Avant de s’interroger sur ce que sera la place de l’électronucléaire dans le mix électrique futur, il n’est pas superflu de connaître l’origine de la filière. De la découverte fortuite des « rayons uraniques » au début du 20ème siècle à l’exploitation d’un parc mondial de 450 réacteurs, la route est courte mais combien riche.
À la fin du 19ème siècle, une majorité de savants pense qu’il ne reste plus grand chose à découvrir dans le domaine de la physique. « L’atome n’existe pas » : affirment même certains académiciens.
1. Les découvertes scientifiques
L’histoire de l’énergie nucléaire débute par hasard le 1er mars 1896. Depuis quelques temps, Henri Becquerel, sur la suggestion d’Henri Poincaré, étudie la fluorescence de certains corps. Il a placé une plaque photographique enveloppée de papier noir près d’un sel de sulfate d’uranium supposé fluorescent, c’est-à-dire émetteur de rayons X lorsqu’il est soumis à la lumière du soleil. En somme, le sulfate d’uranium exposé au soleil se charge d’énergie lumineuse puis est susceptible de la restituer sous forme d’ondes électromagnétiques dans le domaine des rayons X. Ce jour là, 1er mars 1896, Becquerel découvre que le noircissement de la plaque photo se produit même lorsque le sel n’a pas été exposé à la lumière solaire. Il n’est donc pas fluorescent. L’uranium et ses composés émettent par eux mêmes des rayons particuliers. On les appellera provisoirement « rayons uraniques » (Lire : Nucléaire : rayonnement, radioactivité et radioprotection).
Dès lors, chaque année apporte son lot de découvertes :
– 1899 : Ernest Rutherford identifie trois types de rayonnements qu’il dénommera alpha, beta et gamma ;
– 1900 : Marie Curie, née Maria Sklodowska, découvre un autre corps ayant les mêmes propriétés d’émettre ces rayonnements ; c’est le radium ; elle en évalue approximativement la masse atomique et invente le mot de radioactivité ;
– avec son mari Pierre Curie et Henri Becquerel, elle reçoit deux prix Nobel : en 1903 pour avoir découvert la radioactivité naturelle, puis en 1911 pour avoir déterminé la masse atomique du radium (Figure 1) ;
– 1913 : Niels Bohr applique sa théorie des quantas à l’atome d’hydrogène.
De 1913 à 1928, l’école de Copenhague sous la conduite de Niels Bohr pose les bases de la mécanique quantique. Paul Dirac, Wolfgang Pauli, Erwin Schrödinger et Werner Heisenberg s’illustrent dans l’établissement de cette théorie, la compréhension de l’atome et l’explication de la radioactivité. En 1932, James Chadwick établit l’existence du neutron. Le noyau des atomes prend sa représentation actuelle sous la forme d’un assemblage de protons et de neutrons autour duquel gravitent des électrons.
À partir de 1934, le neutron, de par sa neutralité électrique, devient le projectile de choix pour bombarder tous types d’éléments. En particulier, l’astucieux Enrico Fermi, à Rome, bombarde avec des neutrons le dernier élément naturel connu du tableau de Mendeleïev, donc le plus lourd, l’uranium, en espérant trouver de nouveau corps, des transuraniens, mais il tombe sur un résultat parfaitement incompréhensible.
Il faut attendre 1938 pour commencer à démêler la vérité et comprendre ces expériences de bombardement de l’uranium par des neutrons. Cet été là, Irène Curie et Frédéric Joliot mettent en évidence, parmi les produits formés dans l’uranium bombardé, un corps de période 3,5 heures semblant avoir toutes les propriétés chimiques du lanthane. Mais que ferait-il donc là ? Ils sont très près de la vérité mais n’osent pas la publier. En décembre de la même année, Otto Hahn découvre , lui , du baryum dans l’uranium bombardé. Il ose alors affirmer que le noyau s’est cassé. Il a découvert la fission génératrice d’une quantité d’énergie extraordinaire.
L’année suivante, en 1939, Frédéric Joliot, Hans Halban et Lew Kowarski, au Collège de France, mettent en évidence, outre les produits de fission et une grande quantité d’énergie, la production de deux ou trois neutrons de haute énergie dans la fission de l’uranium. Ils imaginent la possibilité d’une réaction en chaîne et prennent trois brevets fondamentaux déposés au nom du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ces brevets, très complets, sont encore consultables au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Ils fournissent toutes les indications pour réaliser un réacteur nucléaire.
2. Les applications militaires
Jamais ces brevets ne seront respectés par les États-Unis qui, avec la Deuxième Guerre mondiale, vont devenir les maitres de la recherche et de l’exploitation de l’énergie nucléaire.
Le 2 août 1939, sur la demande de Leo Szilard et d’Eugène Wigner, physiciens d’origine hongroise qui redoutaient que l’Allemagne nazi se dote d’une bombe atomique, Albert Einstein écrit au président Roosevelt pour attirer son attention sur la nouvelle source d’énergie que représente l’uranium et sur la possibilité de construire une bombe. Sans tarder, d’octobre 1939 à juin 1942, sont mises en place les installations nécessaires pour aboutir à la construction de l’arme atomique : ce sera le Projet Manhattan dirigé par le général Leslie Richard Groves et le physicien Robert Oppenheimer.
Les États-Unis y mettent les moyens. Trois projets parallèles de séparation isotopique voient le jour à l’été 1942. La méthode de diffusion gazeuse, finalement jugée la plus prometteuse, sera industriellement développée au centre de Oak Ridge, dans le Tennessee, où la construction de l’usine démarre fin 1942.
Au même moment, précisément le 2 décembre 1942, Enrico Fermi fait diverger la première pile atomique à uranium naturel modérée au graphite. Cela se passe sous les tribunes du stade de Chicago dont on garde la célèbre photo qui réunit, près de l’empilement de graphite, la fine fleur de la physique américaine de l’époque : Enrico Fermi, Eugen Wigner, Arthur Compton et quelques autres, tandis que sur le sommet de l’empilement un homme est prêt à trancher avec une hache la corde qui libérera les barres de sécurité au cas où… Tous ces physiciens, en effet, ignorent totalement la vitesse à laquelle la divergence va se développer car ils savent que la durée de vie moyenne d’une génération de neutrons est de l’ordre du dixième de milliseconde. Avec ces seuls neutrons dits prompts, la réaction ne peut que s’emballer et conduire à un flash dangereux. Heureusement la nature a bien fait les choses : dans chaque génération de neutrons, des neutrons que l’on appelle retardés permettent de contrôler la réaction. Enrico Fermi le sait plus ou moins mais il n’est pas sûr de lui et a pris ses précautions (Figure 3).
Une nouvelle étape est franchie en mars 1943 avec l’arrivée à Los Alamos de Robert Oppenheimer et d’un groupe de physiciens chargés d’effectuer les recherches sur la criticité de l’uranium et du plutonium, ce dernier étant fourni par les énormes piles à graphite construites en un temps record à Hanford.
Les résultats de ces travaux sont les mises au point d’abord d’une première bombe testée à Alamogordo (Essai Trinity) puis des deux autres Little boy en uranium enrichi et Fat man au plutonium, larguées au dessus du Japon. Peu glorieux, cet acte a néanmoins contribué à l’arrêt de la guerre, et probablement à empêcher un troisième conflit mondial.
En 1944, les physiciens français sont non grata aux États-Unis. Une équipe constituée de Bertrand Goldschmidt, Jules Guéron, Hans Halban et Pierre Auger qui travaille, à Chalk River, au Canada, bénéficie néanmoins d’indiscrétions qui la tiennent au courant des travaux américains. Elle en informe le général de Gaulle lors de sa visite à Ottawa en septembre 1944.
Ayant parfaitement compris l’importance et la nécessité de développer l’énergie nucléaire en France, ce dernier, après la Libération, créera le 18 octobre 1945, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) dont l’installation commence, dès mars 1946, au fort de Chatillon sous la houlette de Joliot Curie. Le 15 décembre 1948, à 12h12, la pile ZOÉ (pour Zéro Énergie) diverge pour la première fois.
3. La production d’électricité
En décembre 1951, les américains produisent les premiers kWh d’origine nucléaire sur le site d’Idaho Falls avec le réacteur EBR1 qui leur permet d’éclairer la petite ville d’Arco dans l’Etat d’Idaho, puis, au cours des quatre années suivantes les efforts de développement s’intensifient tant aux États-Unis qu’en Union Soviétique, au Royaume-Uni et en France pour passer au nucléaire civil. Son démarrage devient effectif en 1957 avec la mise en service du premier prototype de réacteur électrogène de Shippingport, près de Pittsburgh en Pennsylvanie. C’est un Pressurized Water Reactor (PWR) de 60 MWe.
Mais qu’est-ce qu’un réacteur nucléaire (Lire : Les réacteurs nucléaires ; Les réacteurs de recherche ; Les petits réacteurs modulaires) ?
Un atome est formé d’un noyau, rassemblant des protons et des neutrons, autour duquel gravitent des électrons. L’énergie de liaison des particules élémentaires à l’intérieur du noyau est de quelques millions de fois supérieure à l’énergie qui lie l’électron à son noyau. Cette constatation permet de comprendre pourquoi on peut extraire quelques millions de fois plus d’énergie de la fission d’un noyau atomique que de la simple réaction chimique de cet atome lors de la combustion. Autrement dit : un gramme d’uranium peut produire autant d’énergie que plusieurs tonnes de produits carbonés (charbon, pétrole ou bois).
Comment obtenir ce gramme d’uranium ? L’uranium naturel est essentiellement formé d’U 238 (99,3 %), non fissile et n’entrant donc pas dans la réaction de fission nucléaire, et de seulement 0,7% d’U 235 fissile. Seul ce dernier est apte à fournir des réactions de fission. Pour réaliser une fission, il faut des neutrons lents, dits thermiques (2 à 3 km/sec) alors que les neutrons générés par la fission de la génération précédente sont rapides (20 000 km/sec). Il faut donc les ralentir (Lire : Le cycle du combustible nucléaire).
Pour ce faire, il est fait appel à un matériau appelé modérateur, Les matériaux légers tels que l’hydrogène, le deutérium (isotope de l’hydrogène) ou le graphite sont de bons modérateurs. Les neutrons, par chocs successifs sur les noyaux atomiques de ces matériaux, vont donc ralentir et être susceptibles de créer de nouvelles fissions des noyaux d’U 235. Le graphite, qui ne capture pas les neutrons a l’avantage d’être bon marché et de permettre l’utilisation de l’uranium naturel. Le deutérium, sous forme d’eau lourde, a également une probabilité de capture des neutrons, très faible tout en autorisant l’usage de l’uranium naturel. Problème : l’eau lourde a un prix de revient très élevé. Elle est produite par distillation fractionnée de l’eau ordinaire qui contient une proportion infime d’eau lourde. L’hydrogène sous forme d’eau ordinaire ralentit fort bien les neutrons , mais malheureusement les capture également . Il faut donc enrichir l’uranium au niveau de 3% d’U 235 pour entretenir la réaction de fission.
Quand la France, en 1957, envisage de recourir à l’énergie nucléaire, elle n’a pas d’autre choix que le graphite comme modérateur car il permet l’utilisation de l’uranium naturel. C’est la filière Uranium naturel graphite gaz (UNGG) refroidie au gaz carbonique sous pression, ce parallèlement à l’essai de la filière eau lourde gaz avec le prototype de Brennilis en Bretagne. La Grande-Bretagne fait aussi le choix du graphite-gaz avec sa filière MAGNOX, alors que le Canada opte pour l’eau lourde dans le cadre de son programme CANDU. Les États-Unis de leur côté profitent de l’existence d’usines d’enrichissement pour développer les filières à eau légère, PWR et Boiler Power Reactor (BWR), qui autorise des réacteurs plus compacts permettant l’extrapolation de très grandes puissances.
Depuis Enrico Fermi, tous les physiciens savent cependant que l’avenir est aux réacteurs à neutrons rapides, dans lesquels on évite de ralentir les neutrons. Ces réacteurs sont en effet capables de convertir les 99,3%d’U 238 (fertile) en plutonium 239 (fissile). Le Pu 239, considéré jusqu’alors comme un déchet gênant, passe à l’état de combustible utile. La quantité d’énergie que l’on peut retirer de l’uranium naturel est ainsi multipliée par un facteur de l’ordre de 50, voire davantage. Dans ces conditions, le spectre de la pénurie de combustible nucléaire disparait.
4. Le programme nucléaire français
De 1963 à 1972, Électricité de France (EDF) démarre six réacteurs de la filière UNGG. Ce sont les réacteurs de première génération : Chinon 1, 2 et 3 puis Saint-Laurent 1 et 2, et enfin Bugey 1 dont la puissance culmine à 500 MWe. Un ultime réacteur de cette filière sera vendu à l’Espagne et construit à Vandellos près de l’Hospitalet del Infant dans la province de Tarragone.
Puisqu’il s’agit d’uranium naturel, la puissance spécifique des réacteurs de cette filière ne peut qu’être faible, soit 30 W/cm3 de combustible, donc le volume du réacteur important soit un cylindre de 10 m de hauteur et 10 m de diamètre, percé de 4 000 canaux verticaux chargés d’éléments combustibles refroidis par du gaz carbonique à 25 bars de pression. Pour contenir cette pression, un caisson en béton précontraint de trois mètres d’épaisseur est nécessaire. Bref : la taille d’une cathédrale.
Ces réacteurs produisent péniblement 1 500 MW de puissance thermique transmise via des échangeurs de chaleur à un circuit eau-vapeur détendue dans une turbine liée à un alternateur. Cette transformation de chaleur en énergie mécanique puis électrique obéit au principe de Carnot. Compte tenu de la température de la source chaude (400°C environ), le rendement de l’installation est de 30%. On ne récupère donc que 500 MWe. Les deux tiers, soit 1000 MWth vont à la source froide, la Loire, le Rhône ou l’atmosphère avec l’usage des aéroréfrigérants. Jugée peu extrapolable vers les grandes puissances et fournissant un kWh à un coût élevé, la filière a été abandonnée en 1969 au profit des réacteurs à eau sous pression (REP) du type PWR et BWR. Ces REP sont dits réacteurs de deuxième génération.
Au départ, deux groupes industriels proposent de développer, l’un les réacteurs à eau bouillante (REB ou BWR), l’autre, les réacteurs à eau sous pression (REP ou PWR). C’est cette deuxième solution qui sera confiée à la société Framatome, détentrice du brevet de la société américaine Westinghouse. Le REP a un cœur compact sous la forme d’un cylindre de 3 à 4 m de hauteur et 3 m de diamètre contenu dans une cuve en acier. Il compte quelque 40 000 crayons de 1 cm de diamètre entre lesquels circule une eau à 150 bars de pression s’échauffant de 280 °C à 320 °C. La puissance spécifique du combustible est de 800 W/cm3. Cette eau, de circuit dit primaire, traverse alors des échangeurs de chaleur, générateurs de vapeur ou circuit secondaire. La vapeur est détendue dans une turbine couplée à un alternateur. Une fois encore, il faut compter des rendements de 30%. Un réacteur de 1000 MWe produit en réalité 3000 MWth.
Avec le choc pétrolier de 1973, sous la présidence de Georges Pompidou, le premier ministre Pierre Messmer décide le lancement d’un vaste programme de REP dont la maitrise d’ouvrage est confiée à EDF avec le soutien technique du CEA, la maitrise d’œuvre étant confiée à la société Framatome. De 1977 à 1995, EDF met en service 58 REP, de 900 à 1350 MWe, totalisant une puissance installée de 63 000 MWe (Figure 4).
Parallèlement, via la Cogéma (filiale du CEA) puis Areva (qui regroupera entre autres Framatome et Cogéma) sont mis en place tous les éléments du cycle du combustible (Lire : Le cycle du combustible nucléaire) : extraction de l’uranium, purification, enrichissement, fabrication du combustible (cycle amont) puis retraitement des combustibles usés, stockage des déchets (cycle aval). En 1995 est créée l’Agence nationale pour la gestion des déchets (ANDRA).
La France s’est en outre dotée d’un organisme indépendant du pouvoir politique et des exploitants : l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) chargée du contrôle de la sécurité de l’ensemble du cycle, jusqu’au stockage des déchets (Lire : Le cycle du combustible nucléaire et La gestion des déchets nucléaires). Cette ASN s’appuie sur les analyses techniques de l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN).
En 2017, la France occupe la deuxième place après les États-Unis en termes de nombre de réacteurs et de puissance installée, mais elle est largement en tête pour la proportion du nucléaire dans la production électrique, soit 72% (Lire : Enjeux écnoomiques de l’énergie nucléaire et Le coût du nucléaire en France). Après l’interruption de toute nouvelle construction depuis 1995, EDF a commencé en 2006 la construction à Flamanville, sur la côte Ouest de la péninsule du Cotentin, d’un European Pressurized Reactor (EPR) de 1 600 MWe qui devrait diverger en 2015 et devenir la tête de file des réacteurs de troisième génération dont la sureté très nettement améliorée rendrait peu probable un accident de grande dimension. Une série de difficultés industrielles n’a cessé de retarder sa mise en service désormais prévue en 2020.
5. Les programmes nucléaires dans le monde
En 2016, 447 réacteurs nucléaires fonctionnent dans le monde, totalisant une puissance de 390 GWe répartie entre 20 pays sur quatre continents. Ceux qui disposent des puissances électronucléaires les plus importantes sont dans l’ordre : les États-Unis, la France, le Japon et la Russie.
Pays
|
Nombre de réacteurs
|
Capacité nucléaire
(Gwe)
|
Part du nucléaire
(%)
|
France
Slovaquie
Belgique
Ukraine
Hongrie
Suède
Suisse
Tchéquie
Corée du Sud
Japon
Finlande
Allemagne
Espagne
États-Unis
Taïwan
Russie
Royaume-Uni
Canada
Inde
Chine
Monde
|
58
4
7
15
4
10
5
6
21
50
4
17
8
104
6
32
19
18
20
14
439 |
63,1
1,8
5,9
13,1
1,9
9,3
3,3
3,7
18,7
44,1
2,7
20,5
7,5
101,2
5,0
22,7
10,1
12,6
4,4
11,1
374
|
76
52
51
48
42
38
38
33
32
29
28
27
20
20
19
17
16
15
3
2
13
|
Source : CEA. Elecnuc. Ed. 2017.
De 1957 à 1979, les États-Unis ont construit 104 réacteurs électrogènes PWR (REP), et BWR (REB) représentant une puissance installée d’un peu plus de 100 GWe soit la première du monde bien qu’elle ne représente que 20% de la puissance électrique totale du pays. Le 28 mars 1979, l’accident de Three Miles Island a brisé le rêve d’accroître considérablement cette part (Lire : Nucléaire : retour d’expérience sur les accidents). Bien que cet accident n’ait eu aucune conséquence radiologique sur l’environnement, le gouvernement a décidé un moratoire sur la construction de nouveaux réacteurs. En 2013, une reprise s’amorçait mais elle a été stoppée par la chute des prix du gaz naturel entraînée par la mise en exploitation des gaz de schistes.
Pauvre en sources d’énergie fossile, le Japon a très tôt misé sur le développement du nucléaire pour satisfaire la forte croissance de ses besoins d’électricité. Début 2011, 50 réacteurs de type REB et REP lui procuraient une puissance de plus de 40 GWe. La catastrophe de Fukushima, provoquée le 11 mars de cette année par un tsunami d’ampleur exceptionnelle, a stoppé l’exploitation de cette source d’énergie dont l’avenir est désormais incertain, comme le prouve sa faible contribution à la production d’électricité en 2016.
La Russie dispose en 2016 de 35 réacteurs d’une puissance totale de 26 GWe. Ce sont majoritairement des VVER, analogues aux REP occidentaux, ainsi que des RBMK (réacteurs à uranium enrichi, modérés au graphite et refroidis à l’eau légère). Dans certaines conditions, ces derniers sont sujets à des instabilités de fonctionnement qui ont conduit à l’accident de Tchernobyl en 1986 (Lire : Nucléaire : retour d’expérience sur les accidents et Nucléaire : rayonnement, radioactivité et radioprotection). Les pays occidentaux avaient étudié ce type de réacteur dans les années 1960, mais, connaissant ce risque d’instabilité, n’avaient jamais envisagé de le construire.
Le reste de la puissance électronucléaire mondiale appartient :
– à l’Allemagne dont les 17 réacteurs cesseront bientôt de fonctionner puisque, sous la pression des Verts, le pays a décidé d’abandonner toute activité dans ce secteur à partir de 2020 ;
– au Royaume-Uni qui a développé dès 1959 la filière graphite-gaz dont il a tiré une puissance voisine de,10 GWe mais que la découverte du pétrole et du gaz en Mer du Nord a stoppé jusqu’à la récente reprise concrétisée par plusieurs projets de REP et peut-être, d’un EPR ;
– au Canada, divers autres pays européens et aux pays émergents d’Asie (Corée du Sud, Chine, Taïwan, Inde) qui ne semblent pas prêts de renoncer à l’énergie nucléaire tant sont grands leurs besoins d’électricité et rares leurs autres sources d’énergie.
En 2017, la World Nuclear Association (WNA) comptabilise une capacité installée de 392 GWe à partir de 352 réacteurs en activité (nombre ne le sont plus notamment au Japon), soit une production de 2 506 TWh. Ses objectifs 2050 atteignent 1 000 GWe, soit 25% du mix électrique mondial.
Bibliographie complémentaire
-Commissariat à l’énergie atomique (1998). 100 ans de Nucléaire.
– Regards sur l’actualité. Le nucléaire français : Quel avenir ? La documentation française.
– Bonin Bernard (2012). Le nucléaire expliqué par des physiciens. Préface d’Etienne Klein.
EDP sciences.
L’Encyclopédie de l’Énergie est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.
Pour citer cet article, merci de mentionner le nom de l’auteur, le titre de l’article et son URL sur le site de l’Encyclopédie de l’Énergie.
Les articles de l’Encyclopédie de l’Énergie sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.