dans le développement et l’exploitation de la communauté énergétique locale[18] en fournissant divers services d’infrastructure de réseau. Mais ils peuvent aussi tirer bénéfice des différents services fournis par la communauté locale d’énergie, par exemple, la flexibilité permettant d’optimiser voire de différer certains investissements afférents au réseau de distribution. Cependant, la collaboration des parties privées et des parties publiques doit être encore précisée[19].

3. La 3ème catégorie est constituée de nouveaux acteurs émergents tels que :

 

Fig. 9 : IssyGrid est un réseau énergétique intelligent à l’échelle d’un quartier créé en 2012, totalement opérationnel depuis 2016, mené conjointement par onze partenaires industriels de l'énergie, de la ville et du numérique.

 

  • Les promoteurs immobiliers et les associations de logements, dont l’un des principaux objectifs des projets auxquels ces acteurs participent est l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les logements sociaux. Par exemple, dans le projet 3E-Houses, un promoteur immobilier espagnol, une association de logement bulgare, une municipalité britannique et un fournisseur de services énergétiques allemand, collaborent avec d’autres acteurs dans le but d’accroître l’efficacité énergétique des résidences subventionnées par l’État[20].
  • Les fournisseurs de solutions et de service énergétiques dont le rôle est de faciliter la participation des clients à la réalisation des objectifs d’une Communauté locale d’énergie, notamment la réduction de la consommation d’énergie, la participation au marché de l’énergie, et l’optimisation de la production d’énergie. Dans le cas d’Issygrid, une société de service énergétique collabore avec un groupe d’entreprises situées dans la communauté, mais aussi avec des fournisseurs de solutions technologiques et le gestionnaire du réseau créant ainsi un réseau intelligent à grande échelle dans un district qui gère la production, la consommation et le stockage d’énergie renouvelable.

 

5. Régulation

En Europe, plusieurs processus clef contribuent à l’émergence de ces communautés d’énergie[21] :

  • La remunicipalisation de l’énergie, c’est-à-dire le processus d’accroissement du contrôle municipal sur la gestion de l’énergie locale.
  • La déconcentration – processus d’accroissement du rôle stratégique et politique des autorités locales dans la politique énergétique.
  • La gouvernance participative – la promotion de la démocratie directe et l’influence des citoyens sur les politiques énergétiques et climatiques.

Ainsi, en France par exemple, la loi sur la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV), promulguée le 18 août 2015 favorise et oblige l’émergence d’une territorialisation de l’énergie.

La création et le maintien d’un environnement politique stable pour la promotion des énergies renouvelables en particulier le soutien financier indépendamment des prix du marché de l’énergie est un des facteurs clefs de succès. Mais il faut également réunir les autres facteurs clefs de succès suivants[22] :

  • Un cadre juridique clair et simple régissant la création et le fonctionnement d’un système énergétique et son accès au marché de l’énergie,
  • L’accès à des instruments de financement ou à des partenariats pour réduire les risques liés aux investissements,
  • Synergies et partenariats avec les autorités locales et régionales.

Ainsi, on constate une hétérogénéité en Europe, les leaders européens de cette nouvelle tendance étant l’Allemagne et le Danemark.

Le succès des communautés locales d’énergie en Allemagne peut être ainsi attribué à un certain nombre de facteurs, notamment un mouvement écologique favorable aux énergies alternatives et à la protection de l’environnement bien établi ainsi qu’une tradition de formation de coopératives et d’autres associations en vue de réaliser des changements au niveau local, un haut niveau de pouvoir et de soutien de la part des municipalités; et des facteurs institutionnels tels que le système de tarif de rachat ou encore le soutien de la banque de développement publique, KfW[23].

En Grèce, une nouvelle loi sur les communautés énergétiques a été en janvier 2018 qui encourage les citoyens, les autorités et les organismes privés et publics à participer à la production, à la distribution et à la fourniture d’énergie. La loi permet désormais aux communautés énergétiques de produire, vendre ou auto-consommer de l’électricité et de l’énergie thermique produites par de la cogénération[24].

En France, l’autoconsommation collective est possible depuis 2017 et rendue possible grâce au Gestionnaire de réseau de distribution (GRD). Les consommateurs et l’unité de production dans un lotissement par exemple sont liés entre eux au sein d’une personne morale qui signe une convention avec le GRD. Le GRD facilite ainsi la production locale d’énergie, fournit des données de mesures fiables et certifiées pour le calcul de la quote part d’énergie produite des membres de la Communauté, assure la continuité et la qualité d’alimentation du réseau de distribution avec ou sans source locale de production et permet aux membres de la communauté un libre choix quant à leur fournisseur d’électricité. Le surplus d’énergie peut être revendu sur le marché de l’énergie[25].

 

6. Conclusion

Les communautés locales d’énergie émergent en Europe et un peu partout dans le monde avec un développement spécifique tant sur le plan technique qu’organisationnel. Les motivations sont variées mais sont essentiellement d’ordre économique et environnemental. Cette tendance aidera à conduire la transition énergétique en facilitant la coopération locale et régionale et en associant les citoyens à la lutte contre le changement climatique. Les technologies issues des réseaux électriques intelligents et des microgrids sont aujourd’hui opérationnelles et le coût des énergies renouvelables locales associé au stockage est en baisse, rendant accessible, voire compétitif dans certains pays le prix du kWh produit. La régulation est en pleine évolution et quoique très hétérogène tend progressivement à faciliter cette nouvelle tendance.

 

Notes et références

[1] Georgia ASIMAKOPOULOU & Nikos HATZIARGYRIOU from National Technical University of Athens, School of Electrical and Computer Engineering School: MODELS FOR THE INTEGRATION OF LOCAL ENERGY COMMUNITIES IN ENERGY MARKETS. Ljubljana Slovenia Juin 2018. CIRED

[2] LCOE est l’acronyme anglais de « Levelized Cost of Energy », signifiant « coût actualisé de l’énergie ». Il correspond au prix complet d’une énergie sur la durée de vie de l’équipement qui la produit. Pour ce calcul qui intègre à la fois un investissement initial (CAPEX) et des coûts de fonctionnement répartis sur une longue période (OPEX), le recours à la technique d’actualisation est nécessaire. Le LCOE est une estimation économique du coût du système défini par : [l’investissement actualisé + les coûts opérationnels et de maintenance] divisé par [la production électrique (le nombre de kWh) qu’il produira sur toute sa durée de vie].

[3] IRENA Renewable Power Generation Costs in 2017. ISBN 978-92-9260-040-2. January 2018

[4] Rodolphe HELIOT: Energy Communities are reshaping The Energy value chain. Aster Capital May 2017

[5] Gabriella Dóci, Eleftheria Vasileiadou : “Let’s do it ourselves” Individual motivations for investing in renewables at community level, Renewable and Sustainable Energy Reviews, May 2015

[6] Gabriella Dóci, Eleftheria Vasileiadou : “Let’s do it ourselves” Individual motivations for investing in renewables at community level, Renewable and Sustainable Energy Reviews, May 2015

[7] Gabriella Dóci, Eleftheria Vasileiadou : “Let’s do it ourselves” Individual motivations for investing in renewables at community level, Renewable and Sustainable Energy Reviews, May 2015

[8] Gabriella Dóci, Eleftheria Vasileiadou : “Let’s do it ourselves” Individual motivations for investing in renewables at community level, Renewable and Sustainable Energy Reviews, May 2015

[9] Bettina Kampman, Jaco Blommerde, Maarten Afman Delft, CE Delft, The potential of energy

citizens in the European Union Publication code: 16.3J00.75 September 2016

[10] Gabriella Dóci, Eleftheria Vasileiadou : “Let’s do it ourselves” Individual motivations for investing in renewables at community level, Renewable and Sustainable Energy Reviews, May 2015

[11] http://www.centralesvillageoises.fr

[12] Bruno Faivre d’Arcier, Yveline Lecler, Benoît Granier, Nicolas Leprêtre KEIHANNA : Keihanna Eco-City Next-Generation Energy and Social System. HAL Id: halshs-01382709 Oct 2016

[13] Interview de Nicolas Leprêtre (Institut d’Asie orientale) Smart Grid CRE septembre 2015

[14] ] https://www.enedis.fr/autoconsommation-collective

[15] Antonios MARINOPOULOS, Julija VASILJEVSKA, Anna MENGOLINI, European Commission, Joint Research Center “ LOCAL ENERGY COMMUNITIES: AN INSIGHT FROM EUROPEAN SMART GRID PROJECTS “ CIRED Workshop – Ljubljana, 7-8 June 2018

[16] Antonios MARINOPOULOS, Julija VASILJEVSKA, Anna MENGOLINI, European Commission, Joint Research Center “ LOCAL ENERGY COMMUNITIES: AN INSIGHT FROM EUROPEAN SMART GRID PROJECTS “ CIRED Workshop – Ljubljana, 7-8 June 2018

[17] Antonios MARINOPOULOS, Julija VASILJEVSKA, Anna MENGOLINI, European Commission, Joint Research Center “ LOCAL ENERGY COMMUNITIES: AN INSIGHT FROM EUROPEAN SMART GRID PROJECTS “ CIRED Workshop – Ljubljana, 7-8 June 2018

[18] Antonios MARINOPOULOS, Julija VASILJEVSKA, Anna MENGOLINI, European Commission, Joint Research Center “ LOCAL ENERGY COMMUNITIES: AN INSIGHT FROM EUROPEAN SMART GRID PROJECTS “ CIRED Workshop – Ljubljana, 7-8 June 2018

[19] Ruth VAN CAENEGEM, Eandis – Belgium, Wim CARDINAELS EnergyVille – Belgium, Frederik LOECKX, Flux50 – Belgium, Freddy VAN BOGGET KBC-Belgium, ORGANISATION OF THE COMMERCIAL AND PUBLIC SERVICES FOR THE INSTALLATION OF LOCAL AND RENEWABLE ENERGY COMMUNITIES (LEC/REC), CIRED Workshop – Ljubljana, 7-8 June 2018

[20] Antonios MARINOPOULOS, Julija VASILJEVSKA, Anna MENGOLINI, European Commission, Joint Research Center “ LOCAL ENERGY COMMUNITIES: AN INSIGHT FROM EUROPEAN SMART GRID PROJECTS “ CIRED Workshop – Ljubljana, 7-8 June 2018

[21] European Union, 2018, Models of Local Energy Ownership and the Role of Local Energy Communities in Energy Transition in Europe, ISBN: 978-92-895-0989-3, doi:10.2863/603673, QG-01-18-933-EN-N 2018

[22] European Union, 2018, Models of Local Energy Ownership and the Role of Local Energy Communities in Energy Transition in Europe, ISBN: 978-92-895-0989-3, doi:10.2863/603673, QG-01-18-933-EN-N 2018

[23] European Union, 2018, Models of Local Energy Ownership and the Role of Local Energy Communities in Energy Transition in Europe, ISBN: 978-92-895-0989-3, doi:10.2863/603673, QG-01-18-933-EN-N 2018

[24] European Union, 2018, Models of Local Energy Ownership and the Role of Local Energy Communities in Energy Transition in Europe, ISBN: 978-92-895-0989-3, doi:10.2863/603673, QG-01-18-933-EN-N 2018

[25] https://www.enedis.fr/autoconsommation-collective

 


L’Encyclopédie de l’Énergie est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.

Pour citer cet article, merci de mentionner le nom de l’auteur, le titre de l’article et son URL sur le site de l’Encyclopédie de l’Énergie.

Les articles de l’Encyclopédie de l’Énergie sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.

D'autres articles de la même catégorie :

Toutes les rubriques de ce contenu.
Sommaire