Énergie géothermique : une importante ressource cachée

Parmi toutes les sources d’énergie renouvelables, la géothermie est l’une des moins connues. Elle mérite donc de l’être mieux lorsque l’on sait que la chaleur emmagasinée sous la croute terrestre présente de nombreux avantages par rapport au vent et au soleil. Déjà publié en italien dans la revue Energia (www.rie.it) puis dans l’Encyclopédie sous le titre : Energia geotermica : Una grande risorsanascosta ; cet article explique sa formation géologique, ses technologies d’exploitation et son intégration dans le mix électrique.


Plus de 100 ans se sont écoulés depuis que la première lampe à énergie géothermique, fabriquée par le prince Piero Ginori Conti à Larderello (Toscane, Italie), a été allumée, en 1904. Pourtant, en 2017, la production d’énergie électrique d’origine géothermique revient sous le feu des projecteurs, et son potentiel suscite un intérêt considérable partout dans le monde. La présentation de l’étude The Future of Geothermal Energy (2006) conduite par le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), a fortement contribué à relancer le débat : les auteurs estimaient possible d’atteindre en 2050 une puissance géothermique installée de 100 GW rien qu’aux États-Unis, ce qui, à l’époque, correspondait à environ 10 % de la puissance réelle installée.[1]

 

1. Formation de l’énergie géothermique

L’énergie géothermique est emmagasinée sous la croûte terrestre. Son exploitation, qui présente de nombreux aspects positifs, peut-être réalisée de façon durable : il s’agit d’une source renouvelable pratiquement inépuisable, qui fournit une énergie thermique et électrique de façon ininterrompue, avec une puissance constante. Respectueuse de l’environnement, elle contribue à réduire les émissions de CO2, requiert une emprise au sol limitée, et de par sa nature endogène, réduit la vulnérabilité inhérente aux importations d’énergie.

L’énorme quantité d’énergie enfermée dans le sous-sol de la Terre, issue notamment du processus de formation primitif de l’univers, vient en partie de la désintégration des isotopes radioactifs (uranium, thorium et potassium) présents principalement dans la croûte terrestre, et en second lieu dans le manteau. Le centre de la Terre, dont la température est estimée à plus de 5 000°C, émet donc un flux thermique en direction de la surface, qui s’ajoute au flux thermique d’origine radiogénique. Au total, d’après les estimations, la puissance thermique ainsi émise par la Terre serait d’environ 42 x 1012 W [2]. Le flux thermique terrestre moyen, quant à lui, équivaudrait à 65 mW/m2 pour la croûte continentale et à 101 mW/m2 pour la croûte océanique.[3] Étant donné que la surface de la terre n’est pas continue, mais formée d’un ensemble de plaques adjacentes en mouvement les unes par rapport aux autres, comme le montre la théorie de la tectonique des plaques, il est évident que, du fait de ces discontinuités dans la surface – irrégularités de l’épaisseur ou fractures de la croûte terrestre -, cette grande quantité d’énergie en provenance du sous-sol peut être transférée à la surface de façon plus efficace et plus visible, provoquant au passage quelques phénomènes physiques remarquables et bien connus comme le volcanisme, les fumerolles, les geysers et les sources thermales. La Toscane, le Latium, la Campanie et la région tyrrhénienne, située en face, caractérisés par un amincissement local de la croûte terrestre et un flux thermique élevé qui peut atteindre 450 mW/m2, constituent ainsi un secteur privilégié pour l’exploitation de l’énergie géothermique.[4] Le Japon, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Mexique sont les premiers à avoir emboîté le pas à l’Italie sur la voie de la production d’électricité d’origine géothermique, ce qui a été rendu possible grâce à leur position en bordure des plaques continentales.

L’histoire de cette technologie révèle qu’elle a été d’abord adoptée dans les endroits où son exploitation était la plus immédiate, car la nature du lieu donnait accès à un fluide géothermique, en l’occurrence de la vapeur d’origine géothermique, ainsi qu’à une capacité del’exploiter. On est ensuite passé à des lieux moins immédiats, avec un fluide géothermique constitué d’eau chaude, qui, pour la production d’énergie électrique, nécessitait la mise en place d’un cycle plus complexe. Aujourd’hui, une nouvelle étape est sur le point d’être franchie : la géothermie est susceptible de devenir une ressource énergétique importante, comme évoqué dans l’étude du MIT. Il est donc essentiel de ne pas se limiter aux régions privilégiées et aux territoires situés en bordure de plaques (qui représentent moins de 1/10 des terres émergées), et de développer une technologie permettant l’exploitation de l’énergie géothermique quasiment n’importe où, en acheminant vers la surface un fluide caloporteur, et en produisant de l’énergie électrique grâce à un système de conversion à haut rendement, dans la plupart des cas à l’aide d’un cycle dit binaire, c’est-à-dire d’un cycle qui, en plus du fluide endogène, utilise un second fluide pour convertir l’énergie.

 

2. Les systèmes géothermiques

Sous la croûte terrestre, la température augmente avec la profondeur, même si elle varie selon les endroits. Le gradient géothermique moyen se situe entre 25 et 30 °C/km, mais peut être plus élevé dans certaines régions, jusqu’à atteindre 300 °C/km, en cas d’anomalie géothermique. L’énergie géothermique devant être exploitée en surface, un système géothermique, qui achemine l’énergie thermique captée en profondeur à la surface, est alors nécessaire. Du point de vue pratique, un tel  système se compose de quatre éléments principaux :[5] (1) une source de chaleur ; (2) un réservoir ; (3) un fluide caloporteur, qui transfère la chaleur à la surface ; (4) un mécanisme de recharge.

La source de chaleur peut être un corps magmatique peu profond ou la roche elle-même dont la température augmente avec la profondeur en fonction du gradient géothermique local. Le réservoir est une roche poreuse à l’intérieur de laquelle le fluide caloporteur, dit fluide géothermique, est recueilli et circule. Ce fluide peut être de tous types, mais dans les systèmes géothermiques existants dans la nature, il s’agit généralement d’eau chargée en sels et en gaz dissous. Le mécanisme de recharge peut être artificiel, ou naturel grâce aux eaux météoriques.

2.1. Les systèmes hydrothermaux

Dans la nature, différents systèmes géothermiques existent, notamment le système hydrothermal, généralement utilisé pour produire de l’énergie électrique dite conventionnelle.

Dans un système de ce type, le fluide géothermique est composé d’eau, le plus souvent d’origine météorique (Figure 1). La roche poreuse qui constitue le réservoir se trouve entre deux couches de roches imperméables, l’une inférieure et l’autre supérieure ; ces couches fracturées laissent passer du liquide par endroits, ce qui entraîne une circulation naturelle de l’eau qui fait remonter la chaleur à la surface. Les eaux météoriques froides, en effet, s’infiltrent dans le système en descendant vers les profondeurs, traversent la roche poreuse et se réchauffent ainsi sous l’effet du flux thermique auxquelles elles sont soumises, s’enrichissant au passage de sels et de minéraux facilement dissous dans l’eau sous l’effet d’une température locale élevée, avant de remonter vers la surface, créant ainsi des sources thermales. Si le système hydrothermal se situe à proximité d’une zone volcanique, il est possible qu’au flux de chaleur terrestre s’ajoute un flux issu du refroidissement d’éventuelles intrusions magmatiques, engendrant un flux de chaleur particulièrement élevé : dans ce cas, il arrive qu’en remontant, l’eau se transforme en vapeur, donnant lieu en surface à des phénomènes bien connus comme les geysers ou les fumerolles.

 

Fig. 1 : Exemple de système hydrothermal. Source : UGI, 2006.

 

Dans un contexte hydrogéologique semblable, le forage d’un puits permet au fluide géothermique de remonter à la surface et d’être disponible à des fins d’exploitation dans une centrale électrique géothermique. En général, un puits de réinjection du fluide géothermique vient s’ajouter au puits de production (c’est-à-dire, de prélèvement), afin d’éviter que le réservoir ne s’appauvrisse dans l’hypothèse fréquente où le renouvellement des eaux météoriques serait insuffisant ou impossible.

 

Alimentazione
Alimentation
Elettrodotto
Ligne électrique
Pozzo
Puits
Centrale
Centrale
Condotte
Conduite
Pozzo
Puits
Soffione
Fumerolles
Copertura impermeabile (conduzione termica)
Couverture imperméable (conduction thermique)
Serbatoio (convezione termica)
Réservoir (convection thermique)
Vapore
Vapeur
Acque calde
Eaux chaudes
Acqua meteoriche fredde
Eaux météoriques froides
Rocce impermeabili (conduzione)
Roches imperméables (conduction)
Flusso di calore (conduzione)
Flux de chaleur (conduction)
Intrusione magmatica calda
Intrusion magmatique chaude

2.2. Les systèmes Engineered ou Enhanced Geothermal Systems (EGS)

L’idée d’exploiter les formations rocheuses à haute température et faible perméabilité n’est pas nouvelle et remonte à la fin des années 1960, avec le concept de Hot Dry Rock : depuis, les choses ont évolué avec des hauts et des bas, jusqu’au développement des systèmes EGS.  À l’origine, l’objectif du système Hot Dry Rock était de reproduire artificiellement ce que la nature crée spontanément dans les systèmes hydrothermaux, en associant une source de chaleur naturelle existante à un réservoir artificiel dans lequel pouvait circuler un fluide caloporteur approprié : il s’agissait avant tout d’identifier une formation rocheuse adaptée, éventuellement dans une région possédant un gradient géothermique local élevé[6] à une profondeur suffisante pour garantir la bonne température, et de la fracturer artificiellement en injectant de l’eau à très haute pression afin de la rendre poreuse et perméable.

Le système EGS prévoit de récupérer l’énergie thermique des roches les plus profondes en créant dans la roche un système de fractures artificielles interconnectées, de façon à permettre la circulation de l’eau injectée par les puits, qui, une fois réchauffée au contact des roches chaudes, remonte en surface, formant ainsi un circuit pratiquement fermé. De l’expérience Hot Dry Rock, il ressort qu’il est plus facile d’agrandir des fractures déjà existantes que de créer des fractures dans une roche compacte, d’où le terme EGS[7].

Le grand avantage des EGS réside dans le fait que les exigences inhérentes à la création du système sont limitées et, dans les cas où le gradient thermique local est insuffisamment élevé, en compensant par une profondeur supérieure, on augmente considérablement l’extension des secteurs adaptés à la production d’électricité géothermique.

La possibilité de satisfaire à l’avenir une part non négligeable de la demande d’énergie électrique par le biais de la géothermie s’appuie sur l’utilisation des EGS, c’est-à-dire sur la capacité à réussir à fracturer la roche, à faire circuler un fluide caloporteur sans qu’il soit dispersé dans le réservoir, et à maintenir sous des niveaux acceptables (non perceptibles par la population et non dangereux) la microsismicité induite par l’injection de fluide, ce qui est le cas de l’Enhanced Oil Recovery, pratique très répandue dans le secteur pétrolifère.

Il est enfin est intéressant de rappeler, qu’outre l’utilisation évidente d’eau comme fluide caloporteur, certaines études se sont intéressées à l’utilisation de CO2, éventuellement en synergie avec la capture et de la séquestration géologique du CO2, avec des performances remarquables (Lire : Captage et stockage du carbone (Carbon Capture and Storage –CCS)).

2.3. Les autres systèmes géothermiques

Les autres systèmes géothermiques, parfois appelés systèmes géothermiques non conventionnels (Unconventional Geothermal Systems – UGS), existent dans la nature, avec un potentiel local plus élevé mais concentré dans des régions bien définies. Parmi les plus importants, citons les systèmes avec des fluides supercritiques et les systèmes géopressurisés.

Comme la capacité potentielle d’un fluide géothermique à agir dans un environnement prédéfini augmente de manière plus que linéaire avec la pression et la température du fluide concerné, l’exploitation de fluides géothermiques ayant des caractéristiques thermodynamiques toujours plus élevées présente un intérêt évident, même s’il s’agit de cas nécessairement localisés et non répartis partout dans le monde. On parle ainsi des fluides supercritiques, qui se trouvent dans des conditions de pression et de température supérieures à celles du point critique de l’eau. Les systèmes géothermiques à fluides supercritiques sont présents dans les régions volcaniques : citons dans ce domaine les premiers projets de recherche, à savoir l’Iceland Deep Drilling Project en Islande et le Campi Flegrei Deep Drilling Project en Italie ; d’autres projets ont été lancés par la suite[8].

À l’inverse, les systèmes géopressurisés sont des systèmes dans lesquels l’eau se trouve dans des nappes phréatiques sous une pression extrêmement élevée, proche de la pression lithostatique[9], souvent en présence de méthane ; une centrale pilote exploitée dans les années 1989-1990 aux États-Unis en a confirmé la faisabilité technique mais pas la viabilité économique[10].

 

3. Technologies de conversion de l’énergie géothermique

Le succès d’un projet d’exploitation de l’énergie géothermique repose sur des compétences multidisciplinaires, sa diffusion à grande échelle devant s’appuyer sur le développement de l’ensemble des technologies concernées. Pour parvenir à la production d’énergie électrique, différentes étapes sont nécessaires : identification de la ressource, forage, construction de la centrale d’acheminement du fluide géothermique à la centrale électrique, gestion du réservoir qui doit garantir la disponibilité du fluide avec les caractéristiques appropriées pendant toute la durée d’utilisation de la centrale, et enfin construction de la centrale de conversion de l’énergie géothermique en énergie électrique. Seule cette dernière étape est traitée dans ce qui suit.

Conçues et construites sur mesure pour le fluide géothermique qui arrive en surface, les centrales géothermiques se différencient soient par le type de cycle mis en œuvre, soit par les éventuelles exigences associées à ce cycle, aux composants et au traitement des effluents imposés par la composition chimique du fluide. La composition chimique de vapeur géothermique sur différents sites, qui montre clairement que le fluide composé d’H2O et de gaz (essentiellement CO2 et H2S avec des pourcentages extrêmement variables d’un site à l’autre) est souvent agressif et corrosif, impose de ce fait des conditions strictes quant aux matériaux à utiliser pour les éléments en contact avec le fluide (Tableau 1).

 

Tableau 1: Exemple de composition chimique du fluide géothermique sur divers sites

 

Composant (g/kg)
Geysers
Lardarello
Matsukawa
Wairakei
Cerro Prieto
H2O
995,9
953,2
986,3
997,5
984,3
CO2
3,3
45,2
12,4
2,3
14,1
H2S
0,2
0,8
1,2
0,1
1,5
NH3
0,2
0,2
0,1
CH4 + H2
0,2
0,3
Autre
0,2
0,3
0,1
0,1

 

Mais queles sont, dans chaque situation, les technologies actuellement disponibles pour la production d’énergie électrique ?

3.1. Les centrales à vapeur

En bordure des plaques continentales, où une activité volcanique intense est souvent observée, il est fréquent de trouver des systèmes hydrothermaux haute température à des profondeurs relativement faibles (3-4 km) liés à l’activité volcanique ; ils sont facilement exploitables pour produire de l’énergie électrique et ce sont sur eux qu’une grande partie des premières centrales réalisées dans le monde ont vu le jour. Dans un contexte aussi particulier, le fluide géothermique, qui se trouve à une température très élevée, normalement à l’état liquide dans le réservoir, subit une baisse de pression lorsqu’il remonte à la surface et atteint généralement la pression de saturation à un point intermédiaire de son parcours, se transformant ainsi en vapeur qui, une fois arrivée au niveau du puits, peut être envoyée vers un expanseur.

 

Fig. 2 : Exemple d'installation à vapeur à double flash avec condensateur à mélange et compresseur pour les gaz incondensables

 

Dans la pratique, on dispose rarement de vapeur saturée sèche, Larderello, en Italie, étant une exception bien connue. Le plus souvent, le fluide qui arrive au puits se compose d’un mélange de deux phases liquide-vapeur. Même si quelques études ont été réalisées sur les expanseurs à deux phases, la solution traditionnellement adoptée dans ce cas consiste à séparer la phase gazeuse de la phase liquide, éventuellement après une vaporisation par flash [11] la vapeur peut ainsi être envoyée dans une turbine à vapeur commune, alors que la phase liquide peut être directement renvoyée vers le puits de réinjection. La turbine à vapeur couplée à un alternateur qui génère de l’énergie électrique, forme le cœur d’une centrale bien plus complexe (Figure 2). En raison de la présence de gaz incondensables dans la vapeur géothermique (essentiellement de CO2), pour obtenir un processus efficace de condensation, il est nécessaire de mettre en place un système d’élimination des gaz incondensables au moyen d’éjecteurs ou de compresseurs, en fonction de la quantité de gaz à éliminer. Le condenseur peut être refroidi avec de l’air, ou, comme dans l’exemple de la figure 2, avec de l’eau provenant d’une tour de refroidissement, auquel cas il est possible d’opter pour un condenseur à mélange, contrairement au cas des centrales à vapeur classiques. En aval du système d’élimination des gaz incondensables, un système de traitement des effluents gazeux élimine l’H2S et le Hg susceptibles d’être présents. Dans les centrales classiques, le CO2 n’est pas séparé, mais libéré dans l’atmosphère. Cette émission particulière est extrêmement variable d’un site à l’autre. Dans les centrales situées aux États-Unis, elle équivaut à 91g de CO2/kWh[12], valeur inférieure à la valeur moyenne italienne, qui, en 2013, atteignait 325g de CO2/kWh[13], et donc inférieure aux émissions spécifiques caractéristiques de la palette de centrales thermoélectriques en Italie, à savoir 555g de CO2/kWh en 2013[14]. Une fois condensé, le fluide géothermique peut être envoyé vers les puits de réinjection et le sous-sol.

 

Compressore per incondensabili
Compresseur pour gaz incondensables
Alla torre
Vers la tour
Interrefrigeratore
Échangeur pour le refroidissement
Dalla torre
Depuis la tour
Turbina a vapore
Turbine à vapeur
Camera di flash
Chambre de flash
Pozzo di produzione
Puits de production
Pozzo di iniezione
Puits d’injection

3.2. Les centrales binaires

 

Fig. 3 : Représentation schématique des conditions de fonctionnement d'un cycle binaire

 

Si la part de liquide augmente, ou en présence de fluide géothermique composé uniquement d’eau liquide, la technologie des centrales à expansion directe du fluide géothermique n’est plus aussi intéressante. On obtient alors de meilleurs résultats avec un cycle dit binaire, au cours duquel la conversion de la puissance thermique en puissance mécanique se produit dans un circuit complètement indépendant (Figure 3). En général, on considère que le passage à la technologie du cycle binaire est avantageux lorsque le fluide géothermique se compose essentiellement d’eau aux environs de 180 °C. Cependant, cette limite étant seulement indicative, dans la réalité les deux technologies ont tendance à largement se chevaucher. Le gros avantage de cette technologie réside dans le fait qu’elle permet d’exploiter aussi bien des ressources géothermiques qui ne sont pas directement liées à des activités volcaniques, caractérisées par des températures de fluide relativement peu élevées, réparties de façon plus uniforme dans le monde, que des systèmes EGS, grande option pour le futur. Cette solution permet également, le cas échéant, d’améliorer grâce à des schémas d’installation mixte, les centrales à vapeur à flash précédemment décrites, pour ainsi développer la géothermie à grande échelle. Dans les prévisions de croissance de la puissance installée par voie géothermique, cette technologie joue un rôle très important alors qu’en 2010, elle ne représentait qu’environ 10 % de la puissance totale installée. Son potentiel et ses défauts méritent d’être examinés.

 

Temperatura di ingresso del fluido geotermico
Température d’entrée du fluide géothermique
Temperatura di scarico del fluido geotermico
Température d’évacuation du fluide géothermique
Temperatura ambiente
Température ambiante
Entropia
Entropie
Ciclo binario
Cycle Binaire

Fig. 4 : Performances constatées sur des installations binaires en fonction de la température du fluide géothermique

Le cycle binaire représenté ci-dessus est un cycle thermodynamique fermé qui fonctionne entre, d’une part, une source chaude dont la température fluctue, constituée du fluide géothermique qui refroidit en cédant sa chaleur et dont la température varie entre la température au niveau du puits et la température d’évacuation (c’est-à-dire de réinjection) du fluide géothermique, et, d’autre part, un puits de chaleur formé par l’environnement. Une fois les sources thermiques et la portée du fluide géothermique définies, on obtient facilement la puissance électrique pouvant être produite en multipliant la puissance thermique introduite dans le cycle par le rendement de conversion η du cycle thermodynamique. Ce dernier dépend de nombreux facteurs, en premier lieu de la température du fluide géothermique (Figure 4).

 

Rendimento del ciclo
Rendement du cycle
Temperatura del fluido
Température du fluide (°C)

 

Pour comprendre la raison de la variation des performances du cycle binaire en fonction de la ressource géothermique, il convient de se rappeler que :

ηI = ηREV∙ ηII

ce qui signifie que le rendement habituel du cycle du principe I est obtenu par le produit du rendement du cycle réversible de référence, qui fonctionne entre les mêmes sources thermiques (et qui dépend seulement des températures)[15] multiplié par un coefficient réducteur (rendement du principe II, compris entre 0 et 1), qui est fonction de la qualité du cycle : un cycle binaire bien conçu se situe dans la tranche supérieure du graphique et se caractérise par un ηI élevé. Les rendements de principe II des centrales existantes sont généralement compris entre 0,25 et 0,50, voire 0,6 dans certains cas[16]. L’optimisation thermodynamique du cycle, qui vise à obtenir un fort rendement de conversion, aide à définir la solution à retenir, à choisir le fluide et les valeurs des principaux paramètres de fonctionnement, les pressions d’évaporation et de condensation, par exemple.

Le choix du fluide est particulièrement important et différencie les deux grandes catégories possibles de cycles binaires : les cycles Organic Rankine Cycle (ORC) à fluide organique, et les cycles à mélange d’eau et d’ammoniac, souvent appelés cycles de Kalina. Sur le plan commercial, la technologie des centrales ORC est mûre, même si en termes de performances, mais surtout de coûts, des améliorations peuvent encore être apportées, alors que le cycle de Kalina, bien qu’ayant été proposé il y a un certain nombre d’années, est apparu plus tard dans le monde de la géothermie.

 

Fig. 5 : Schéma d'installation d'un cycle ORC

 

Dans un cycle ORC (Figure 5), le fluide géothermique en provenance du puits, éventuellement envoyé par une pompe immergée, alimente l’évaporateur et le préchauffeur à contre-courant, avant d’être réinjecté dans le sous-sol ; à la sortie de l’évaporateur, la vapeur du fluide organique entre dans la turbine, où elle se répand en entraînant le générateur qui produit l’énergie électrique, puis est condensée et envoyée vers une pompe qui élève la pression jusqu’à atteindre la valeur d’entrée du préchauffeur, et ainsi de suite.

 

Fluido geotermico
Fluide géothermique
Evaporatore
Évaporateur
Presiscaldatore
Préchauffeur
Pozzo di produzione
Puits de production
Pompa sommersa
Pompe immergée
Pozzo de reiniezione
Puits de réinjection
Turbina
Turbine
Condensatore
Condenseur
Fluido organico
Fluide organique
Fluido di raffredamento
Fluide de refroidissement
Pompa
Pompe

Fig. 6 : Modèle d'installation avec un cycle de Kalina

 

Le cycle de Kalina, dans sa version utilisée sur le site d’Husavik en Islande[17] est un modèle sensiblement plus complexe qui, outre l’échangeur thermique primaire, la turbine, le condenseur et la pompe, comporte également un séparateur et un certain nombre, deux dans le cas présent, d’échangeurs de chaleur régénérateurs (Figure 6).

 

Fluido geotermico
Fluide géothermique
Scambiatore primario
Échangeur primaire
Separatore
Séparateur
Scambiatore rigenerativo
Échangeur régénérateur
Miscela acqua/ammoniaca
Mélange eau/ammoniac
Turbina + generatore
Turbine + générateur
Scambiatore rigenerativo
Échangeur régénérateur
Condensatore
Condenseur
Fluido di raffredamento
Fluide de refroidissement
Pompa
Pompe

 

À l’heure actuelle, le cycle ORC à un seul niveau d’évaporation est la configuration la plus répandue car il est possible avec lui d’obtenir de meilleures performances en optant pour une centrale plus complexe, soit un cycle multiniveaux (sous-critique), soit un cycle hypercritique. La solution qui prévoit un cycle ORC à deux niveaux d’évaporation trouve son application dans différentes centrales, alors qu’en l’état actuel des choses, le cycle hypercritique n’est utilisé que sur une centrale prototype. Il pourrait se révéler intéressant pour certaines application[18]. Même si, sur le papier, les performances obtenues avec le cycle de Kalina sont légèrement supérieures à celle du cycle ORC, cette technologie a du mal à s’imposer et se limite à quelques cas sporadiques.

Enfin, il est important d’observer que dans un cycle binaire, le fluide géothermique cède son énergie thermique sans entrer en contact avec l’environnement, ce qui présente des avantages évidents : les éventuelles substances nocives présentes, y compris, le cas échéant, le CO2 dissous, sont réinjectées directement dans le sous-sol. Un des autres avantages des cycles binaires, suite à l’utilisation du fluide géothermique en phase liquide, réside dans la réduction des problèmes d’incrustation des composants : en évitant le flash et en utilisant éventuellement une pompe immergée qui maintient le fluide géothermique à l’état liquide, on évite que la concentration de substances incrustées (qui restent dans la phase liquide pendant le flash, ce qui augmente leur concentration) dépasse le seuil de précipitation. Ces derniers aspects font clairement pencher la balance entre centrales à flash et centrales binaires en faveur de ces dernières.

3.3. Autre modèle d’installation

Pour des températures et des pressions supérieures à celles habituellement utilisées dans les centrales à flash, que l’on pourrait obtenir avec des systèmes EGS avancés ou des fluides supercritiques, des modèles d’installation spécialement conçus sont en général plus intéressants. L’étude du MIT défend, dans le cas de fluides géothermiques supercritiques, le choix d’un cycle à double flash en aval d’une turbine à contrepression hypercritique. Une pression élevée du fluide géothermique, de l’ordre de quelques centaines de bars, tout en représentant un potentiel à exploiter, soulève malgré tout des problèmes d’installation aussi bien dans le cas où elle peut être exploitée (par exemple au moyen d’une turbine à vapeur, qui risque d’avoir un titre en sortie de turbine trop bas), que dans l’hypothèse où elle n’est pas exploitée, car elle oblige à dimensionner les composants pour des valeurs de pression très élevées : avec 345 bars en surface, le cas de l’installation de Cooper Basin, évoqué ci-dessous, est emblématique[19].

En revanche, dans les conditions habituelles de pression et de température des fluides géothermiques, caractéristiques par exemple des systèmes hydrothermaux, les technologies de centrale binaire et d’installation à flash peuvent être utilement intégrées pour construire des centrales dites mixtes ou hybrides, qui rendent possible une exploitation plus efficace du fluide géothermique, car la part de liquide séparé par la centrale à flash, au lieu d’être réinjectée directement dans le sous-sol, est utilisée pour alimenter une centrale ORC.

 

4. Les enjeux actuels

Pour développer la tendance actuelle qui vise à augmenter l’exploitation de l’énergie géothermique, deux solutions sont possibles : l’une plus ambitieuse, techniquement plus exigeante mais dont le potentiel est énorme, consiste à exploiter les systèmes EGS ; l’autre, plus immédiate, dont le potentiel est moindre mais qu’il ne faut pas sous-estimer en raison de sa simplicité intrinsèque et de sa faisabilité technique, consiste à exploiter les systèmes hydrothermaux à basse température ou à grande profondeur.

De par la présence d’éventuels systèmes EGS presque partout et du fait des performances réalisables, cette technologie présente un grand intérêt : la possibilité d’obtenir un fluide géothermique à haute température qui garantit un rendement de conversion aussi élevé que possible, dans des régions qui ne sont pas nécessairement concernées par un volcanisme actif, est sans aucun doute séduisante. C’est pourquoi, à partir des années 1970, l’objectif de différents projets de recherche a été de contribuer à étendre l’exploitation de l’énergie géothermique à partir de systèmes hydrothermaux de haut grade, caractérisés par la présence d’une roche naturellement poreuse et soumise à un fort gradient géothermique, en direction des systèmes avec des roches moins poreuses et des gradients géothermiques moins élevés : ils impliquent d’être en mesure de pallier les défauts inhérents à la ressource à l’aide d’une fracturation artificielle de la roche et d’atteindre des profondeurs supérieures (la limite de la technologie de forage actuelle est d’environ 10 km) de façon à garantir malgré tout une température adéquate du fluide géothermique.

Les valeurs de température du fluide géothermique varient entre divers projets parmi les plus anciens : dans les sites listés, le premier où il a été possible de produire une énergie électrique est Soultz, qui exploite un fluide géothermique à 180° C. Dans la même région, une centrale géothermique qui fournit de la chaleur pour un usage industriel a été inaugurée en 2016. En revanche, d’autres projets ont été interrompus à Bâle, début 2007, à cause de problèmes de sismicité induite, et sur le Cooper Basin en 2015, pour des raisons économiques (Tableau 2). De nouveaux projets ont récemment été lancés en Asie.

En outre, le projet de Gross Schönebeck prévoit l’utilisation du fluide à une température de 150 °C, ce qui est relativement bas : pour les systèmes EGS comme pour les systèmes hydrothermaux, la possibilité d’une exploitation rentable du point de vue économique avec des températures toujours plus basses rend les ressources disponibles en plus grande quantité ou plus facilement accessibles car à des profondeurs inférieures et des coûts de forage plus bas. Dans un futur proche, en Europe, de nombreux sites pourraient accueillir des centrales géothermiques qui exploitent soit des systèmes hydrothermaux, soit des systèmes EGS (Figure 7).

 

Tableau 2 : Caractéristiques de quelques projets EGS

 

Lieu
Début d’activité
Profondeur (m)
Température du fluide (°c)
Penton Hill – 1 (États-Unis)
Années 1970
2 800
195
Penton Hill – 2 (États-Unis)
Années 1970
3 500
235
Hij iori & Ogachi – 1 (Japon)
Années 1980
1 800
250
Hij iori & Ogachi – 2 (Japon)
Années 1980
2 200
270
Soultz (France)
1987
5 000
180
Bâle (Suisse)
1998
5 000
200
Coper Basin (Australie)
2003
4 400
210
Gross Schönebeck (Allemagne)
Récente
4 300
150

Fig. 7 : Projets géothermiques possibles en Europe (environ 400 MW)

 

Sistemi idrotermali
Systèmes hydrothermaux
Sistemi EGS
Systèmes EGS

 

Dans tous les cas, il convient de garantir la rentabilité économique à des températures toujours plus basses car, si la température du cycle diminue, le rendement du cycle tend à baisser et l’installation doit être conçue avec un soin particulier afin de rester dans la tranche supérieure du graphique (Figure 4). Cette inévitable baisse de rendement implique cependant qu’à puissance électrique produite égale, les puissances thermiques échangées soient élevées, ce qui entraîne une augmentation de la taille et du coût des échangeurs thermiques ; en outre, la consommation des auxiliaires devient elle aussi plus importante, du fait, par exemple, de la consommation des auxiliaires du condenseur, en première approximation proportionnelle à la puissance thermique échangée et à l’absorption de puissance par la pompe immergée qui achemine le fluide géothermique au niveau du puits. Il devient alors évident qu’en dessous d’une certaine température, la seule production d’énergie électrique peut difficilement garantir des retombées économiques : il apparaît donc nécessaire de construire des centrales qui associent production d’électricité et production de chaleur, lesquelles ne sont pas nécessairement concomitantes pour une utilisation civile (énergie électrique d’été et énergie thermique d’hiver).

L’autre option extrêmement intéressante pour améliorer les performances d’une centrale géothermique consiste à réaliser une centrale hybride, en associant la source géothermique à une source à plus hautes températures, en réalisant ainsi un cycle thermodynamique dans lequel une partie de la chaleur introduite à basse température provient de la source géothermique tandis qu’une autre partie introduite à haute température est issue de la deuxième source de chaleur qui pourrait venir du soleil, de la chaleur résiduelle découlant d’un processus industriel, ou encore de gaz brûlés produits lors de la combustion de biomasse ou de déchets.

Certaines centrales expérimentales ont été construites au cours des années avec le soutien de l’Union européenne, notamment la célèbre centrale de Soultz-sous-Forêts et celle de Simbach Braunau (Tableau 3).

 

Tableau 3 : Paramètres caractéristiques des centrales expérimentales de Soultz et de Simbach Braunau

 

Soultz
Simbach Braunau
Profondeur du puits
5 100
1 970
Température du fluide géothermique
180
80
Type de cycle (binaire)
ORC
ORC
Source froide
Air
Air/Eau (1)
Puissance électrique (kW)
1 500
200
Rendement électrique net
11,5
4,6
(1) Une des particularités de la centrale de Simbach Braunau réside dans la présence d’un condenseur par évaporation.

 

L’exploitation de la ressource géothermique sur le premier site localisé en Alsace, à la frontière avec l’Allemagne, qui a démarré en 1987, a conduit à la production d’énergie électrique en 2008 ; le savoir-faire européen dans le domaine des systèmes EGS dérive en grande partie de cette longue activité. La centrale de Simbach Braunau, située à la frontière entre l’Autriche et l’Allemagne et construite en 2009, représente au contraire une tentative d’exploiter un système hydrothermal à basse température. Ce projet a été réalisé sous la forme d’une extension d’installation existante de chauffage urbain géothermique ; ainsi, la centrale met à disposition une puissance thermique à peu près constante toute l’année, utilisable pour produire aussi bien de l’énergie électrique que de la chaleur, avec des performances variables en fonction de la saison.

 

5. Aspects économiques

L’analyse du coût du kWh produit par une source géothermique révèle un coût d’investissement particulièrement élevé : pour une centrale de 20 MW, outre un coût modique pour l’identification du site et l’analyse géophysique, on estime que 20 à 30 millions d’euros (M€) sont nécessaires pour la phase de forage initiale et pour la vérification de l’état du réservoir géothermique, suivis de 30 autres M€ pour le forage à proprement parler. Enfin, vient s’ajouter le coût de la centrale qui varie entre 30 et 60 M€[20].

Ainsi, le coût de développement du champ géothermique représente plus de la moitié du coût d’investissement initial. Dès lors, le coût d’investissement total peut considérablement varier d’un site à l’autre car le coût de forage dépend non seulement du site mais surtout de la profondeur. En matière de coûts, dans le domaine géothermique, il est essentiel d’étudier soigneusement tous les aspects avec un regard critique. Le coût total d’investissement dépend donc de la technologie choisie. À titre indicatif on peut dire (en 2012) qu’il varie de 3 000€/kW pour une centrale à vapeur sèche à 4 000 et 6 000€/kW pour une centrale à flash et une centrale à cycle binaire respectivement, pour atteindre un maximum de 12 000€/kW pour la technologie EGS[21]. Le coût important de la centrale est cependant contrebalancé par un facteur d’utilisation particulièrement élevé, nettement supérieur à celui de toute autre source renouvelable : on estime en effet qu’il est possible de dépasser le seuil de 90 %, comme le montre l’exploitation de quelques centrales géothermiques. L’estimation du coût actualisé de l’énergie électrique (Levelized Cost of Energy -LCOE-) dépend naturellement elle aussi de la technologie concernée (Tableau 4).

 

Tableau 4 : Coût de production de l’énergie électrique en 2012

 

Coût d’investissement 
€/kW
LCOE 
€/MWh
EGS
7 000-12 000
200-300
ORC binaires
6 000
100-200
Vapeur flash
4 000
50-90
Vapeur seche 3 000

 

Le coût de l’énergie électrique produite est donc en droite ligne avec celui des autres énergies renouvelables, même si le système d’incitation, qui varie d’un pays à l’autre, n’est pas toujours comparable à celui des autres sources renouvelables.

 

6. Situation actuelle et perspectives de développement

En dépit d’aspects très positifs tels que l’absence de caractère aléatoire et un coefficient d’utilisation élevé, associés à une émission de CO2 nulle ou extrêmement basse, la croissance de la puissance géothermique  installée au niveau mondial reste sur une trajectoire à peu près linéaire, soit une augmentation d’environ 380 MW/an entre 2010 et 2014, ce qui est supérieur aux cinq années précédentes, mais nettement inférieur à la croissance des autres sources renouvelables tels que l’éolien et le solaire photovoltaïque qui connaissent une croissance exponentielle.

Plusieurs raisons expliquent une croissance aussi lente : un coût d’investissement initial élevé et un manque d’incitation, à quoi il faut ajouter le risque inhérent au forage. Ce dernier qui se traduit par un forage débouchant sur un réservoir improductif peut en effet être un frein important à la décision d’opter pour la géothermie. Dans certains cas, ce risque n’entre pas en ligne de compte grâce à l’utilisation de fonds spécifiquement dédiés à cette couverture.

En 2015, la puissance mondiale installée s’élève à environ 12 GW, dans une perspective de 21 GW à l’horizon 2020. La production d’énergie électrique est actuellement concentrée dans un petit nombre de pays (États-Unis, Philippines, Indonésie, Mexique, Italie, Nouvelle-Zélande, Islande et Japon), une part non négligeable étant produite en Amérique (Tableau 5).

 

Tableau 5 : Puissance installée en 2015 et énergie électrique produite d’origine géothermique.

 

Puissance installée (MW)
%
Energie électrique (GWh/an)
%
Afrique
601
4,8
2 858
3,9
Amérique
5 089
40,3
26 353
35,8
Asie
3 756
29,7
22 084
30,0
Europe
2 133
16,9
14 821
20,2
Océanie
1 056
8,4
7 433
10,1
TOTAL
12 635
100,0
73 549
100,0
Source : Bertani (2015)

 

La prévision de croissance de la puissance installée et de la production d’électricité doit nécessairement faire référence au potentiel des ressources mais cette estimation est difficile car   il existe plusieurs méthodes pour estimer les ressources, sur la base desquelles on obtient différentes estimations du potentiel mondial[22]. L’incertitude est plus importante encore pour les ressources non liées à des régions volcaniques, car souvent, les méthodes adoptées estiment l’intégralité du potentiel géothermique en fonction des nombreux volcans connus. Or, ce concept n’est pas applicable pour les ressources à basse température[23]. En dépit de ces difficultés, l’Agence internationale de l’énergie prévoit à l’horizon 2050 une puissance installée et un coût de production de l’énergie (Figure 8).

 

Figure 8 : Prévisions d’évolution de la puissance installée et du coût de production (LCOE). Source IEA. Geothermal Heat and Power Roadmap

 

On estime qu’avec la technologie actuelle, il est possible d’atteindre une puissance installée légèrement inférieure à 100 GW. Avec un développement technologique permettant d’exploiter pleinement les systèmes EGS, la puissance installée pourrait atteindre 200 GW[24]. Selon d’autres études, à long terme, la limite supérieure de la puissance géothermique pour la production d’énergie électrique se situerait entre 1 000 et 2 000 GW.

Pour ce qui est de l’Italie, la puissance installée en 2015 de 882,5 MW pourrait atteindre de 1 500 à 2 000 MW en 2030 (Tableau 6) selon les scénarios de l’UGI (Unione Geotermica Italiana) qui correspondent le premier aux conditions technologiques et au contexte économique actuels, le second à un développement technologique avancé et à un contexte économique « écologiquement stimulé » [25].

 

Tableau 6 : Puissance et production d’électricité en Italie

 

                                 2015
2030
Puissance
(MW)
Énergie électrique
(GWh/an)
Scénario
Puissance
(MW)
Énergie électrique
(GWh/an)
882,5
5 340
I 1 500 9 400
II
2 000
12 000

L’exploitation du potentiel d’énergie géothermique restant à exploiter encore considérable va donc dépendre du développement de la technologie de forage et de la gestion du réservoir géothermique. L’énergie géothermique qui en résulterait constituerait un apport non négligeable à la production mondiale d’énergie électrique et, dans certains pays situés dans des zones géographiques particulières (Afrique, Amérique centrale et Amérique du Sud, Pacifique occidental) contribuerait de façon substantielle à satisfaire la demande d’électricité. L’absence de caractère aléatoire et la vulnérabilité réduite font de l’énergie géothermique un élément important du futur mix énergétique, conjointement à une production massive et aléatoire à partir des sources éolienne et solaire.

 

D’autres connaissances sur le sujet sont disponibles dans La Géothermie : une source significative d’énergie ? de François Henri Cornet et La géothermie, une source d’énergie verte sous nos bâtiments de Alice Di Donna sur l’Encyclopédie de l’Environnement.

 

Notes et références

[1] US Energy Information Administration (2013), Electric Power Annual 2012, Washington DC.

[2] STACEY F.D., LOPER D.E. (1988), Thermal history of the Earth : a corollary concerning non-linear mantle rheology, in Physics of the Earth and Planetary Interiors, vol. 53, pp. 167-174.

[3] POLLACK H.N., HURTER S.J., JOHNSON J.R. (1993), Heat flow from the Earth’s interior : Analysis of the global data set, in Reviews of Geophysics, vol. 31, n. 3, pp. 267-280.

[4] BUONASORTE G. (2008), Geological backgroundof the Italian geothermal resources, Restamac Workshop 2008, Geothermal Heating and Cooling in Italy and in the Mediterranean Countries, Milan, 19 mai.

[5] van Wees J.-D., Durst P., Manzella A., Nardini I. (2013), Geothermal exploration. Manzella A., Nardini I., Mendrinos D., Karytsas, C. (eds.), in Manual of the Training Course on Geothermal Electricity, 8−11 Octobre 2013, Pise, Italie, pp. 9−14.

[6] Par exemple, en présence de granits High Heat Production qui engendrent un flux thermique élevé d’origine radiogénique en raison des isotopes radioactifs qu’ils contiennent.

[7] TESTER J. et al. (2006), The Future of Geothermal Energy — Impact of Enhanced Geothermal Systems (EGS) on the United States in the 21th Century, Massachusetts Institute of Technology, Cambridge (MA), 358 pp., http ://www1.eere.energy.gov/geothermal/future_geothermal.html.

[8] DE NATALE G. (2010), Challenges in developing high-temperature, unconventional resources in Italy, TP — Geoelec Meeting, Bruxelles, mars.

[9] TESTER J. et al. (2006), The Future of Geothermal Energy, op. cit

[10] Le terme pression lithostatique, désigne la pression due au poids des roches situées au-dessus.

[11] Le flash consiste à diminuer brutalement la pression et implique l’évaporation d’une partie du liquide, dans une quantité qui dépend de l’importance de la baisse de pression.

[12] BLOMFIELD K.K. et al. (2003), Geothermal Energy reduces green house gases, in GRC Bulletin, n. 32, pp. 77-79.

[13] Enel (2013), Environmental report, https://www.enel.com/content/dam/enel-com/governance_pdf/reports/annual-financial-report/2013/2013_enel_environmental_report.pdf

[14] ISPRA (2015), Fattori di emissione atmosferica di CO2 e sviluppo delle fonti rinnovabili nel settore elettrico, Rapporti 212/2015

[15] En cas de source de chaleur à température variable, le rendement du cycle réversible se calcule à l’aide de la température moyenne logarithmique calculée en fonction des températures minimum et maximum de la source de chaleur, c’est-à-dire : ηREV = 1 – T0/Tml puisque Tml = (Tfg, IN – Tfg, OUT)/ln (Tfg, IN/Tfg, OUT), où T0 correspond à la température ambiante (puits de chaleur).

[16] TESTER J. et al. (2006), The Future of Geothermal Energy, op. cit

[17] HJARTARSON H., MAACK R., JOHANNESSON S. (2005), Husavik energy multiple use of geothermal energy, GHC Bullettin, n. 6.

[18] TESTER J. et al. (2006), The Future of Geothermal Energy, op. cit

[19] HUTCHINGS P.G., WYBORN D. (2006), Hot Fractured Rock (HFR) Development, Cooper Basin, Australia, Proceedings of the 28th NZ Geothermal Workshop, Auckland (Nuova Zelanda).

[20] BERTANI R. (2009), Geothermal Energy in the World : Current Status and Future Scenarios, Geothermal Energy Development -Opportunities and Challenges, Pomarance, September.

[21] DUMAS, P., ANGELINO, L., (2016), The role of public authorities in supporting financially geothermal Procedings of the European Geothermal Congress, Strasbourg 2016.

[22] BERTANI R. (2003), What is geothermal potential, in IGA News, n. 53, pp. 1-3.

[23] Pour plus de détails, consulter CHANDRASEKHARAM D., BUNDSCHUH J. (2008), Low-Enthalpy Geothermal Resources for Power Generation, Indian Institute of Technology, CRC Press.

[24] IEA, (2011), Technology Roadmap, Geothermal Heat and Power

[25] Buonasorte G., Cataldi R., Franci T., Grassi W., Manzella A., Meccheri M., Passaleva G. (2011) : Previsioni di crescita della geotermia in Italia fino al 2030 — Per un Nuovo Manifesto della Geotermia Italiana -, Pacini Edit., Pisa,.

 

Bibliographie complémentaire

BERTANI R. (2015), Geothermal Power Generation in the World 2010-2014 Update Report, Proceedings World Geothermal Congress 2015, Melbourne, Australie, du 19 au 25 avril 2015.

TP — Geoelec (2010), Draft Geoelec 2050 Vision, http :// egec.org/index.html

 


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