Avec une consommation d’énergie d’environ 1 milliard de tonnes d’équivalent pétrole (Gtep) en 2021, l’Inde occupe la troisième place dans le monde. Comment est-elle parvenue à cette position depuis la libéralisation amorcée au cours des années 1990 ? Quels sont les enjeux de son système énergétique face au dilemme de satisfaire de très importants besoins, notamment à partir du charbon minéral, sans accroître ses impacts environnementaux, dont climatiques ?
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A l’issue du 5ème Plan (1974-79), l’économie indienne achève trois décennies de croissance à un rythme annuel moyen d’environ 5%, lequel, après le fléchissement de la fin des années 1960 et l’incidence des chocs pétroliers des années 1970, répond de moins en moins aux attentes d’une population en hausse annuelle moyenne de plus de 2%. En 1980, le retour au pouvoir d’Indira Gandhi ne suffit plus à renouer avec le projet développement conçu au début des années 1950 (Lire : L’énergie en Inde, de Jawarla Nehru à Indira Gandhi).
Surtout, par comparaison avec le dynamisme de l’économie chinoise depuis les réformes de Deng Xiaoping au début des années 1980 (Lire : L’énergie en Chine, les réformes de Deng Xiaoping), l’économie indienne est de plus en plus sujette aux critiques du « carcan administratif » accusé d’étouffer toutes les initiatives et innovations. Plusieurs signes annoncent qu’elle « va connaître un tournant graduel profond tant sur le plan de sa configuration politique que de sa stratégie économique et de ses performances»[1]. Quels ont été les changements économiques et sociaux constitutifs de ce tournant ? Quelles ont été leurs articulations avec les transformations du système énergétique indien entre 1990 et 2021 ?
1. De l’étatisme au libéralisme
L’idée de redynamiser l’économie en la libéralisant n’a jamais été totalement absente, notamment dans l’esprit des dirigeants de grandes entreprises, mais elle ne s’est imposée que tardivement et à petits pas, à partir du 2ème Plan (1956-61), dans le cadre du Forum of Free Entreprise, créé en 1957[2]. Le débat s’élargit au cours de la deuxième moitié des années 1970 sous l’impulsion des tenants d’une réforme tels qu’Ashok Desai, mais il faudra attendre la nouvelle crise des paiements de 1980 pour qu’Indira Gandhi, revenue au pouvoir, soit contrainte de solliciter le Fonds Monétaire International (FMI). Ce dernier octroie à l’Inde des droits de tirage spéciaux (DTS) en contrepartie d’un début de libéralisation économique :
– relâchement des réglementations, dont celui des licences industrielles ;
– assouplissement du régime des importations et exportations, surtout au profit de ces dernières ;
– allègement de la fiscalité, notamment sur les revenus d’actifs des sociétés industrielles.
Dans le contexte d’un desserrement des contraintes extérieures, les résultats du 6ème Plan (1980-85) traduisent les premiers effets bénéfiques de la libéralisation, principalement sous la forme de gains de productivité, d’implantations de nouvelles entreprises, de consolidation des services et de modernisation de l’agriculture.
En dépit de la vigoureuse croissance du 7ème Plan (1985-90), ces progrès ne suffisent cependant pas à restaurer l’équilibre des échanges avec l’extérieur, miné, entre autres, par un endettement non maitrisé. Après l’assassinat de Rajiv Gandhi le 21 mai 1991, Narasimba Rao (Premier ministre) et Manmohan Singh (Ministre des finances) entreprennent, avec l’appui du FMI, des réformes structurelles comportant l’abolition des licences dans la plupart des secteurs, l’autorisation des investissements étrangers, la libération du commerce extérieur par la baisse des droits de douane et la convertibilité de la roupie[3].
« Avec quatre années successives de croissance au-dessus de 7% (1994-97), l’économie indienne renait de ses cendres et apparait même pour la première fois comme une des économies les plus dynamiques du monde »[4]. A nouveau menacé par les soubresauts politiques du début des années 2000, ce dynamisme est entretenu par les nouvelles mesures, du type zones économiques spéciales (SEZ) offertes aux grands industriels, décidées par le tandem Manmohan Singh (Premier ministre) et Sonia Gandhi (Chef du parti du Congrès) à partir de 2004. Le taux de croissance économique atteint 9% au cours du 10ème Plan (2002-07) et du 11ème Plan (2007-12).
Fragilisée par les conséquences internationales de la crise mondiale de 2008, l’économie indienne traverse ensuite une période difficile (décrochement de 30% de la roupie en 2014) jusqu’au « basculement en faveur du programme volontariste de Narendra Modi » élu en 2014 (figure 1). Son programme « Make in India » attire de nombreuses entreprises dont les investissements boostent la croissance économique[5].
Le Bharatiya Janata Party (BJP) qui a de nouveau gagné les élections de mai 2019 veut poursuivre le mouvement en consolidant l’infrastructure de l’économie indienne. De 7ème puissance économique du monde en 2017, l’Inde s’est peut-être hissée au rang de 5ème en 2018 et aspire au 3ème rang en 2030, soit une compétition de plus en plus serrée avec la Chine[6]. Comment a-t-elle fait évoluer son système énergétique pour soutenir un tel développement économique ?
2. Croissances démographiques et économiques
Jusqu’au fléchissement de 2019 et à la crise du Covid-19 de 2020, avec un taux annuel moyen de croissance économique cinq fois supérieur à celui de la croissance démographique, l’Inde s’est considérablement enrichie, sous l’impulsion du dynamisme tant de son industrie manufacturière que de ses services[7].
2.1. La vitalité démographique
En 1990, après quatre décennies de croissance au taux annuel moyen de 2,2%, la population indienne approchait de 900 millions d’habitants (Mh) ; par la suite, à un rythme annuel moyen de 1,5%, elle a continué à croître jusqu’à 1,37 milliard d’habitants (Gh) en 2020 (tableau 1), à quelques encablures de la Chine (1,44). En cause, un taux de natalité qui poursuit sa chute, de plus de 30 pour 1 000 vers moins de 20, parallèlement à un taux de mortalité désormais inférieur à 10. Les changements économiques attendus au cours des prochaines décennies ne devraient pas stopper la croissance démographique vers 1,5 Gh en 2030 et peut-être 1,7 en 2050.
Population
Mh |
Urbanisation
% |
PIB G$ ppp | Primaire % | Secondaire % | Tertiaire% | |
1990 | 870 | 25.6 | 987 | 32 | 27 | 41 |
1995 | 964 | 26.6 | 1 426 | 27 | 27 | 46 |
2000 | 1 057 | 27.7 | 2 078 | 22 | 28 | 50 |
2005 | 1 148 | 29.2 | 3 238 | 20 | 27 | 53 |
2010 | 1 234 | 30.9 | 5 312 | 17 | 28 | 55 |
2015 | 1 310 | 32.8 | 7 160 | 15 | 29 | 56 |
2018 | 1 353 | 34.0 | 9 000 | 15 | 28 | 57 |
2020 | 1 367 | 35.0 | 8 680 | 14 | 27 | 59 |
Tableau 1. Croissance démographique et économique. Source. Perspective Monde. Université de Sherbrocke, Québec, Canada et World Data Atlas de Knoema pour le PIB et sa structure. La série en G$ ppp ne s’ajuste qu’à 10% près à la série en $ constant utilisée de 1950 à 1980, in tableau 2, L’énergie en Inde, de Jawarla Nehru à Indira Gandhi. La structure du PIB en 1990 diffère très sensiblement d’une source statistique à l’autre sans possibilité de choix compte-tenu des différences méthodologiques d’évaluation.
Cette population continue à vivre majoritairement à la campagne, dans environ 600 000 villages (figure 2), mais son urbanisation s’accélère. Les 18% urbanisés de 1950, qui étaient passés à un peu plus de 25% en 1990, atteignent 35% en 2020 qui se répartissent entre :
– 40% dans de petites villes de moins de 100 000 habitants,
– 30% dans des cités dont la population est comprise entre 100 000 et 1 Mh,
– 30% dans une cinquantaine de métropoles dont les plus grandes (Mumbai, Delhi, Kolkatta, Chennai ou Bengaluru) comptent de 8 à 18 Mh[8].
En dépit de cette forte progression, le taux d’urbanisation de l’Inde reste relativement bas par rapport à celui des autres grands pays en voie de développement tels que l’Egypte (43%), le Nigéria (49%), l’Indonésie (55%), la Chine (57%), le Mexique (80%) ou le Brésil (86%), d’où l’attente d’une poursuite du mouvement vers 70% en 2050. D’ici là, l’extension des bidonvilles (slums) devrait avoir été stoppée au profit du développement des villes intelligentes (smart cities) dont une centaine sont en construction. A travers les besoins de transport, de voirie ou d’éclairage, ces évolutions ne sont évidemment pas sans incidence sur les besoins d’énergie et les infrastructures, réseaux de gaz et d’électricité notamment, qui permettent de les satisfaire.
2.2. Une économie dynamique
En moyenne, cette population s’est enrichie grâce à une croissance annuelle moyenne du Produit Intérieur Brut (PIB) sautant de 4,2% entre 1960 et 1990 à 5,8% entre 1990 et 2020[9]. Cette augmentation n’est pas sans lien avec l’évolution structurelle de l’activité économique : la division par plus de deux de la part du primaire (agriculture, forêts, mines) étant compensée par l’augmentation soutenue de celle du tertiaire (transports, services) face à la stabilité de celle du secondaire (manufactures et construction).
Parmi les changements internes à chaque grand secteur d’activité, quelques uns ont laissé une trace plus forte que d’autres sur l’évolution de la consommation et de la production d’énergie.
L’agriculture, en dépit de ses faiblesses structurelles (très petite taille d’un grand nombre d’exploitation, sous-nutrition paysanne dans certains états, érosion et dépendance de la mousson, entre autres), a considérablement progressé au cours des dernières décennies, faisant de l’Inde le premier producteur mondial de lait, jute, coton ou banane et le deuxième de blé, riz (derrière la Chine) ou canne à sucre (derrière le Brésil). Support de ces croissances, la démographie paysanne mais surtout l’intensification des méthodes de production, héritées de la révolution verte, suite à la crise du milieu des années 1960. Appuyés sur le développement de l’irrigation et la mécanisation, la sélection de variétés à haut rendement et l’usage accru des engrais chimiques, les productivités se sont accrues, entrainant la croissance des besoins d’énergie, notamment sous forme d’électricité[10].
Dans l’industrie, le développement des branches energy intensive telles que la sidérurgie-métallurgie et la chimie ont influencé plus que d’autres le système énergétique. La production de la première d’entre elles a sauté de 38 Mt d’acier en 2005/06, à 110 Mt en 2019 ce qui n’a rien d’excessif au vu de la puissance des firmes sidérurgiques privées indiennes (Tata Steel et Mittal Steel) qui ont été capables d’absorber les plus grandes entreprises européennes (l’anglo-néerlandaise Corus et la française Arcelor)[11]. Parmi les principaux clients de ces industries, la construction automobile, le plus souvent en joint-venture avec de grands groupes étrangers, japonais et européens.
De son côté, l’industrie chimique s’est appuyée sur une puissante pétrochimie et un appel accru au gaz naturel. Les 32,3 Gm3 de ce dernier combustible qu’elle a consommé en 2019, à des fins tant d’énergie que de matière première, arrivent loin devant les consommations de l’industrie électrique (17,3), des transports (4,1) et des ménages (3,9).
Parmi les services, les transports ont été, de loin, le principal moteur de la croissance des consommations d’énergie. Contrairement à nombre de pays en voie d’industrialisation, l’Inde n’a pas renoncé à étendre et à moderniser son réseau ferroviaire, l’un des plus longs du monde. Les 108 858 km de 1990/91 sont devenus 126 366 en 2019/20, soit un rythme annuel moyen de croissance de 0,5% qui a permis d’absorber 42% du fret et 20% du trafic passager. La traction majoritairement vapeur-diésel a progressivement fait place à l’électrification. En 2020, les 8 milliards de passagers (Gp) et les 1 208 milliards de tonnes de fret (Gt) ont été déplacés sur des voies électrifiées à plus de 70% (figure 3).
Sur le réseau routier indien de 3,3 millions de km, le troisième du monde, les 54 millions de véhicules en circulation au début du 21ème siècle se sont encore accrus, notamment sous l’effet du National Highway Development Project (NHDP) reliant Delhi, Mumbai et Kolkatta[12]. Moins volumineux, le transport aérien a crû beaucoup plus vite que ses concurrents, soit un rythme annuel moyen de 16% au cours des années 2010, d’où le projet d’augmenter de 103 à 190-200 le nombre d’aéroports opérationnels entre 2020 et 2040. Les transports fluviaux et maritimes font eux aussi appel à de plus en plus de produits pétroliers.
Toutes les industries énergétiques n’ont pas été également capables de répondre à la croissance de ces besoins. Contraintes, celles du pétrole, du gaz et de l’électricité ont du laisser à celle du charbon une place plus importante que ne l’avaient souhaitée les responsables politiques successifs.
3. Croissance de la consommation d’énergie et transformation du système énergétique
Entre 1990 et 2020, la consommation totale d’énergie primaire a crû à un rythme annuel moyen presque identique à celui des 40 années précédentes, soit environ 3% (tableau 2). Les sources non commerciales dont la part a continué à se réduire, de 46 à 20%, n’ont pas disparu car l’Inde est resté un pays majoritairement rural où produits pétroliers et électricité profitent à la petite industrie et aux catégories sociales aisées plus qu’aux paysans pauvres qui continuent à brûler des déchets animaux ou végétaux et du bois de feu[13].
Années | Consommation non commerciale (Mtep) | Part de cette consommation (%) | Consommation commerciale (Mtep) | Part de cette consommation (%) | Consommation totale (Mtep) | Tcam sources commerciales (%) | Tcam total(%) |
1990 | 169 | 46 | 198.9 | 54 | 367.9 | ||
1995 | 182 | 41 | 258.8 | 59 | 440.8 | 5.4 | 3.7 |
2000 | 195 | 38 | 313.1 | 62 | 508.1 | 3.9 | 2.9 |
2005 | 189 | 33 | 389.8 | 67 | 578.8 | 4.5 | 2.7 |
2010 | 182 | 26 | 527.8 | 74 | 709.8 | 6.3 | 4.2 |
2015 | 164 | 20 | 672.9 | 80 | 836.9 | 5.0 | 3.4 |
2018 | 151 | 16 | 779.1 | 84 | 930.1 | 5.0 | 3.6 |
2020 | 182 | 20 | 744.0 | 80 | 926.0 | -6.0 | -1.0 |
Tableau 2. Évolution de la consommation totale d’énergie. Source : BP Statistical Review et nos estimations. Les données 1950 diffèrent légèrement de celles du tableau 2, in Énergie en Inde : la genèse de sa puissante industrie charbonnière, notamment pour des raisons de conversion en tep de la consommation électrique. Les résultats 2020 en forte baisse, coronavirus oblige, sont encore très provisoires fin 2021.
La part de la consommation de sources commerciales (charbon minéral, pétrole, gaz naturel, hydraulique, nucléaire et renouvelables intermittentes) a sauté de 54 à 80% en lien avec une croissance au rythme annuel moyen de 4,4% qui aurait pu être beaucoup plus élevé si l’utilisation de ces sources d’énergie n’avait pas bénéficié d’une forte réduction de l’intensité énergétique de l’activité économique, soit, en kilo équivalent pétrole de sources d’énergie commerciales par dollar en valeur constante de PIB (E/PIB) : 0,20 (1990) ; 0,15 (2000) ; 0,09 (2010) et 0,08 (2020). L’origine de cette baisse tient moins à l’évolution de l’approvisionnement qu’à celle des usages et surtout aux progrès des techniques d’utilisation.
Quelle part ont pris les diverses filières dans la croissance de la consommation des sources d’énergie commerciales ? Alors que dans la plupart des pays, le déclin du charbon minéral est allé de pair avec la croissance des hydrocarbures et de l’électricité primaire, la structure indienne est restée relativement stable (tableau 3).
Années | Total (Mtep) | Charbon | Pétrole | Gaz nat. | Electricité primaire | Charbon (%) | Pétrole (%) | Gaz nat. (%) | Electricité prim (%) |
1990 | 198.9 | 109.7 | 57.9 | 14.8 | 16.5 | 55 | 29 | 7 | 9 |
1995 | 258.8 | 140.3 | 75.0 | 24.6 | 18.9 | 54 | 29 | 10 | 7 |
2000 | 313.1 | 164.4 | 106.2 | 21.8 | 21.0 | 52 | 34 | 7 | 7 |
2005 | 389.8 | 211.2 | 123.1 | 29.5 | 26.0 | 53 | 32 | 8 | 7 |
2010 | 527.8 | 290.4 | 156.7 | 50.7 | 30.0 | 55 | 30 | 9 | 6 |
2015 | 672.9 | 395.3 | 197.6 | 41.1 | 38.9 | 59 | 29 | 6 | 6 |
2018 | 779.1 | 452.2 | 236.6 | 49.9 | 40.4 | 58 | 30 | 6 | 6 |
2019 | 793.7 | 453.0 | 243.7 | 51.0 | 46.0 | 57 | 31 | 6 | 6 |
2020 | 744.4 | 425.0 | 220.0 | 51.4 | 48.0 | 57 | 30 | 7 | 6 |
Tableau 3. Évolution des consommations de sources commerciales primaires. Source : BP Statistical Review. Le nucléaire, dans « électricité primaire », est comptabilisé sur la base 1 tep=4,4 TWh. Les données 2020, affectées par le Covid-19, sont encore très provisoires.
Cette stabilité n’est cependant pas synonyme de stagnation. Le bilan énergétique indien de 2021 est bien différent de celui de 1990, notamment sous l’angle du parc de production électrique (tableau 4), mais le pays a rencontré plus de difficulté que bien d’autres pour substituer pétrole et gaz naturel au charbon minéral resté l’ultime recours même à l’heure de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES).
TWh | Ther. charbon | Ther. pétrole | Ther. gaz | Hydraulique | Nucléaire | Eolien | Solaire | Biomasse | Total |
1990 | 191.6 | 13.3 | 10.0 | 66.4 | 6.4 | 0.1 | – | 0.1 | 287.8 |
1995 | 296.3 | 16.8 | 29.4 | 75.8 | 7.6 | 0.5 | – | 0.6 | 427.1 |
2000 | 390.2 | 29.2 | 56.0 | 77.0 | 15.8 | 1.6 | – | 1.7 | 571.4 |
2005 | 478.5 | 25.4 | 75.5 | 97.4 | 17.8 | 6.0 | – | 4.0 | 704.6 |
2010 | 643.0 | 10.8 | 118.0 | 108.7 | 23.1 | 19.5 | 0.1 | 14.3 | 937.5 |
2015 | 1006.6 | 9.1 | 64.8 | 133.3 | 38.3 | 32.7 | 6.6 | 25.8 | 1317.3 |
2018 | 1176.6 | 10.1 | 74.3 | 139.7 | 39.1 | 60.3 | 30.7 | 30.5 | 1561.3 |
2019 | 1184.5 | 5.1 | 67.5 | 162.0 | 45.2 | 63.3 | 50.1 | 26.0 | 1603.7 |
2020 | 1125.2 | 4.9 | 70.8 | 163.6 | 44.6 | 65.2 | 60.4 | 26.2 | 1560.9 |
Tableau 4. Évolution de la production d’électricité. Source : BP Statistical Review. Les données 2020, affectées par le Covid-19, sont encore très provisoires
D’où vient cette particularité indienne ? La géologie est-elle seule en cause ? Quel a été le rôle de l’évolution de la politique énergétique, sous l’influence notamment de la libéralisation ?
4. Une industrie pétrolière en butte à des ressources limitées
La très grande stabilité 1990-2020 de la part du pétrole dans le bilan énergétique indien (30%) ne signifie pas un manque de dynamisme des entreprises pétrolières mais reflète les difficultés à surmonter certains obstacles, tant du côté de la demande que de l’offre.
4.1. Les besoins en carburants tirent la demande
Depuis 1990, la consommation de produits pétroliers a quadruplé en Inde (tableau 5), soit un rythme annuel moyen de 5%, sensiblement inférieur aux 7% des quatre décennies précédentes (Lire : L’énergie en Inde, de Jawarlal Nehru à Indira Gandhi).Dans le prolongement des évolutions passées, les deux grands perdants ont été le kérosène en recul dans les campagnes qui s’électrifient et le fuel lourd moins prisé par les chemins de fer, la marine ou l’industrie lourde.
Plus encore qu’avant 1990, ce sont donc les carburants qui tirent la consommation de produits pétroliers. De 45%, leur part gagne encore deux points en 2018, mais désormais la croissance de la consommation d’essence (7,4%) l’emporte sur celle du diésel (4,6%). En cause, l’explosion des transports par voie terrestre, fluviale, maritime et aérienne.
Mt | 1990-91 | 2000-01 | 2010-11 | 2015-16 | 2017-18 |
Produits légers | 9.42 | 25.30 | 39.20 | 54.74 | 62.40 |
– Essence | 3.55 | 6.61 | 14.19 | 21.85 | 26.17 |
– Naphta | 3.45 | 11.67 | 10.68 | 13.27 | 12.89 |
– Autres | 2.42 | 7.02 | 14.33 | 19.62 | 23.34 |
Produits moyens | 32.75 | 52.93 | 74.54 | 88.15 | 93.07 |
– Kérosène | 8.42 | 11.32 | 8.93 | 6.83 | 3.85 |
– Diesel | 22.65 | 39.36 | 60.53 | 75.06 | 81.59 |
– Autres | 1.68 | 2.25 | 5.08 | 6.26 | 7.63 |
Produits lourds | 11.75 | 16.99 | 27.31 | 41.79 | 50.69 |
– Fuel-oils | 8.99 | 12.65 | 10.79 | 6.63 | 6.72 |
– Lubrifiants | 0.89 | 1.12 | 2.43 | 3.57 | 3.88 |
– Bitumes | 1.58 | 2.77 | 4.54 | 5.94 | 6.09 |
– Autres (dont petcoke) | 0.29 | 0.45 | 9.55 | 25.65 | 34.00 |
Total | 53.92 | 96.22 | 141.05 | 184.68 | 206.16 |
– Raffinerie et pertes | 3.83 | 10.75 | 16.37 | 18.77 | 21.15 |
Total | 57.75 | 106.97 | 157.42 | 203.45 | 227.33 |
Tableau 5. Consommation de produits pétroliers 1990-91-2017-18. Source : Ministry of Statistics. Energy Statistics 2013 et 2019. Les autres produits légers comportent le GPL. Les autres produits lourds, le petcoke.
4.2. L’expansion du raffinage…
En réponse à cette croissance de la demande, l’industrie pétrolière indienne a poursuivi le développement du raffinage qui de 1,1 million de barils/jour (Mb/j), soit 55 Mt, en 1990, a sauté à 5Mb/j, soit 250 Mt, en 2020.
Au début des années 1990, ce parc de raffinage appartenait à :
– trois entreprises intégrant raffinage, transport et distribution : Indian Oil Corporation Ltd (IOCL), Hindustan Petroleum Corporation Ltd (HPCL) et Bharat Petroleum Corporation ltd (BPCL) ;
– quatre entreprises uniquement dédiées au raffinage : Cochin Refineries Ltd (CRL), Madras Refineries Ltd (MRL), Bongaigaon Refineries and Petrochemicals Ltd (BRPL), Mangalore Refineries and Petrochemicals Ltl (MRPL), toutes détenues à au moins 51% par le gouvernement fédéral[14].
Trente ans plus tard, les trois entreprises intégrées sont toujours très présentes, notamment l’IOCL qui, avec une dizaine de raffineries, détient plus de 30% des capacités. Elles ont été rejointes, après la libéralisation de 1991, par deux joint-ventures et par trois entreprises privées, dont Reliance Industries Ltd. Cette dernière a construit l’énorme complexe de raffinage-pétrochimie de Jamnagar. Initialement concentrées dans l’Assam, berceau de l’industrie des hydrocarbures, ces raffineries sont désormais dispersées sur tout le territoire, mais particulièrement bien représentées dans le Gujarat et autour de Mumbai (tableau 6).
Statut | Nom de la raffinerie | Etat | Corporation/compagnie | Capacité (1 000 b/j) |
Secteur public | Barauni | Bihar | Indian Oil Corp. Ltd (IOCL) | 120 |
Bongaigaon | Assam | – | 47 | |
Digboi | Assam | – | 13 | |
Guwahati | Assam | – | 20 | |
Haldia | West Bengal | – | 151 | |
Koyali | Gujarat | – | 275 | |
Mathura | Uttar Pradesh | – | 161 | |
Panipat | Haryana | – | 301 | |
Paradip | Odisha | – | 301 | |
Mahul | Mumbai | Hindustan Petroleum Corp. Ltd. (HPCL) | 151 | |
Visakhapatnam | Andhra Pradesh | – | 167 | |
Mahul | Mumbai | Bharat Petroleum Corp. Ltd | 241 | |
Kochi | Kerala | – | 311 | |
Manali | Chennai | Chennai Petroleum Corp. Ltd | 211 | |
Nagapattinam | Tamil Nadu | – | 20 | |
Numaligarh | Assam | Bharat Petroleum Corp. Ltd | 60 | |
Mangalore | Karnakata | Karnataka Mangalore Refinery &Petro. | 301 | |
Tatipaka | Andhra Pradesh | Oil & Natural Gas Corp. Ltd. (ONGC) | 1 | |
Joint-Venture | Bina | Madhya Pradesh | Bharat-Oman Refinery Ltd | 157 |
Bathinda | Punjab | HPCL-Mittal Energy Ltd. | 227 | |
Secteur privé | Jamnagar | Gujarat | Reliance Industries Ltd. | 663 |
SEZ, Jamnagar | Gujarat | Reliance Industries Ltd. | 707 | |
Vadinar | Gujarat | Nyara Energy (formerly Essar Oil Ltd.) | 402 | |
Total | 5 008 |
Tableau 6. Parc de raffinage 2020 (1 000 barils/jour).Source: U.S Energy Information Administration, based on India Ministry of Petroleum and Natural Gas. Note: SEZ = special economic zone. EIA (2020) Country Analisis Executive Summary : India. L’Etat d’Odisha se dénommait Orissa jusqu’en 2011.
Certaines de ces entreprises ont aussi construit des réseaux de transport et de distribution des produits raffinés. L’IOCL détient à elle seule environ 70% de leur capacité, tandis que HPCL évacue la production de ses trois raffineries par un dense réseau de transport et distribution.
Principal résultat de ce développement de l’aval pétrolier, l’Inde est désormais exportatrice de produits pétroliers. Le restera-telle ? Au vu de la croissance de sa consommation pétrolière, certains en doutent, jugeant difficile d’augmenter les capacités de raffinage de 5 à 8 Mb/j d’ici 2025.
4.3. … mais une extraction qui ne suit pas…
Contrairement au raffinage, l’exploration et la production sont restées très éloignées des volumes qui auraient permis d’atteindre une certaine autonomie. Après leur triplement, au cours de la première moitié des années 1980 (Lire : L’énergie en Inde, de Jawarla Nehru à Indira Gandhi), les volumes extraits annuellement se sont stabilisés jusqu’au petit saut (41 Mt) de la deuxième moitié des années 2000, avant de retomber autour de 35 Mt (tableau 7).
Production totale | Offshore | Onshore | Rajasthan | Assam | Gujarat | Autres | |
2014 /15 | 37.5 | 18.9 | 18.6 | 8.8 | 4.5 | 4.7 | 0.6 |
2015/16 | 36.9 | 19.2 | 17.9 | 8.6 | 4.2 | 4.5 | 0.6 |
2016/17 | 36.0 | 18.4 | 17.6 | 8.2 | 4.2 | 4.6 | 0.6 |
2017/18 | 35.7 | 18.1 | 17.5 | 7.9 | 4.3 | 4.6 | 0.7 |
2018/19 | 34.2 | 16.9 | 17.3 | 7.7 | 4.3 | 4.6 | 0.7 |
2019/20 | 24.4 | 12.0 | 12.4 | 5.2 | 3.1 | 3.5 | 0.6 |
Tableau 7. Production de pétrole. L’année indienne se termine fin mars de l’année suivante. L’année 2019 est interrompue en décembre. Seul l’onshore est réparti géographiquement. Les autres Etats comprennent l’Andhra Pradesh, l’Arunachal Pradesh et le Tamil Nadu. Source : India Ministry of Petroleum and Natural Gas. Annual Report 2019-2020. Energizing India’s Program, 218 p.
Le brut est toujours extrait moitié-moitié sur terre et en mer, le premier provenant pour environ 70% du Rajasthan et du Gujarat (extrême nord-ouest) et le reste de l’Assam et de l’Arunachal Pradesh (extrême nord-est), du Tamil Nadu (extrême sud), de l’Andhra Pradesh (côte est). L’extraction en mer, principalement du Mumbai High (côte ouest), continue à décliner en 2020. Pourquoi des résultats aussi décevants ? Les difficultés sont en grande partie d’origine géologique. En 2020, après des décennies d’exploration, les réserves prouvées ne dépassent toujours pas les 600 Mt, dont 26% dans l’Assam où avaient été découvertes les premières ressources au 19ème siècle (Lire : L’énergie en Inde, la genèse de sa puissante industrie charbonnière), 38% en offshore occidental, 19% dans le Gujarat, 7% en offshore oriental, 6% dans le Rajasthan et 4% dans les autres États (figure 4).
La libéralisation n’a pas apporté le vent frais qui en était attendu. La contribution des investisseurs privés, le plus souvent en joint venture, n’a pas entamé la prédominance des deux grandes compagnies publiques : Oil and Natural Gas Corporation (ONGC) et Oil India Ltd (OIL). La première qui exploite le pétrole et le gaz naturel de 26 bassins sédimentaires, tout en gérant 11 000 km d’oléoducs, a lancé en 2021, un grand programme d’exploration en eau profonde, mais, de façon générale, les investissements offshore restent insuffisants parce que trop coûteux. Pour y attirer un plus grand nombre d’investisseurs privés, le gouvernement leur accorde depuis 2019 de nouvelles facilités fiscales.
4.4. …à l’origine de l’envolée des importations de brut
La conjonction d’une extraction limitée et d’un vaste parc de raffinage est à l’origine d’une quasi-disparition des importations de produits pétroliers et d’une croissance soutenue de celles de pétrole brut. De 20 Mt en 1990, ces dernières ont sauté à 74 en 2000, 164 en 2010 puis 203 en 2015 et 227 en 2020, soit une croissance annuelle moyenne supérieure à 8%.
Ces importations proviennent très majoritairement du Moyen Orient qui a fourni plus de 60% des volumes importés en 2020. En tête, l’Arabie Saoudite et l’Irak, au détriment de l’Iran en recul depuis l’imposition de sanctions, du Venezuela et du Nigéria jugés plus risqués. Si la situation internationale le permettait, l’Inde souhaiterait redonner leur place aux importations iraniennes, accompagnées d’une diversification en direction des États-Unis, du Canada ou du Brésil.
En outre, pour parer à l’insécurité restante, l’Inde a construit une Strategic Petroleum Reserve (SPR) qui, fin 2018, comportait trois stockages à Visakhapatnam, Mangalore et Padur, contenant 39 millions de barils (Mb), soit 10 jours de consommation. A cette date, la construction d’une nouvelle réserve de 48 Mb a été décidée. En l’état des connaissances au début de la décennie 2020, tout porte à croire que l’Inde va rester un gros importateur de brut.
5. Le double handicap de l’industrie gazière
Le gaz naturel n’est entré de façon significative dans le bilan énergétique indien qu’au cours des années 1980 car sa disponibilité avait été doublement limitée jusque là,
– par une extraction en petite quantité sous forme de gaz associé au pétrole de l’Assam, impossible à transporter sur très longue distance, donc partiellement brûlé en torchères ;
– par l’échec de tous les projets d’importation à l’aide de gazoducs contraints de traverser des pays hostiles comme le Pakistan.
Le cours des choses s’infléchit avec la mise en exploitation, courant 1974, du gisement offshore Mumbai High découvert par l’ONGC. De 2,6 Gm3 en 1980 (Lire : L’énergie en Inde, de Jawarla Nehru à Indira Gandhi), la production nette saute à 12,77 en 1990 puis atteint 25,4 en 2000 et 46,0 en 2010, veille de son point culminant (tableau 8). Au cours de ces trente années, le brûlage en torchères a quasiment disparu, parallèlement à une production brute qui a doublé pendant les années 2000 avant de décroître et de se stabiliser à partir de 2013/14.
Gm3 | Production brute | Réinjection | Torchères | Production nette |
1990/91 | 18.00 | 0.10 | 5.13 | 12.77 |
2010/11 | 52.22 | 5.21 | 0.97 | 46.04 |
2015/16 | 32.25 | 5.95 | 1.01 | 25.29 |
2018/19 | 32.65 | 6.11 | 0.73 | 25.81 |
2019/20 | 31.18 | 6.12 | 0.86 | 24.20 |
Tableau 8. Production de gaz naturel. Source : Energy Statistics India 2021. Pdf. Note : les productions nettes ci-dessus sont supérieures d’environ 10% à celles du BP Statistical Review.
D’où vient le saut de production des années 2000? De la mise en exploitation de nouveaux champs, notamment du Mumbai High, et du développement d’un réseau conséquent de gazoducs. Outre les investissements de quelques entreprises dans l’Assam et le Gujarat, trois acteurs ont joué un rôle central dans cette percée du gaz naturel.
5.1. Les espoirs déçus de l’extraction
Transformée d’entité administrative à la soviétique en entreprise publique, l’ONGC a redoublé d’efforts dans le delta du Krishna-Godavari (Andhra Pradesh) et sur la côte du Probandar (Gujarat).
Gas Authority of India Ltd (GAIL), créée en 1984, avec, en dotation, le monopole du transport gazier, a formé un consortium avec Gazprom pour explorer l’offshore du Bengale, tout en contrôlant de nombreux gazoducs dans le nord-ouest du pays dont deux gazoducs majeurs, Hazira-Vijaipur-Jagadishpur (HVJ) qui relie le Gujarat à Delhi, et Dahej-Vijaipur. En inaugurant en 2013 le gazoduc Dabhol-Bangalore, GAIL projette l’intégration de l’Inde du sud à son réseau.
Reliance Gas Transportation Infrastructure Ltd (RGTIL), filiale du groupe Reliance (RIL) s’est appuyée sur les compétences de la canadienne Niko Resources et a mis en service en 2009 le gazoduc est-ouest qui relie le champ gazier de la Krishna-Godavari au réseau de GAIL et aux centres de consommation du nord et de l’ouest.
La plupart de ces développements ont été favorisés par la libéralisation des années 1990. Dans le cadre de la New Exploration Licensing Policy (NELP) de 1998, l’adjudication de 235 blocs débouche sur la découverte de 87 gisements de pétrole et de gaz, dont, en 2004, celui du Rajasthan, le plus important depuis 1985. Il était temps car, entre les années fiscales 2006-7 et 2010-11, la production onshore était repassée au dessous de la barre de 9 Gm3. Le changement est venu de l’offshore qui, après plusieurs années de stabilité autour de 24 Gm3, a fourni 39 Gm3 en 2010-11, grâce à la mise en exploitation des découvertes de RIL dans le bassin de Krishna Godavari[15].
La réforme du système des prix de mai 2010 et la concurrence public-privé ont fait bouger en profondeur l’industrie gazière indienne. L’ONGC qui, jusque là, avait la haute main sur l’exploration pétrolière et gazière, a multiplié ses partenariats, de la Gujarat State Petroleum Corp. (GSPC) devenue la principale compagnie indienne d’exploration, aux multinationales telles qu’ExxonMobil, ENI, BHP-Billiton ou BP. Ce faisant, elle a acquis 30% des actifs de la RIL dont les blocs D6 du bassin Krishna Godavari et D4 du bassin KG.
Ces efforts n’ont cependant pas porté tous les fruits attendus puisque la production nette a régressé depuis 2011 et retrouvé en 2020 un niveau comparable à celui de 2000, pour des raisons tenant principalement à la pauvreté des ressources en terre. En 2020, les réserves prouvées sont estimées à 1 372 Gm3, dont 41% en offshore oriental, 24% en offshore occidental, le reste, y compris le coal bed methane (CBM), réparti entre l’Assam, le Gujarat, le Rajasthan, le Tamul et le Trima.
5.2. Des importations gazières entravées politiquement
L’écart production-consommation, apparu au milieu des années 2000 n’a donc cessé de s’élargir et n’a pu être comblé que par l’importation qui est passée de 12,93 Gm3 en 2010, à 21,93 en 2015/16 et 33,89 en 2020, soit une croissance annuelle moyenne de 10%, représentant environ la moitié de la consommation annuelle de gaz.
L’espoir d’un approvisionnement extérieur par gazoduc a, une nouvelle fois, dû être abandonné lors de l’interruption en 2009 de la participation indienne au Peace Pipeline conçu au cours des années 1990 en vue d’alimenter les marchés pakistanais et indiens en gaz iranien. Outre son refus d’un prix qui, après droit de transit payé au Pakistan, aurait atteint 7 $/Mbtu rendu frontière, l’Inde n’a plus voulu d’un gazoduc traversant un pays accusé de l’attaque de Mumbai en novembre 2008. Ne subsiste donc, en 2020, que le projet très incertain du Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde (Trans-Afghan Pipeline – TAPI), de 1 700 km depuis les champs de Dauletabad qui devrait livrer 90 Mm3/jour.
Reste le gaz naturel liquéfié (GNL). Bien que très coûteux, entre 10 et 20 $/Mbtu, les volumes importés sont passés de 2,8 Gm3en 2004 à 11,5 en 2010, puis 20,0 en 2015 et 32,9 en 2019, soit 55% de la consommation totale. Environ la moitié provient du Qatar, le reste d’Australie, d’Angola, d’Algérie, du Nigéria et d’ailleurs, sous la responsabilité de Petronet, co-entreprise entre GAIL, ONCG, IOC et plusieurs firmes étrangères.
Sans bouleversement politique susceptible d’ouvrir à nouveau la voie des gazoducs, l’Inde va donc continuer à construire des capacités de regazéification, en portant de 6 à 14 le nombre de ses terminaux au cours des années 2020. Elle cherchera sans doute aussi à passer des contrats de long terme avec des fournisseurs australiens ou russes (Gazprom), sur le modèle de celui signé avec la compagnie qatarie RasGas.
Cette perspective pourrait-elle être modifiée par l’émergence des gaz non conventionnels ? La production de coal bed methane(CBM) a débuté en 2007 sur la base de ressources estimées à 4 600 Gm3, principalement localisées dans le nord, l’est et l’ouest. Les compagnies les plus actives, ONGC, RIL, GAIL, Essar Oil et Arrow Energy, se partagent 26 blocs sur 13 600 km2. Le gaz qu’elles extraient est généralement commercialisé sous forme de gaz naturel compressé (CNG) mais RIL envisage de le brûler dans ses centrales thermiques.
L’exploitation des gaz de schistes est encore moins avancée. En 2011, ONGC envisageait de lancer un projet pilote, parallèlement au très gros investissement de 1,7 milliard $(G$) que RIL avait effectué en avril 2010 en vue d’acquérir la technologie utilisée dans l’exploitation de Marcellus aux États-Unis.
Même réussies, ces nouvelles productions rencontreront le problème de l’extension du réseau national de gazoducs. Début 2020, 16 788 km sont en service et 12 672 en cours de développement. D’autres opérateurs gèrent des gazoducs locaux dans l’Assam et le Gujarat, mais l’insuffisante interconnexion constitue un facteur majeur de limitation du développement gazier.
6. Le nouvel élan de l’industrie électrique
En réponse à la croissance des besoins en électricité, la capacité de production de l’industrie électrique indienne a été multipliée par 6,0 au cours de la période (tableau 9). Elle s’appuie sur les State Electricity Boards (SEB), chargés de coordonner production, transmission et distribution dans chaque État. Ces dernières sont alimentées par la National Thermal Power Corporation (NTPC), la National Hydroelectric Power Corporation, la Nuclear Power Corporation et quelques autres grandes compagnies, publiques et privées, en tête des diverses filières électriques.
MWe | Charbon | Gaz | Diésel | Nucléaire | Hydro | Eolien | Solaire | Autres | Total |
1990 | 41 236 | 2 343 | 165 | 1 565 | 18 307 | 100 | 63 716 | ||
1997 | 54 154 | 6 562 | 294 | 2 225 | 21 658 | 1 300 | 86199 | ||
2002 | 62 131 | 11 163 | 1 135 | 2 720 | 26 269 | 1 900 | 6 | 122 478 | |
2007 | 71 121 | 13 692 | 1 202 | 3 900 | 34 654 | 8 800 | 10 | 133 379 | |
2012 | 112 022 | 18 381 | 1 200 | 4 780 | 38 990 | 19 100 | 566 | 4 223 | 199 712 |
2015 | 169 118 | 23 062 | 1 200 | 5 780 | 41 267 | 26 800 | 3 518 | 5 000 | 275 745 |
2016 | 185 172 | 24 509 | 994 | 5 780 | 42 782 | 32 300 | 5 396 | 6 000 | 302 933 |
2017 | 192 163 | 25 329 | 838 | 6 780 | 44 478 | 34 100 | 9 647 | 7 000 | 320 335 |
2018 | 197 172 | 24 897 | 838 | 6 780 | 45 293 | 35 300 | 17 873 | 8 000 | 331 153 |
2019 | 200 705 | 24 937 | 638 | 6 780 | 45 399 | 35 600 | 28 200 | 9 700 | 351 959 |
2020 | 205 136 | 24 955 | 510 | 6 780 | 45 699 | 37 700 | 34 600 | 9 700 | 365 080 |
2021 | 209 294 | 24 924 | 510 | 6 780 | 46 209 | 39 947 | 40 085 | 15 100 | 382 849 |
Tableau 9. Évolution du parc de production électrique. Les données sont mesurées le 31.03 de l’année suivante. La rubrique « Autres » recouvre les capacités de production en petite hydraulique, biomasse dont bagasse et déchets. Source : Ministry of New and Renewable Energy. Annual Report. Elles sont extrapolées entre 2012 et 2019. Ces données sont imprécises car les statistiques du ministère se limitent dans certains cas aux capacités installées par les utilities hors celles des auto-producteurs.
Le système est encore à dominante thermoélectrique charbon en 2021 (54%), mais depuis le début du 21ème siècle, la part des filières non carbonée n’a cessé de croître jusqu’à 35-40%. Désormais, la part de l’éolien comme celle du solaire se rapproche de celle de l’hydraulique quasiment stabilisée autour de 13% si l’on ajoute la petite à la grande. A terme, si le Plan Modi était réalisé, les 150 GW non carbonés de 2021 devraient atteindre 175 en 2022 puis 450 GW en 2030, mais toutes les filières ne contribueront pas également à cette croissance.
6.1. Une thermoélectricité-charbon toujours dominante
Au début des années 1990, le retard d’investissement pris par l’industrie est à l’origine des multiples coupures d’électricité qui paralysent l’activité économique, de quelques heures à quelques jours, même à Delhi. En cause, d’insuffisantes capacités de production, mais aussi des réseaux mal entretenus, des pertes estimées à 58% de la fourniture de certains State Electricity Boards et de fréquents vols de courant[16].
Alors que 18 GWe devaient être construits au cours du 10ème Plan (2002-2006), 6 seulement avaient été mis en route en avril 2006, 9 autres devant l’être avant la fin de l’année. Le 11ème Plan (2007-2011) est donc d’emblée plus ambitieux : pour disposer de 200 GWe à son achèvement, l’industrie électrique doit en construire 70. La NTPC et les anciens State Electricity Boards restent évidemment en ligne, mais les entreprises privées doivent apporter la plus grande partie de la puissance supplémentaire. Depuis l’Electricity Act de 2003, qui donne libre accès au réseau et reconnaît le trading comme une activité à part entière, les firmes en place ont les coudées plus franches. La Bombay Sburban Electric Corporation, désormais intégrée au Groupe Reliance, a été scindée en trois entreprises plus efficaces, notamment sous l’angle de la réduction des taux d’impayés. La Tata Power, le Gujarat Electricity Board, la Maha Genco et bien d’autres projettent la construction de plusieurs GWe en centrales minières et portuaires.
Mais le Gouvernement compte aussi sur des Independant Power Producers (IPPs), plus séduits par le nouveau contexte institutionnel que par celui de la fin des années 1990. Ils ont notamment été appelés à la réalisation de l’Ultra Mega Power Project qui comporte la construction de 5×4 GWe, dont 2×4 sur charbon importé, entre 2008 et 2012. Pour faciliter la tâche des investisseurs privés, l’Agence publique PFC a mis en place une filiale sur chaque site, chargée de toutes les formalités administratives, y compris l’achat des terrains. De très nombreuses firmes, indiennes et étrangères (Chine, Japon, Corée, France, Allemagne) ont répondu aux premiers appels d’offre relatifs aux projets de Mundra (Gujarat) et de Sasan (Madhya Pradesh). Tous n’ont cependant pas été suivis d’effets dans un contexte institutionnel loin d’être stabilisé[17].
Résultat de ces investissements, le thermique charbon apporte toujours plus de 70% des nouvelles capacités de production, soit une trajectoire éloignée de celle qui devrait tendre vers 50% de thermique charbon à l’horizon 2024 en vue de satisfaire une consommation d’électricité multipliée par 2,9 (base 2005). Passer de l’une à l’autre trajectoire suppose une sensible réduction de l’intensité énergétique (sources commerciales) du PIB, un changement profond des conditions d’accès au gaz naturel dont les fournitures devraient être multipliées par 7,7 en moins de 30 ans et un essor des sources d’énergie non carbonées.
Cette transformation du parc électrique a été handicapée par la faible efficacité de la consommation de charbon dans l’industrie électrique indienne (en moyenne 680 gr/kWh contre 340 au Japon) imputable à la mauvaise qualité des combustibles et à une gestion défectueuse du parc de centrales
(facteur de charge de 66% en moyenne contre 85-90% dans les pays industriellement avancés, entre autres). A quoi s’ajoute, mais ceci vaut pour toute la consommation d’électricité, un taux de perte anormalement élevé des réseaux de transport et de distribution.
En revanche, elle a été soutenue par un essor plus rapide que prévu des sources non carbonées[18], hydraulique, nucléaire, éolien et solaire.
6.2. La poursuite du développement hydroélectrique
Avec les centrales de Darjeeling (1898) et Shimsha (1902), l’Inde fait partie des pays pionniers de l’hydroélectricité. Depuis, elle a équipé environ un tiers de son potentiel estimé à 150 GW (hors pompage) réparti principalement entre les Etats d’Arunachal Pradesh (50), Uttarakhand (18), Himachal Pradesh (19) et Jammu-et-Cachemire (14). Cette expansion a été particulièrement soutenue entre le début des années 1990 et le milieu des années 2021, le parc de production en grande hydroélectricité passant de 18 à 46 GW, soit un rythme annuel moyen de 3%. Une dizaine d’aménagements dépassent le GW, parmi lesquels le Bas Subansiri, le Koyna, le Srisailam ou le Nathpa Jhaki. A quoi s’ajoutent environ 5 GW de petite hydraulique, soit des aménagements inférieurs à 25 MW.
Ces développements n’ont cependant pas empêché la réduction de la part de la grande hydroélectricité dans les capacités installées électriques totales de 29 à 12% pour des raisons qui tiennent à un potentiel principalement localisé dans les régions sub-himalayennes, aux conditions climatiques et géologiques difficiles qui augmentent le coût déjà lourd de l’investissement initial, lequel pèse sur les choix des investisseurs.
La filière devrait cependant continuer à se développer d’au moins 20 GW à horizon 2027, sur la base d’un potentiel restant évalué à environ 100 GW, hors pompage-turbinage, et dans la perspective d’un parc électrique décarboné à 50% D’ores et déjà, une quinzaine de GW sont en construction par les National Hydroelectric Power Projects Ltd (NHPPL) et l’Himachal Pradesh Power Corporation Ltd (HPPCL) cette dernière engagée dans l’aménagement du fleuve Changu. Les constructions sur la Narmada, 5ème fleuve indien, sous la forme d’une centaine de petites unités et d’un grand barrage de 150m de haut pour une puissance totale de 3 GW, ont provoqué une vive controverse de par leurs impacts sociaux, dont religieux, et environnementaux[19]. Plus généralement, les projets indiens suscitent l’ire des pays voisins, de l’est et de l’ouest. Les aménagements sur le Brahmapoutre et sur le Gange sont dénoncés par le Bangladesh. Ceux sur l’Indus et ses affluents qui traversent le Cachemire avant d’irriguer la plaine du Pendjab soulèvent l’hostilité du Pakistan au point de nourrir les menaces terroristes de djihadistes sur le thème « l’eau ou le sang ». A ce jour, le conflit a été évité grâce au traité de l’Indus signé en 1960 sous les auspices de la Banque mondiale[20].
6.3. Consolidation de la filière nucléaire
Avec ses deux réacteurs à eau bouillante (BWR) de Tarapur, mis en service en 1963, l’Inde, comme pour l’hydraulique, a aussi été un pays pionnier du nucléaire dans le monde en développement[21].
Cette précocité a une histoire remontant à l’initiative du physicien Homi Bhabha qui, en 1947, avait convaincu Jawaharlal Nehru d’investir dans le développement de l’énergie nucléaire par l’édiction, l’année suivante, de l’Atomic Energy Act et la création de l’Indian Atomic Energy Commission[22]. Dans ce sillage, le Bhabha Atomic Research Center (BARC) lance en 1954 la construction d’un réacteur en collaboration avec le Canada qui transfère à l’Inde les plans de son réacteur expérimental de Chalk River et des États-Unis qui acceptent de fournir de l’eau lourde sous les auspices d’Atoms for Peace (Lire : La non-prolifération des armes nucléaires). En juillet 1960, le Canada India Reactor Utility Services (CIRUS) entre en service (Lire : Les réacteurs de recherche).Parallèlement, dans le cadre du 123 Agreement (section du US Atomic Energy Act établissant les règles de coopération internationale) entre l’Inde, les Etats-Unis et l’International Atomic Energy Agency (IAEA), General Electric et Bechtel construisent les deux BWR (210 MW chacun, initialement) de Tarapur.
Cette première étape du programme nucléaire indien va cependant s’interrompre, suite au « smiling Buddha », premier essai d’explosion nucléaire dans le désert du Thar le 18 mai 1974, rendu possible par le plutonium qu’avait fourni le CIRUS. Le passage du nucléaire civil au nucléaire militaire s’inscrivait dans un contexte de vives tensions entre l’Inde et ses voisins : guerre sino-indienne de fin 1962, explosion de la première bombe nucléaire chinoise en octobre 1964, guerre avec le Pakistan en 1971. Après la mort accidentelle d’Homi Bhabha en 1966, Raja Ramanna qui lui succède, n’hésite plus, sous l’autorité d’Indira Gandhi, premier ministre, à pousser la mise au point d’une bombe, en refusant en 1968 de signer le Traité de Non-Prolifération (TNP) et en signant un traité de coopération avec l’Union Soviétique, suite au refus de coopération des États-Unis.
Désormais frappée d’embargo, l’Inde est « théoriquement » interdite de tout commerce de matière nucléaire, civile ou militaire. Elle opte donc en faveur d’une technologie nationale capable de fonctionner en autonomie. Au début des années 2000, elle affiche sa volonté d’indépendance à l’égard des pays occidentaux ainsi que des perspectives à très long terme très amitieuses passant d’un programme de réacteurs à eau lourde (PHWR), à des surgénérateurs (breeders), puis à des réacteurs alimentés en thorium très abondant dans le sous-sol indien.
Depuis, l’Inde a construit de nombreux PHWR, mais elle a aussi repris le chemin de la coopération internationale, ce, après que le club des 45 pays fournisseurs de matières nucléaires (Nuclear Suppliers Group – NSG) ait décidé, en septembre 2008, d’autoriser la fourniture à l’Inde de technologies et de combustibles nucléaires à usage civil[23].
Entre temps, la National Power Corporation of India Ltd (NPCIL), opérateur de la quasi-totalité du parc nucléaire, a négocié un accord avec Rosatom portant initialement sur la construction de quatre réacteurs qui sont devenus 17, dont la moitié avant 2017, selon une nouvelle annonce, le 21 décembre 2010. Sur ce total, deux devraient être construits dans l’État du Tamil Nadu. D’autres accords ont suivi en 2008 : ceux avec les États-Unis donnent à l’Inde un accès à la technologie nucléaire américaine en contrepartie d’un droit d’inspection de l’Agence Internationale pour l’Énergie Atomique (AIEA) dans ses sites nucléaires civils ; ceux avec la France devraient déboucher sur la construction de deux à six EPR sur le site de Jaitapur dans le Maharastra à 400 km au sud de Mumbai[24] .
Au total, d’environ 600 MW au cours des années 1970, la capacité électronucléaire indienne a atteint 1 316 MW en 1990, puis s’est accrue jusqu’aux 7 480 de 2020, soit 22 réacteurs sur sept sites (tableau 10 et figure 1). Tous sont construits et mis en service par la NPCIL sauf les PFWR (breeders) qui le sont par une autre entreprise publique, la Bharatiya Nabhikiya Vidyut Nigam Limited (BHAVINI).
Site | Etat | Capacité (MW) | Descriptif |
Tarapur | Maharashtra | 1 400 | 2×160 BHWR (1969) + 2×540 (PHWR) |
Rawatbhata | Rajasthan | 1 180 | 6x PHWR +Candu canadien de 1973 |
Kalpakkam (Madras) | Tamil Nadu | 440 | 2×220 PFBR en 1984 |
Narora | Uttar Pradesh | 440 | 2×220 PHWR en 1991 et 1992 |
Kakrapar | Gujarat | 1 140 | 2×700 PHWR en 1993 et 1995 |
Kudankulam | Tamil Nadu | 2 000 | 2xVVER russe en 2002 |
Kaiga | Karnakata | 880 | 4×220 PHWR en 1999, 2000, 2007 et 2011 |
Tableau 10. Parc de production électronucléaire indien en 2020. Source : Nuclear Power in India. January 2021. https://world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-g-n/india.aspx. Toute la puissance construite peut ne pas être en activité, d’où un volume supérieur aux 6 780 MW comptabilisés pour 2021.
L’ajout des 33 000 MW projetés aux 6 000 MW en construction, débouche sur un parc de plus 40 GW entre 2030 et 2040 (tableaux 11 et 12, figure 5 et 6). Si tous les projets se réalisent, le parc nucléaire indien sera très diversifié : les PFWR devenus IPWR (Indian Pressurized Water Reactor) seront concurrencés par les nouveaux VVER russes, les EPR français, les AP 1000 de Westinghouse, l’IFBR de la BHAVINI et le AHWR, prototype du réacteur au thorium.
Site | Etat | Capacité (MW) | Descriptif |
Kalpakkam (Madras) | Tamil Nadu | 500 | 1×500 PFWR |
Kakrapar | Gujarat | 700 | Unit 4 IPWR 700 |
Gorakhpur | Haryana | 1 400 | 2×700 IPWR |
Rawatbhata | Rajasthan | 1 400 | Unit 7 et 8 IPWR 700 |
Kudankulam | Tamil Nadu | 2 000 | 2×1000 VVER |
Tableau 11. Parc de production électronucléaire indien en construction. Source : Nuclear Power in India. January 2021. https://world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-g-n/india.aspx
Filière | Capacité (MW) | Sites |
IPWR 700 | 8 400 | 1 400 à Kaiga (Karnakata), 2 800 à Gorakhpur (Haryana), 2 800 à Mahi Banswara (Rajasthan), 1 400 à Chutka (Maddya Pradesh) |
VVER | 8 000 | 6 000 à Kavali (Andra Pradesh), 2 000 à Kudankulam, unit 5 et 6 (Tamil Nadu) |
EPR | 9 900 | Jaitapur (Maharashtra) |
AP 1000 | 6 600 | Kovvada (Andra Pradesh) |
IIFBR | 1 200 | Madras (Tamil Nadu) |
AHWR (thorium) | 300 | Tarapur (Maharashtra) |
Tableau 12. Parc de production électronucléaire indien en projet. Source : Nuclear Power in India. January 2021. https://world-nuclear.org/information-library/country-profiles/countries-g-n/india.aspx
Quelle que soit leur localisation, ces projets continueront à soulever des contestations. Depuis le milieu des années 2010, une mine d’uranium de l’Andhra Pradesh ne peut toujours pas être ouverte. Les sites prévus d’installation de centrales d’Haripur (Bengale occidental), Gorakhpur (Haryana), Mithivirdi (Gujarat), Madban (Maharashtra) mobilisent toujours des opposants. En 2011, le plus visé était celui de Jaitapur qui, selon certains géologues, serait situé à moins de 110 km de l’épicentre du séisme Koyna survenu il y a près de 40 ans. Un séisme d’au moins 6 sur l’échelle de Richter pourrait donc frapper à nouveau la région[25].
6.4. Percée de l’éolien
La contribution de l’éolien à la production totale d’électricité a sauté de 0,1% en 1995 à 2,0% en 2010 4,1% en 2019 et 10,4% en 2021.
Avec une capacité installée en éoliennes de 12 965 MW en 2010, l’Inde était le 5ème pays au monde dans cette filière. Les premières éoliennes étaient, pour la plupart, de petite taille (50 mètres)[26] avant que l’on opte progressivement pour des machines plus puissantes, plus hautes (120 mètres) et raccordées au réseau. Depuis, leur capacité totale a été multipliée par presque trois, répartie inégalement sur tout le territoire avec des concentrations dans le Tamil Nadu (24%), le Gujarat (18%), le Maharashtra (13%), le Karnataka (13%), le Rajasthan (12%), l’Andra Pradesh (11%) et les autres États (9%). Leur construction presque exclusivement en onshore devrait être, sous peu, étendue vers l’offshore au large de côtes du Tamil Nadu et du Gujarat, notamment pour que soit rejointe la trajectoire du dernier Plan éolien tablant sur une puissance de 60 GWe en 2022 (tableau 13).
Au-delà, sur les 7500 kilomètres de côtes fortement exposées au vent, le potentiel total encore exploitable indien est estimé à 70 GW. Outre une contribution non négligeable à la production centralisée d’électricité, cette source d’énergie présente également un intérêt pour les 45% des foyers indiens qui ne sont pas reliés au réseau électrique ; des villages isolés peuvent ainsi être alimentés, moyennant quelques aménagements, par des machines de plus petite taille. Conscient de ce potentiel, le gouvernement indien l’encourage fortement, avec des crédits d’impôt de 80% pour tout investissement dans ce domaine, et une obligation, pour chaque État, d’acheter 5% d’électricité d’origine renouvelable. Ce développement est aussi soutenu par de grands groupes comme Suzlon Energy (fabricant de turbines éoliennes), capables de rivaliser avec les acteurs européens comme Vestas.
Années | Capacité (MW) | Production (TWh) | Années | Capacité (MW) | Production (TWh) |
1995 | 940 | 0.5 | 2010 | 13 184 | 19.7 |
2000 | 1 267 | 1.7 | 2011 | 16 179 | 24.5 |
2001 | 1 456 | 2012 | 17 300 | 30.1 | |
2002 | 1 702 | 2013 | 18 420 | 33.2 | |
2003 | 2 125 | 2014 | 22 465 | 37.3 | |
2004 | 3 000 | 2015 | 25 088 | 41.7 | |
2005 | 4 434 | 6.2 | 2016 | 28 700 | 44.9 |
2006 | 6 315 | 9.7 | 2017 | 32 849 | 51.0 |
2007 | 7 845 | 11.8 | 2018 | 35 300 | 60.0 |
2008 | 10 243 | 13.9 | 2019 | 35 600 | 63.0 |
2009 | 10 925 | 18.8 | 2020 | 37 700 | 65.2 |
Tableau 13. Eolien : capacité de production et production d’électricité. Source : BP. Statistical Review. La capacité notée 1995 est en fait celle de 1997.
6.5. Espoirs du solaire
Après l’éolien, l’Inde s’est orientée timidement vers le solaire au tournant du 21ème siècle en s’appuyant sur de petites centrales thermiques et des installations photovoltaïques[27]. L’important potentiel de cette source, estimé de 4 à 7 kWh/m2 exploitable de 1 500 à 2 000 heures/an, est en grande partie concentré dans les États du Gujarat et du Rajasthan ainsi que sur le plateau du Deccan et au Cachemire.
Sa mise en exploitation s’est effectuée en deux étapes (tableau 14). Jusqu’en 2010, elle l’a été à un rythme modéré, atteignant une capacité de 3,9 GW et une production de 113 TWh, en appui sur de petites centrales villageoises en solaire thermique bénéficiant d’un système de subvention de 1 500 Rs/m2 pour le chauffage de l’eau, 1 250 pour les cuisinières solaires ordinaires et 2 000 pour celles avec concentrateur, toutes subventions critiquées pour leur faible efficacité.
Après le Jawaharla Nehru National Solar Mission de 2008, les taux de croissance, beaucoup plus élevés (capacité de production multipliée par 900 entre 2010 et 2020 !), proviennent en grande partie de la construction de très grandes centrales, notamment dans le Gujarat, et de la baisse des coûts du PV jusqu’à 3 roupies ou 0,05 $/kWh. Désormais, les autorités préfèrent une incitation par garantie de prix de rachat (feed-in-tariff – FiT) telle celle de 15 Rs/kWh pendant 25 ans qui est appliquée aux investissements en solaire PV à compter du 31/03/2011. Elle complète le financement public à hauteur de 90% des installations solaires « villages » qui ne le sont pas et de 100% pour les ménages au dessous du seuil de pauvreté (Below poverty line-Bpl). Cette impulsion devrait être encore renforcée avec la mise en place du National Solar Mission (NSM) qui s’est fixé l’objectif d’1 GW de solaire PV et CSP entre 2009 et 2013 puis de 20 GW en 2022. Séduite par la perspective de ce développement, l’industrie indienne a commencé à se renforcer au point que certains de ses groupes exportent déjà du matériel vers des pays où le marché est plus développé comme l’Allemagne ou le Portugal, alors même que l’Inde continue à importer de Chine la plus grande partie de ses panneaux photovoltaïques.
Années | Capacité (MW) | Production (TWh) | Années | Capacité (MW) | Production (TWh) |
1995 | 2010 | 39 | 113 | ||
2000 | 2011 | 65 | 863 | ||
2001 | 1 | 2012 | 566 | 2 290 | |
2002 | 6 | 2013 | 926 | 4 139 | |
2003 | 7 | 2014 | 1 336 | 5 852 | |
2004 | 8 | 2015 | 3 518 | 10 478 | |
2005 | 8 | 2016 | 5 396 | 14 130 | |
2006 | 12 | 2017 | 9 647 | 26 035 | |
2007 | 10 | 2018 | 17 873 | 39 728 | |
2008 | 25 | 63 | 2019 | 28 200 | 46 300 |
2009 | 28 | 75 | 2020 | 34 600 | 60 400 |
Tableau 14. Solaire PV : capacité de production et production d’électricité. Source : BP. Statistical Review corrigé.
Dans une perspective de 450 GW de capacité renouvelable en 2030, l’énergie solaire est appelée à atteindre une puissance de 100 GW répartie entre des installations en toitures (40%), de grandes ou très grandes centrales (60%) comme celle inaugurée dans le Gujarat en 2020 ou celle de Badha dans le Rajasthan « État-désert » qui réunit 10 millions de panneaux photovoltaïques. Une partie de ces capacités formera des villes solaires et des parcs solaires[28].
7. Une industrie charbonnière toujours essentielle mais à la peine
Aussi considérables qu’ils l’aient été, les efforts pour infléchir la demande énergétique vers d’autres sources d’énergie commerciales que le charbon minéral sont restés vains : entre 1990 et 2020, la part de ce dernier a continué d’augmenter, grimpant de 55 à 57%, après un passage par 59% en 2015, associée à une pointe de 76% dans la production d’électricité (tableaux 3 et 4). Qui plus est, cette demande a été de plus en plus difficile à satisfaire par une industrie que ni sa réorganisation depuis sa nationalisation, puis ses tentatives de libéralisation, ne sont parvenues à développer suffisamment (figure 7).
Quelle a été l’évolution de l’industrie charbonnière au cours des 30 dernières années ? Quels ont été les obstacles qu’en 2020 elle n’est toujours pas parvenue à surmonter ?
7.1. Une croissance soutenue de la production nationale
Les 214.1 Mt extraits en 1990 (Lire : L’énergie en Inde, de Jawarlal Nehru à Indira Gandhi) ont été multipliées par 3,6 en 2020, soit un rythme annuel de croissance supérieur à 4% (tableau 15).
Production totale (Mt) | dont lignite (Mt) | dont cokéfiable (Mt) | |
1990 | 214.1 | 14.1 | 44.8 |
1995 | 273.4 | 22.2 | 39.9 |
2000 | 313.7 | 24.3 | 30.9 |
2005 | 407.0 | 30.2 | 31.5 |
2010 | 532.7 | 37.7 | 49.6 |
2015 | 639.2 | 43.8 | 60.9 |
2018 | 728.7 | 44.3 | 41.1 |
2020 | 730.9 | 42.1 | 52.9 |
Tableau 15. Evolution de la production charbonnière. Source. Ministry of Statistics and Programme Implementation (2012). Ministry of Coal (2021). http://coal.nic.in/major-statistics/production-and-supplies.
Cette augmentation de production a été rendue possible par l’abondance des ressources charbonnières (tableau 16). Leur volume estimé en 2017 à 315 milliards de tonnes (Gt), est réparti entre une quinzaine d’États, principalement localisés près de la côte orientale : Jarkhand détaché en 2000 du Bihar (86 Gt), Odisha (85 Gt), Chhattisgarh détaché en 2000 du Madhya Pradesh (70 Gt), West Bengale (33 Gt), Madhya Pradesh (30 Gt), entre autres[29]. Environ 90% d’entre elles sont constituées de minerai non cokéfiable dont environ la moitié est prouvée.
Gt | Prouvées | Indiquées | Inférées | Total |
Prime coking | 4.6 | 0.7 | 0.0 | 5.3 |
Medium coking | 13.5 | 12.1 | 1.9 | 27.5 |
Semi coking | 0.5 | 1.0 | 0.2 | 1.7 |
Non coking (steam) | 124.4 | 125.5 | 30.7 | 280.6 |
Total | 143.1 | 139.3 | 32.8 | 315.1 |
Tableau 16. Réserves indiennes de charbon minéral. Source : Vishwanathan Saritha S. and others (2018). Coal transition in India, IDDRI, 51 p (p. 10).
La croissance résulte aussi du déplacement de l’extraction vers les bassins miniers les plus riches (tableau 17), puis, au sein de chacun, vers les mines les plus productives, parce que de très grande taille, exploitables à ciel ouvert. Quasiment nulle en 1946, cette méthode d’extraction atteint 28% de la production en 1973, puis 67% en 1990 et 87% en 2020. Initialement de 150 mètres, la profondeur moyenne a évolué vers 300 mètres, soit vers des minerais de meilleure qualité.
Parmi les nouveaux sites, des exploitations de plusieurs dizaines de millions de tonnes/an, telles que Jharia, West Bokaro ou Joyanti dans le Jharkhand, Ramigang, Dalingkot (Darjeeling) et Birbhum dans le West Bengal, Korba, Gevra et Kusmunda dans le Chhattisgarth, Bhubanes, Dipka ou Lakhanpur dans l’Odisha. Le coût du charbon à la tête du puits y est fréquemment de 2 à 3 fois inférieur à celui des autres puits. L’ouverture de ces nouvelles mines résulte de mises aux enchères par les pouvoirs publics de blocs.
Mt/an | 2011 | 2015 | 2020 | 2021 | Tcam 2011/21 |
Uttar Pradesh | 15.5 | 18.0 | 17.0 | 0.9 | |
West Bengal | 21.7 | 33.6 | 34.6 | 4.8 | |
Andhra Pradesh | 50.0 | 52.5 | 65.7 | 52.6 | 0.5 |
Jharkhand | 105.9 | 119.3 | 1.2 | ||
Madhya Pradesh | 71.1 | 87.6 | 125.7 | 132.5 | 6.4 |
Odisha | 102.6 | 123.6 | 143.1 | 154.2 | 4.2 |
Chhattisgarth | 113.8 | 134.8 | 157.7 | 158.4 | 3.4 |
Tableau 17. Evolution de la production des principaux Etats. Source : Ministry of Coal. Ceicdata.com/en/india/coal-production-by-major-states. Tcam signifie taux de croissance annuel moyen.
Pour les exploiter, les techniques ont évolué. Dans le contexte d’un passage au ciel ouvert, la mécanisation de l’extraction et de l’évacuation du minerai sont à l’origine d’une croissance des productivités (tonnage/homme/poste) allant jusqu’au sextuplement.
Quelle part ont pris à ce développement les diverses composantes de l’industrie charbonnière indienne (tableau 18) ?
Mt | Production totale | dont CIL | dont SCCL | dont mines captives | dont autres mines |
1990 | 214.5 | 190.0 | 18.0 | 6.5 | – |
2010 | 532.7 | 431.3 | 51.3 | 34.2 | 16.9 |
2015 | 639.2 | 538.8 | 60.4 | 28.8 | 11.2 |
2018 | 728.7 | 606.9 | 64.4 | 49.9 | 7.5 |
2020 | 730.9 | 602.1 | 64.0 | 57.9 | 6.9 |
Tableau 18. Evolution de l’industrie charbonnière. Source. Ministry of Statistics and programme Implementation (2012). Ministry of Coal (2021). http://coal.nic.in/major-statistics/production-and-supplies. Note : SCCL signifie Singareni Coal Company Ltd. Les autres mines correspondent à de petites exploitations rurales, pour partie illégales (40% de celle du Jharkhand ?).
Avec plus de 80% de la production nationale, la Coal of India Ltd (CIL) a conservé le quasi-monopole que lui avait octroyé la nationalisation de 1973. Au début des années 2010, elle exploitait 467 mines dont encore 270 souterraines, 160 à ciel ouvert de grande taille et 30 mines mixtes. Au cours des années suivantes, mise à part la contraction de 2020 imputable à l’épidémie du coronavirus, la CIL a poursuivi son développement à un rythme annuel moyen de 3,4% par l’intermédiaire de ses filiales (tableau 19) et d’un certain nombre de developers-cum-operator (DCO), sous-traitants non propriétaires du minerai.
Mt | Ciel ouvert (open cast) | Souterrain (underground) | Mixte | Total |
Western Coalfields Ltd | 45 | 39 | 2 | 86 |
South Eastern Coalfields Ltd | 22 | 63 | 1 | 86 |
Eastern Coalfields Ltd | 18 | 60 | 8 | 86 |
Central Coalfields Ltd | 42 | 21 | 2 | 65 |
Bharat Coking Coalfields Ltd | 18 | 13 | 17 | 48 |
Mahanadi Coalfields Ltd | 18 | 10 | 0 | 28 |
Northern Coalfields Ltd | 10 | – | 0 | 10 |
North Eastern Coalfields Ltd | 3 | 1 | 0 | 4 |
Total | 207 | 176 | 30 | 413 |
Tableau 19. Nombre de mines exploitées par les filiales de la CIL en 2017. Source : Source : Vishwanathan Saritha S. and others (2018). Coal transition in India, IDDRI, 51 p (p. 10).
Aux côtés de la CIL, la Singareni Coal Company (SCCL), qui avait échappé à la nationalisation parce que déjà propriété publique, a stabilisé son volume de production au dessus de 60 Mt en 2015. Depuis, il est en voie d’être rattrapé par celui des mines captives, propriété des grandes compagnies extrayant du charbon pour leur propre compte : les sidérurgistes tels qu’Arcelor-Mittal ou SAIL, les producteurs d’électricité tels que NTPC, Jindal Power ou Essar Power.
7.2. Des obstacles contraignant au recours à l’importation
En dépit de sa croissance, l’offre de charbon indien a perdu de plus en plus de terrain par rapport à la demande pour des raisons de qualité des minerais mais aussi par insuffisance des investissements de productivité. En cause, une réglementation compliquée et l’habitude de compenser la non rentabilité de certaines mines par le recours aux subventions publiques. Cette pratique avait, il est vrai, été encouragée par une politique de prix constamment administrés depuis 1941, à l’exception d’un bref intermède de 1967 à 1974[30]. Depuis 1991, le subventionnement des mines publiques de charbon avait officiellement été abandonné, suivi en 1996 de la dérégulation partielle des prix des charbons cokéfiables et de la plupart des charbons thermiques[31].
Ces changements n’ont cependant pas donné à la CIL des capacités d’autofinancement suffisantes pour affronter sans complexe la croissance des besoins. Certes, elle a fait pour le mieux. Fin mars 2007, elle avait produit 363 Mt et s’était engagée à fournir 140 Mt supplémentaires au cours des sept années suivantes grâce au renouvellement d’une partie de ses équipements, aux accords passés avec les mineurs et à la priorité donnée aux mines à ciel ouvert (55 sur 88 projets en cours), rapides à ouvrir et aux productivités élevées (7,11 tonnes/homme/poste, contre 0,68 en moyenne dans les mines souterraines). Courant 2010, elle avait annoncé avoir identifié 142 nouveaux projets miniers dont 76 déjà approuvés, soit une extraction additionnelle de 111 Mt fin 2012. Elle n’est cependant jamais parvenue à satisfaire la demande, car restée prisonnière d’un cercle vicieux qui prend naissance dans les dysfonctionnements de States Electricity Board, insuffisamment réformés. Réseau de distribution obsolète, sous-tarification de l’électricité, absence de compteurs, factures non honorées les rendent incapables de payer correctement leurs fournitures aux producteurs d’électricité. Ces derniers, qui doivent en outre surinvestir pour brûler des charbons non traités (un tiers d’entre eux utilisent des combustibles contenant plus de 40% de cendre), ne peuvent plus acheter les combustibles à leur juste prix. Sous rémunérées, les entreprises charbonnières ont reculé devant les investissements, de lavage notamment, ce qui boucle la boucle.
L’autre grand obstacle à une offre satisfaisant la demande a été l’insuffisant allégement du poids des transports. La production charbonnière ne s’étant pas développée également dans tous les États de l’Union (tableau 17), les flux en direction des centres de consommation se sont modifiés. La plus grande parti du croît est venu d’États situés plus à l’ouest (Madhya Pradesh) et/ou plus au Sud (Odisha). Si l’on ajoute les importantes quantités de lignite extrait et brûlé dans le Tamil Nadu, lieux de production et de consommation se sont rapprochés. Désormais, les combustibles du West Bengale sont surtout utilisés sur place, ceux du Bihar majoritairement dirigés vers New Delhi, l’Haryana et le Punjab, tandis que ceux de l’Andhra Pradesh ou de l’Odisha approvisionnent les marchés du Sud. Les grands centres industriels de Bombay et du Gujarat trouvent des combustibles plus près de chez eux, dans le Madhya Pradesh.
Cette évolution a réduit à moins de 30% les transports sur plus de 1 000 km, au profit de ceux compris entre 200 et 500 km, mais elle n’a pas supprimé le poids du transport qui pèse sur 80% de la production. Par quels moyens sont-ils effectués ? Les volumes sur route ont doublé, mais leur proportion n’a pas augmenté (16%). Les Indian Railways transportent toujours 50% du charbon extrait dans le pays, à l’aide de wagons de plus grande contenance. Un changement plus significatif est venu de la part prise par les transports sur rail dédiés, mis en place par les industriels : le merry-go-round (MGR), qui relie directement le carreau de la mine au parc de stockage des centrales thermiques, est passé de 2% en 1977 à 23% des volumes transportés au cours des années 2000. Il n’a cessé depuis d’être encouragé.
Ces progrès ne signifient pas, hélas, la fluidité et le bas prix des transports d’un produit qui représente 48% du trafic marchandise. Le fret atteint encore 70% du coût de certaines livraisons sur la côte Ouest. La responsabilité en incombe pour partie à l’industrie charbonnière qui continue à faire transporter des charbons non lavés, mais elle pèse plus encore sur le réseau de chemin de fer, divisé depuis l’époque coloniale en 3 largeurs de voie, sur lesquelles doivent circuler des wagons à hauteurs d’essieu différentes[32]. Qui plus est, les nouveaux wagons sont parfois trop larges pour les infrastructures de chargement et déchargement, tandis que les voies uniques contraignent les trains de marchandises à attendre le passage des trains de voyageurs qui roulent plus vite. Résultat : des vitesses ferroviaires moyennes qui ne dépassent pas 20-25 km/heure, d’où la tentation fréquente de leur préférer des camions qui ne sont pas beaucoup plus rapides sur des routes « percées de nids de poule aux revêtements qui se dégradent »[33].
Pour inciter les deux parties à améliorer leurs relations et, par là, à élever l’efficacité du transport ferroviaire, des Fuel Supply and Transport Agreements à long terme ont été imaginés. Les premiers signés en 2007 prévoyaient que sur 25 ans, les compagnies ferroviaires s’engageaient à mettre à la disposition des compagnies électriques des capacités de transport (nombre de wagons) adaptées à leur besoin et à payer des pénalités en cas de non respect de leurs engagements. En contrepartie, leurs factures devraient être honorées plus rapidement. D’autres voies ont donc été prospectées telles que la continuation des voies dédiées entre mines et centrales thermiques ou le développement du transport maritime de la côte nord-est vers les côtes sud-est et ouest, assorti de la modernisation des infrastructures portuaires anciennes et de la construction de nouvelles : Mundra, Pipavav et Jaigarh sur la côte ouest et Krishnapatnam, Gangavaram et Karaikal sur la côte est.
Dans ce contexte, l’Inde s’est de plus en plus tournée vers les importations de charbon qui, de 4,4% de la consommation annuelle en 1990, ont sauté à 25% en 2010 et à 30% en 2020 (tableau 20).
Mt | Exportations | Importations | dont cokéfiables |
1990 | 6.2 | ||
2000 | |||
2005 | 50.0 | ||
2010 | 2.0 | 102.8 | 31.8 |
2015 | 1.6 | 203.9 | 44.6 |
2016 | 1.7 | 190.9 | 41.6 |
2017 | 1.5 | 208.2 | 47.0 |
2018 | 1.3 | 235.3 | 51.8 |
2019 | 1.0 | 248.5 | 51.8 |
2020 | 0.8 | 215.0 | 51.8 |
Tableau 20. Évolution des exportations et importations de charbon. Source : Ministry of coal. La chute de 2020 est l’une des conséquences du covid-19. Les exportations se limitent à quelques ventes aux pays voisins du nord-est : Bangladesh, Bhutan et Népal.
Au début du 21ème siècle, elles se limitaient à des achats de charbons cokéfiables exigés par l’essor de la sidérurgie que l’offre de charbons nationaux était incapable de satisfaire. Progressivement, elles s’étendent à des charbons thermiques dont la production nationale est devenue insuffisante, pour des raisons de qualité (minerais trop cendreux), de coûts et de moyens de transport inadaptés. Les 250 Mt importées, avant la chute de 2020, viennent d’Indonésie (48%), d’Australie plus chère mais riche en charbons cokéfiables (20%), d’Afrique du Sud (16%), des États-Unis (6%), de Russie (3%) et de divers autres pays (7%) dont le Mozambique.
Pour limiter cette dépendance, le gouvernement fédéral s’est efforcé
– de remédier à l’insuffisance des capacités de lavage (voir plus loin) et à celle des moyens d’évacuation sur courte et longue distance ;
– de veiller à la rationalisation du système de prix des combustibles solides accompagnant leur libéralisation par une Coal Regulatory Authority (CRA) ;
– d’appuyer la CIL dans sa volonté de modernisation intérieure et d’acquisition de mines à l’étranger ;
– d’inciter les propriétaires de « mines captives » à étendre leur périmètre d’exploitation ;
– de mettre aux enchères de nouveaux sites, ouverts notamment aux capitaux étrangers, via le programme « Unleashing Coal » de 2020 qui allège considérablement les protections de l’environnement associées à l’exploitation des charbons low grade.
Courant octobre 2021, ces efforts n’ont pas encore portés tous les fruits attendus. Loin d’être satisfaite, la demande de charbon est au bord de la rupture, avec plus d’une centaine de centrales thermiques ne disposant que d’un stock de combustible inférieur à quatre jours, dont une quinzaine à l’arrêt ! A très court terme, peu d’amélioration sont à attendre avant mars 2022. La croissance des importations est donc inévitable, en dépit d’une hausse des prix internationaux sans précédent des charbons indonésiens qui, en 2021, ont sauté de 60 à plus de 200$/tonne. A plus long terme, l’assouplissement du cadre institutionnel devrait se poursuivre, si l’Inde voulait drainer vers l’industrie charbonnière une partie des capitaux indispensables aux 2 à 3 milliards de dollars d’investissements, infrastructures de transports non compris, dont elle aurait besoin pour atteindre les 1,3 Gt extraites du Plan Modi à l’horizon 2030.
Mais une telle perspective parait de plus en plus incompatible avec un indispensable progrès de respect de l’environnement.
8. Des impacts environnementaux de plus en plus prégnants
Les résultats obtenus par l’Inde pour desserrer le goulet d’étranglement de son approvisionnement énergétique laissent entier le problème des impacts environnementaux d’un bilan énergétique toujours très carboné et préoccupant à quatre égards : les impacts locaux de l’activité minière ; la gestion des volumes de cendre de plus en plus volumineux ; la pollution atmosphérique provoquée par la combustion de charbon ; les émissions croissantes de gaz à effet de serre (GES).
8.1. Impacts locaux, dont forestiers, de l’activité minière
Les mines souterraines ne présentent pas d’inconvénients aussi graves que les mines à ciel ouvert, mais leur fermeture est souvent à l’origine de combustions incontrôlées dans les puits abandonnés, néfastes localement et globalement. Les impacts des mines à ciel ouvert, dont l’expansion est la plus rapide, sont beaucoup plus graves car ils découlent d’une emprise additionnelle sur des superficies boisées ou cultivées. Au cours des années 1980, la CIL avait dû prélever à cet effet 35 236 ha et reloger 3 790 familles de paysans. Depuis, un effort de restauration des sites a été entrepris, mais, à la fin des années 1990, sur les 141 000 ha livrés à l’exploitation minière, 31% seulement avaient été reboisés.
Après avoir encore dû abandonner 44 000 ha de forêt à l’industrie charbonnière au cours des années 2000, une révision de toute la politique est intervenue en 2010. Prise en étau entre deux exigences, d’un côté, la volonté de porter de 21 à 30% la couverture forestière du pays, de l’autre, le constat que 48% des 68 millions d’ha de forêt du pays recouvrent des ressources charbonnières, le gouvernement fédéral a opté pour l’adoption d’une classification des espaces forestiers en « go, no-go et may-go » désormais suivie par un comité ministériel[34].
A partir de cette date, les populations s’estimant lésées par des projets miniers ont pu demander justice à l’un des cinq tribunaux « verts » que Jairam Ramesh, ministre de l’environnement, avait institués, chaque citoyen ayant le droit de les saisir en leur demandant de fixer le montant des compensations en cas de préjudice causé par la pollution d’un site[35].
Ces mesures n’ont cependant pas suffi à stopper l’une des causes de la déforestation qui alimente la rébellion naxalite, diffuse dans tous les États charbonniers de l’Est du pays dont ceux du Chhattisgarth et du Jharkhand-Bihar, laquelle a compliqué la réalisation du programme Modi de mise aux enchères de nouveaux sites miniers en 2020.
8.2. La gestion des cendres
Selon le Central Pollution Control Board (CPCB), 80% des charbons brûlés dans les centrales thermiques contiennent entre 24 et 45% de cendre, dont 80% rejetées dans l’atmosphère sous la forme de cendres volantes (fly ash), les autres 20% stockées en surface (bottom ash). Les premières contribuent à la pollution atmosphérique, les secondes à l’encombrement des terrains et à la dégradation de la qualité des eaux au voisinage des grandes installations thermiques.
Pour limiter ces impacts, plusieurs mesures contraignantes ont été prises ou envisagées[36] :
– obligation de laver les charbons destinés à la combustion en centrales thermoélectriques, dès 1997 ;
– interdiction, en juin 2001, de transporter des charbons non lavés sur des distances supérieures à 1 000 km ;
– interdiction aux compagnies électriques, propriétaires de centrales situées dans des zones urbaines ou écologiquement sensibles, de continuer à brûler des combustibles d’une teneur en cendre de plus de 34%, sauf combustion en lits fluidisés ou en gazéification intégrée du charbon, mesure qui a été abandonnée car inapplicable en l’absence de moyens suffisants de lavage.
De fait, en 2017, ces derniers n’étaient encore qu’au nombre d’une soixantaine, soit une capacité de 185 Mt, 15 étant propriété de la CIL, 19 des entreprises sidérurgiques, et 38 d’autres entreprises privées telles qu’Adani ou Jindal.
Dans ce contexte, comment parvenir à développer le lavage? Par la mise en place, plaident certains, d’une taxe conforme au principe « pollueur-payeur » : elle stimulerait la demande de charbons lavés et dégagerait des recettes permettant de construire des installations de lavage. Elle ne serait cependant efficace qu’avec une industrie électrique réformée, capable de faire des choix sur la base de ses coûts réels[37]. Peut-être est-ce cette réserve qui a conduit le gouvernement à préférer une mesure réglementaire, à savoir l’obligation d’installer des précipiteurs électrostatiques sur les nouvelles centrales thermiques, mesure que nombre de spécialistes jugent cependant peu efficace.
Alors que la Chine était parvenue à enfouir dans le sous-sol environ un quart de ses volumes de cendres, l’Inde ne dépassait pas 2% à la fin des années 1990 et n’avait prévu aucun système de stockage. A cette date, pourtant, la NTPC avait triplé ses ventes de cendres, grâce à de copieuses subventions des États aux entreprises de recyclage, complétées ou relayées par celles du Gouvernement fédéral. Conscient de ces déficiences, ce dernier, en mars 2007, a donc interdit toute ouverture de mine à ciel ouvert qui ne serait pas pourvue d’un lavoir répondant aux derniers cris de la technique, mais en la limitant aux exploitations supérieures à 2,5 Mt/an qui ne brûleront pas leur charbon sur le carreau de la mine.
8.3. Pollution atmosphérique
Les cendres volantes peuvent être à l’origine de volumes de particules en suspension compris entre 7 500 et 9 000 mg/m3. Il se peut cependant qu’elles ne soient pas les composantes les plus nocives de la pollution atmosphérique indienne, mais, rien n’est moins sûr, aux dires du rapport 2001 préparé pour la Banque Mondiale par le Tata Energy and Resources Institute (TERI).
Bien que des mesures de la qualité de l’air aient commencé en 1967, les données fiables sont toujours rares, surtout si l’on s’intéresse aux respiratory suspended particles (RSP) de très petites dimensions (≤ 10 µg). En l’état actuel des connaissances, ce sont les émissions de SO2 et de suies qui sont jugées les plus dangereuses, à travers les pluies acides et la formation d’ozone. Les unes et les autres seraient à l’origine de plus de 100 000 décès prématurés dans les villes indiennes. Les premières, en outre, auraient abaissé le pH des sols dans les États du Bihar, d’Odisha/Orissa et du West Bengal, à un point tel que leur fertilité serait menacée. Dès les années 2000, des diminutions de rendement des récoltes de blé, comprises entre 13 et 50%, avaient été observées dans un rayon de 10 km autour de centrales thermiques de 500 à 2 000 MW[38]. Face à ces impacts, la seule mesure en vigueur est l’obligation d’une installation de désulfuration sur les centrales thermiques de plus de 500 MW.
8.4. Émissions de gaz à effet de serre (GES)
De 1,03 Gt en 2000, les émissions indiennes de GES ont atteint 1,7 en 2015 et 2,7 en 2019, avant une très légère réduction due aux effets du covid-19, soit la troisième position dans le monde, derrière la Chine (9,8) et les États-Unis (4,9)[39]. Rapportées à la population, ces données relativisent la contribution indienne qui ne dépasse pas 2 tonnes/habitant, contre 7 en Chine et 15 aux États-Unis. Ce contraste a justifié, jusqu’au milieu des années 2010, le refus tout engagement de réduction, sur la base du principe de « responsabilités communes mais partagées » selon lequel la lutte contre les risques de changement climatique relève d’abord de la responsabilité des pays qui ont historiquement accru le taux de concentration de l’atmosphère en GES.
Indépendamment de toute évolution interne, au vu des conséquences des changements climatiques sur certaines parties du territoire national[40], l’Inde a été, depuis, soumise, comme la Chine, à des pressions internationales en vue de limiter la croissance de ses émissions de GES. D’où des Nationally Determined Contributions (NDC), dans le cadre de l’Accord de Paris (COP 21) de 2015, qui prévoient une réduction de ces émissions de 33 à 35% (base 2005) à l’horizon 2030. Au-delà des déclarations politiques de principe, les dirigeants indiens ont donc commencé à imaginer des solutions.
9. Le dilemme de Narendra Modi
Il s’est clairement exprimé à l’issue de la conférence des Nations Unies de Glasgow (COP 26) en novembre 2021, lorsque l’Inde a imposé de remplacer « sortie du charbon » par « réduction du charbon » dans la déclaration finale et ne s’est engagée à une « neutralité carbone » qu’en 2070, soit dix ans après la Chine et 20 ans après les grands pays industrialisés.
Pourquoi une avancée aussi prudente en direction d’un bilan énergétique propre et peu carboné ? Sans dépasser un taux de 50% d’urbanisation, la population indienne devrait s’accroître de 270 millions d’habitants (Mh) à l’horizon de 2040, d’où, entre autres, la nécessaire construction d’immeubles et de moyens de transport urbains et interurbains, entrainant la croissance de la sidérurgie, des cimenteries et des autres industries. Difficile dans ce contexte d’imaginer une croissance annuelle du PIB inférieure à 5-6%. Même en incluant une forte élévation de l’efficacité énergétique, la demande d’énergie primaire devrait donc augmenter d’au moins 2-3% par an.
Comment satisfaire cette dernière ? Dans tous les scénarios imaginés[41], deux trajectoires semblent incontournables : une régression du charbon remplacé par de l’électricité renouvelable (nucléaire, éolien mais surtout solaire), moyennant un développement soutenu du parc électrique. Déjà prévues en 2015, ces trajectoires ont été confirmées en 2020, sous forme d’une production d’électricité solaire multipliée par cinq.
Est-ce bien réaliste, s’agissant d’une source d’énergie intermittente ? Pour y parvenir, nombre de conditions s’imposent : de considérables progrès en matière d’efficacité énergétique, notamment au stade de la climatisation des locaux, le développement de la thermoélectricité-gaz, via entre autres le biométhane, la généralisation du captage et de l’utilisation du carbone. Difficile cependant de les réunir, selon l’un des responsables du Central Mine Planning and Design Institute Ltd pour qui le charbon restera durant encore plusieurs décennies seul capable de fournir de l’électricité à un coût abordable.
Pour ce faire, il devra cependant être brûlé de façon de plus en plus précautionneuse : ferme priorité donnée à l’efficacité énergétique dans toutes les activités[42] ; gazéification in situ des ressources charbonnières ; généralisation du captage-stockage du CO2[43]. L’utilisation de charbons débarrassés de leurs impuretés, première voie à emprunter, progresse lentement mais bute encore sur nombre d’obstacles, principalement économiques, et sera, de toute façon, insuffisante. Plus ambitieuse, une deuxième voie consisterait à n’installer que des dispositifs de combustion efficace dans les centrales thermiques, en passant d’un rendement moyen de 30,5% en 2005, à 39% à l’avenir, grâce à des dispositifs de combustion supercritiques atteignant 42%. Si cet objectif était atteint, en 2031 l’Inde économiserait 274 Mt de charbon. Ce résultat serait encore amélioré par une réduction drastique des gaspillages et des pertes d’électricité (40% sur les réseaux de distribution de certains États). Ces moyens ne contribueraient cependant à un abaissement significatif de la trajectoire d’émission de GES que s’ils s’inscrivaient dans une stratégie à plus long terme excluant l’usage total du charbon. Mais à quel horizon ?
Notes et références
Images de couverture. Make in India. [Source : Prime Minister’s Office (GODL-India), GODL-India, via Wikimedia Commons]
[1] Boillot Jean-Joseph (2016). L’économie de l’Inde. Collection Repères. Paris : La Découverte, 127 p, (p. 20).
[2] Boillot Jean-Joseph. L’économie, op. cit, p. 15.
[3] Bhattacharyya Subhes C. (1996). Les impacts sectoriels de la suppression des subventions énergétiques : le cas de l‘Inde. Revue de l’Energie, 479, pp. 376-390.
[4]Boillot Jean-Joseph. L’économie, op. cit, p. 26.
[5] Boillot Jean-Joseph. L’économie, op. cit, pp. 27-29.
[6] Hache Emmanuel (2018). L’Inde, 5ème puissance économique mondiale en 2018 et… ? IRIS-France, https://www.iris-france.org/108971-linde-5e-puissance-economique-mondiale-en-2018-et/
[7] Demay Valentin (2018). L’Inde, le pays de la croissance record. BFM Business. https://www.bfmtv.com/economie/international/l-inde-le-pays-de-la-croissance-record_AN-201812310144.html. Après une récession de 7,3% en 2020, l’économie indienne devrait terminer l’année 2021 en hausse de 9,5% selon le FMI.
[8]Zerah Marie-Hélène (2019). Quand l’Inde s’urbanise. Laviedesidées.fr
[9] Ou même 6% si l’on tient compte de la chute d’environ 7% du PIB en 2020 suite à l’épidémie du corona virus.
[10] Dorin Bruno et Aubron Claire (2016). Croissance et revenu du travail agricole en Inde. Une économie politique de la divergence. Economie Rurale, 352, Mars-Avril.
[11] Courant 2005, en intégrant l’une de ses filiales créée en 1918, l’Indian Iron and Steel Company (IISCO), le groupe public SAIL a acquis le contrôle total de la très grande réserve de minerai de fer de Chiria.
[12]Sénat (2021). L’Inde, un géant en apprentissage, https://www.senat.fr/rap/r06-146/r06-1467.html
[13] Lucas Nigel J.D. (1988). L’Inde : quelques aspects de la politique énergétique (pp. 203-220). Energie Internationale,1988-1989. Paris : Economica, 422 p. Pachauri R.K (2006). India’s Energy Challenge. Public Policy Research, September-December, pp. 200-205.
[14] Yadav Surendra S. and others (1998). Oil industry in India : a study of financial resources management. Revue de l’Energie, 498, Juin, pp. 316-325.
[15] Sarif Sunil (2010). India’s hydrocarbon deficit. Energy Economist, 350, December, pp. 21-25.
[16] Etienne Gilbert. Chine-Inde, op. cit, p. 141.
[17] Subhes C. Battacharyya, après avoir passé en revue les avancées de la réforme depuis son lancement en 1991, analyse ses ratées et expose les 6 critères (politique, financier, économique, social, environnemental et pratique [implementable]) qui devraient guider les choix des réformateurs. Bhattacharyya Subhes C. (2007). Sustainability of power sector in India : what does recent experience suggest ? Journal of Cleaner Production, 15, pp. 235-246.
[18] Pachaury R.K. India’s Energy, op. cit, p. 204.
[19] Crépin Emilie (2009). « Les temples modernes » : un grand barrage dans un lieu saint de la Narmada. Géocarrefour, vol. 84, 1-2, pp. 83-92.
[20] Sur le contenu de ce traité, on peut se reporter à Bobin Frédéric (2012). Chine, Inde et Pakistan se disputent l’eau de l’Himalaya. Le Monde, 13 Mars.
[21] Hart David (1983). Nuclear Power in India. A comparative analysis. London : Allen & Unwin.
[22] Atomic Heritage Foundation (2018). Indian Nuclear Program. Atomicheritage.org/history/indian-nuclear program
[23] Energy & Futur, blog 08/02.09
[24] La situation et les projets du nucléaire en Inde au milieu des années 2000 sont bien analysés dans Land Thomas (2005). India’s nuclear power industry in from the cold. Energy Economist, 288, October, pp. 7-9.
[25] Bilham Roger et Gaur Vinod, in Current Science, cité par Le Monde du 1er décembre 2011.
[26] Pachaury R.K. India’s Energy, op. cit, p. 204.
[27] Naveen Kumar Sharma and others (2012). Solar energy in India : strategies, policies, perspectives. Renewable and Sustainable Energy Review, 16, pp. 933-047.
[28] Wikipedia. L’énergie solaire en Inde.
[29] On trouve la place de ces États sur la carte géographique de l’Inde, in figure 4. Notons que, différences de définitions mises à part, le volume par État de ces réserves a beaucoup évolué depuis le début du 21ème siècle, si on se réfère à celui publié en 2005 : Madhya Pradesh (72 Gt), Orissa (61), Jharkhand (40), West Bengal (28), Chhattisgarh (19). Suresh Lal B. and Suresh M (2009). Coal demand and supply trend in India : a macro level study. The Andhra Pradesh Economic Association, 22 Feb., pp. 41-49.
[30] Bhattacharyya Subhes (1996). Les impacts sectoriels, op. cit.
[31] Le marché libre ne concerne qu’une partie des ventes de charbon car les industries grosses consommatrices (ciment, acier, engrais, électricité, aluminium, papier…) bénéficient de quotas d’achat à des prix inférieurs d’au moins 20$/tonne aux prix du marché. En 2005, le Gouvernement a proposé d’étendre le marché libre à toutes les industries qui pourraient répercuter la hausse des prix sur leurs prix de vente, en commençant par l’aluminium et le papier.
[32] On trouve l’histoire détaillée des origines de cette aberration dans Headrick Daniel R (1988). The Tentacles of progress : technology transfer in the age of imperialism 1850-1940. Oxford University Press, 340 p, (pp. 58-68).
[33] Etienne Gilbert (2007). Chine-Inde, la grande compétition. Paris : Dunod, 232 p, (p. 140).
[34] Indian forest land released for coal mining (2010). Energy Economist, issue 347, September, p. 37.
[35] Ne sont exclues que les populations tribales qui vivent des ressources naturelles de la forêt. Leurs réclamations ont déjà contraint le cimentier Lafarge à renoncer à l’ouverture d’une mine de calcaire dans l’état du Meghalaya et peut-être aussi d’une autre dans l’État de l’Himachal Pradesh sur les contreforts de l’Himalaya. Bouissou Julien (2010). L’Inde impose aux industriels d’être plus « verts ». Le Monde, 01 octobre.
[36] Kanchi Kohli and Manju Menon (2020). India’s U-Turn on « clean » energy is a bad move. The Wire, 16 juin.
[37] Chelliah Raja J., Pandey Rita, and Sankar U. (2005). Pricing coal ash for environmental protection. The Journal of Energy and Development, vol. 30, n° 2, pp. 207-221.
[38] Winters Alan L. and Yusuf Shahid (2007). Dancing with Giants. The World Bank, chapter 5, p. 10.
[39] Shukla P.R., Garg Amit, Kapshe Manmohan, Nair Rajesh (2006). India’s Non CO2 GHG Emissions. Development Pathways and Mitigation Flexibility. The Energy Journal, Multi Greenhouse Special Issue, pp. 461-483. Données actualisées jusqu’en 2021.
[40] Notamment sous la forme des effets d’une fonte accélérée des glaciers de l’Himalaya sur les 7 517 km de littoral menacés par les cyclones et la montée des eaux.
[41] Les données qui suivent sont extraites de IEA. India Energy Outlook, 2021. Quatre scénarios y sont présentés : Stated Policies Scenario ( politique avant crise corona), India Vision Cases (récupération rapide après crise) , Delayed Recovery Scenario (récupération plus lente), Sustainable Development Scenario (respect des objectifs de l’ Accord de Paris).
[42] On trouvera une analyse très complète de la politique d’efficacité énergétique de l’Inde, comparée à celle de la Chine, dans : Ming Yang (2006). Energy efficiency policy impact in India : case study investment in industrial energy efficiency. Energy Policy, 34, pp. 3104-3114.
[43] L’Expert Committee on the Road Map for Coal Sector Reforms compare 3 scénarios à horizon 2031 : le scénario business as usual basé sur le charbon débouche sur une consommation de 2,7 Gt, alors qu’un scénario très écologiste basé sur les renouvelables limiterait cette consommation à 1,4 Gt et, qu’entre les deux, un scénario hydro+nucléaire+gaz se situerait à 2 Gt.