Depuis son origine, l’industrie pétrolière s’est interrogée sur le volume de ses ressources en terre. Au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle, l’idée d’un prochain pic de production (peak oil) a même surgi aux États-Unis avant de se diffuser dans le monde. Dans ce contexte, le texte de géologues très connus dans le milieu pétrolier, est particulièrement précieux.
En 2014, la place dominante qu’occupent les hydrocarbures dans la consommation énergétique mondiale (60%) justifie les interrogations qui entourent leurs ressources encore accessibles. Leurs explorations et leurs exploitations exigent une connaissance optimale de l’histoire géologique et géodynamique qui ont donné naissance aux hydrocarbures (Lire : Le gaz de schiste et La formation du gaz de schiste et son extraction).
1. Des conditions géologiques et économiques nécessaires
Des ingrédients indispensables au départ : une ou des roches mères ayant généré des hydrocarbures, une ou des roches réservoirs ayant pu les drainer, un ou des pièges les ayant retenus.
Des quantités retenues suffisantes pour rendre ces accumulations économiques en volume et en production journalière pour amortir les investissements et les coûts de production.
2. Origine et formation des roches sédimentaires
Tout commence par le dépôt de micro-organismes ou plancton sur le fond de lacs, de lagunes, de mers ou encore de côtes océaniques abritées (Figure 1). Ces matières organiques, aux structures chimiques plus ou moins complexes, mêlées aux fines particules minérales arrachées par les rivières et les fleuves érodant les reliefs immergés, constituent ainsi des vases. En milieu privé d’oxygène, milieu dit euxinique, ces vases riches en matière organique, protégées par l’accumulation répétée de nouveaux sédiments, sont progressivement enfouies et consécutivement portées à des pressions et des températures de plus en plus élevées. Cet enfouissement entraine une transformation progressive des vases et boues de surface en roches sédimentaires par compaction, déshydratation, dissolution et recristallisation selon des processus complexes connus sous le terme de diagénèse. C’est ainsi que se forment les roches sédimentaires qui sont qualifiées de roche mères quand elles possèdent des débris de matière organique, de roches réservoirs quand elles possèdent un réseau poreux perméable (grès et carbonates) et de roches couvertures quand elles sont imperméables (argiles-sels).
3. Formation des hydrocarbures
Les matières organiques contenues dans ces roches n’échappent pas à ces transformations en prenant alors des structures plus résistantes aux contraintes du milieu. Elles donnent ainsi naissance à des chaines moléculaires constituées principalement d’un assemblage de carbone et d’hydrogène à l’état liquide et/ou gazeux selon la nature de la matière organique initiale et/ou selon les températures subies.
Vers 80°Celsius environ, les matières organiques d’origine principalement animales se transforment en hydrocarbures essentiellement liquide ou pétrole (températures atteintes entre 2 et 3 000 mètres de profondeur selon les gradients géothermiques locaux). La roche mère est alors dite mature et se situe dans ce que l’on appelle la fenêtre à huile. L’enfouissement des roches se prolongeant, la fenêtre à gaz est alors atteinte vers 140°C, les liquides pétroliers sont transformés en gaz (gaz thermogénique secondaire ou gaz métagénique) et en bitumes résiduels (pyrobitumes). Cette température est atteinte entre 4 500 et 6 000 mètres de profondeur toujours selon les gradients géothermiques locaux. Si ces transformations n’ont pas été atteintes, on parle alors de roches ou de schistes bitumineux et de pétrole non conventionnel.
Quand la matière organique est d’origine végétale, elle ne forme guère que du gaz. Ce gaz peut se former dès les premiers mètres d’enfouissement par biodégradation, comme c’est le cas par exemple dans certains marécages, on parle alors de biogaz. Il représente environ 20 % des réserves actuelles en gaz conventionnel, et se distingue du gaz thermogénique généré en plus grande profondeur en ne contenant guère que du méthane associé à une part non négligeable de dioxyde de carbone. Par l’élévation des températures lors de l’enfouissement, le gaz thermogénique dit primaire est généré par la roche mère en opposition au gaz thermogénique secondaire lié à la pyrolyse du pétrole au-delà des 140 °C. Le gaz thermogénique primaire représente plus de 30 % des réserves actuelles en gaz conventionnel et le gaz thermogénique secondaire près de 50%.
4. Migration des hydrocarbures
Une partie des hydrocarbures liquides ou gazeux générés par la roche mère sont expulsés de celle-ci, par la pression due à leur enfouissement et à leur tassement, vers des formations poreuses et perméables où la pression est plus faible car à moindre profondeur. Les hydrocarbures, plus légers que les eaux salées contenues dans ces roches, cheminent alors dans ces roches réservoirs constituant des aquifères en quête permanente de zones à plus faible pression. Si aucun obstacle ne s’oppose à cette migration, ils peuvent arriver à la surface à l’occasion de fractures ou tout simplement par l’affleurement de la couche aquifère (Figure 2). Les hydrocarbures les plus légers se perdent alors dans l’atmosphère, les fractions les plus lourdes sont altérées par les agents atmosphériques et ou par les activités bactériologiques, et donnent des huiles très lourdes, très visqueuses qui imprègnent les sables et calcaires : elles forment les sables et calcaires bitumineux bien connus au Canada où ils sont exploités. Ces arrivées en surface ont été exploitées dès l’antiquité (Mésopotamie, Chine, Caucase) et constituent encore une source importante de pétrole dit non conventionnel mais aussi des indices précieux pour la recherche des hydrocarbures dans les zones inexplorées.
5. Formation des gisements d’hydrocarbure
Dans le cas où les hydrocarbures sont arrêtés par une barrière au cours de leur migration, ils s’accumulent en amont de celle-ci pour former un gisement. La combinaison d’une telle barrière au couple réservoir-couverture constitue un piège. Il existe toute une série de pièges. Ils peuvent être le résultat de la présence de l’écran d’une faille, d’un repli de la couche en dôme ou anticlinal, d’un biseau sédimentaire marquant la terminaison des qualités réservoirs de la couche drainant les hydrocarbures (pièges simples) voire d’une combinaison de plusieurs facteurs de « piégeage » (pièges mixtes). Ces types de pièges, structuraux ou sédimentaires constituent les objectifs classiques de l’exploration (Figure 3).
6. La notion de système pétrolier
L’enchainement des différents processus géologiques et pétroliers, s’échelonnant de la genèse des hydrocarbures à leur piégeage, constitue un système pétrolier, une entité dynamique où les variations de température et de pression résultant de l’histoire du bassin sédimentaire et de ses déformations au cours des temps géologiques, contribuent à la genèse, aux pérégrinations, à la concentration et à la dissipation du pétrole et du gaz.
7. La notion de province pétrolière
Un ensemble de gisements résultant d’un ou de plusieurs systèmes pétroliers constitue une province pétrolière (Figure 4). En étroite relation avec le déroulement historique et dynamique du bassin sédimentaire qui lui sert de cadre, la province pétrolière traduit chaque déformation structurale et chaque réajustement des processus pétroliers, tout approfondissement pouvant entrainer une nouvelle génération de pétrole ou de gaz, toute surrection remettant en cause les accumulations existantes. Les hydrocarbures sont bien vivants à l’échelle géologique.
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