Consommation mondiale d’énergie avant l’ère industrielle

La perspective d’un passage des sources d’énergie fossile à des sources non carbonées a rendu banale l’idée de transition énergétique. Pour en relativiser la portée, rien de mieux que le rappel de la succession des modes d’approvisionnement du monde en énergie, notamment avant l’ère industrielle.


Avec leur passage de l’holocène à l’anthropocène, « pour la première fois, les sociétés sont capables de fabriquer leur propre environnement » et celui qu’elles fabriquent n’est rien moins que catastrophique[1]. Parmi les dangers qui le guettent, l’effet de serre et le changement climatique principalement engendré par les émissions de CO2 qu’émettent les 13 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (Gtep) que le monde a consommées en 2012, après une multiplication par plus de 40 depuis 1800[2] (Lire : La transition énergétique : un concept à géométrie variable et La transition énergétique : enjeu majeur pour la planète).

Cette formidable croissance a été rendue possible par l’accès au stock apparemment inépuisable des ressources fossiles enfouies dans le sous-sol de la planète Terre (Lire : Une brève histoire de l’énergie). En libérant les sociétés des contraintes que faisaient peser sur leurs activités la rareté et/ou l’intermittence des sources d’énergie jusque là disponibles, cet accès a suscité des changements technologiques qui, à leur tour, ont fait émerger de nouvelles sources d’énergie et ont stimulé leur consommation. Cumulatif, le mouvement a bouleversé, en les améliorant, les conditions de vie d’une partie croissante de l’humanité, mais il a aussi détruit ou gravement altéré son environnement naturel (Lire : L’environnement dans les politiques de l’énergie).

La compréhension d’un tel processus passe par une reconstitution aussi fidèle que possible de l’évolution de la consommation mondiale d’énergie depuis la première révolution industrielle en relation avec les changements techniques qui l’ont accompagnée dans les diverses régions du monde. Cette séquence ne saurait cependant suffire car la nouvelle trajectoire ne se comprend qu’à la lumière de l’évolution antérieure de la consommation d’énergie. Que sait-on de cette dernière ? Quels besoins satisfaisait-elle ? À partir de quelles sources d’énergie et à l’aide de quels convertisseurs ? Comment les unes et les autres ont-ils changé au cours du temps ? Par évolution lente et régulière ou à travers une succession de révolutions, comme celles identifiées par André Varagnac[3] ? Ce changement s’est-il toujours effectué en harmonie  avec l’environnement naturel des sociétés ou l’a-t-il perturbé au point que certaines d’entre elles ont dû se tourner vers des techniques accusées aujourd’hui de conduire « une guerre contre la nature »[4]?

 

1. D’abord, les sources d’énergie endosomatique

Pour l’homme paléolithique, la principale source d’énergie disponible est sa force musculaire dite source d’énergie endosomatique. Le corps humain est en effet un convertisseur biologique dont l’efficacité est mesurée par le rapport, en équivalent calorifique, de l’énergie mécanique qu’il peut délivrer (output) au contenu calorifique de son alimentation (input). Sur les 2 500 kcal/jour contenues, en moyenne, dans cette dernière, les 4/5ème servent à l’entretien de l’organisme (respiration, circulation sanguine…) et sont perdues durant le sommeil ou sous forme de déjection (Lire : Conversion de l’énergie chimique des plantes à l’énergie musculaire). Restent environ 500 kcal/jour  utilisables pour se procurer de la nourriture, construire et entretenir son habitat, se déplacer à pied, tailler des outils d’os ou de pierre.

Que représentait cette source d’énergie à l’échelle d’un groupe humain ? (Lire : Les unités d’énergie) En convertissant les kcal/jour en tep ou kWh/an, unités plus faciles à appréhender de nos jours que les multiples du Joule, on arrive à des ordres de grandeur d’un input de 0,1 tep/an/habitant d’énergie thermique délivrant un output de 0,02 tep ou de 212 kWh/an/habitant d’énergie mécanique[5].

Ces quantités ont évidemment évolué dans le temps, les premières avec la disponibilité et la qualité de la nourriture disponible, les seconde avec la durée du travail, extrêmement variable d’une époque et d’une société à l’autre[6], mais leur part dans la consommation totale d’énergie n’a cessé de se réduire. Nombre d’auteurs se sont donc demandés s’il était utile de les prendre en considération. Après avoir reconnu que « as a means to convert energy, man can be measured like any other converter », Fred Cottrel préfère limiter l’étude de la croissance énergétique à celle des convertisseurs que les hommes ont inventé pour produire les énergies qui se substitueront à leur force musculaire[7]. W.S. et E.S. Woitinsky adoptent un point de vue identique après avoir calculé que le travail des 500 millions de personnes régulièrement engagées dans de lourdes tâches manuelles en 1950 était grossièrement équivalent à l’énergie mécanique dégagée par la combustion de 50 millions de tonnes de charbon, soit 0,03 % de la consommation mondiale d’énergie à cette date[8].

Pour Jean-Claude Debeir et ses collègues, au contraire, l’énergie endosomatique ne doit pas être négligée si l’on veut comprendre toute l’importance de « la maitrise de la globalité des chaînes alimentaires comme base radicalement nouvelle du système néolithique »[9] (Figure 1).

Fig. 1 : Les dépenses d'énergie endosomatique - Source : https://sites.google.com/site/lesitedemmuller/pages-des-sixiemes/niveau-cinquiemes/valeur-energetique-des-aliments

 

2. Nouveaux convertisseurs et exploitation de sources d’énergie exosomatique

Avant même le passage du paléolithique au néolithique, d’autres sources d’énergie, dites exosomatiques, parce qu’extérieures à la conversion biologique des aliments, ont commencé à être maitrisées. Toute tentative de les classer en les rattachant à une période donnée comporte une grande part d’arbitraire mais les trois étapes proposées par Earl Cook facilitent la compréhension de leurs maîtrises par les sociétés pré-industrielles[10].

2.1. Cueillette, chasse, pêche

À la veille de la première révolution industrielle, quelques groupes d’hommes continuent à vivre de la cueillette, de la pêche et de la chasse, base plus ou moins hybridée de formes d’agriculture et d’élevage très primitives (primitive tillage of the soil and nomadic herding). Estimés entre 100 et 150 millions d’habitants, ces groupes humains peuplent l’Arctique, la Sibérie, l’Amazone, les Iles du Pacifique, les steppes d’Afrique et d’Eurasie. La plupart d’entre eux sont « définis par le petit nombre sur de vastes espaces, mais dans des proportions diverses » : 8 km2 pour un Pygmée, 30 pour un aborigène d’Australie, 200 à 300 pour un Esquimau[11]. Outre l’énergie chimique des plantes et des animaux incorporée à leur alimentation[12],  l’énergie thermique qu’ils utilisent est tirée de la combustion de branchages et d’arbres servant à cuire les aliments, consolider des outils et procurer un peu de chaleur en saison froide.

Fig. 2 : La maîtrise du feu - Source : Nathan McCord, U.S. Marine Corps [Public domain]< via Wikimedia Commons

Cette conversion remonte à la maîtrise du feu suite à la découverte des modalités de son allumage (silex contre pyrite ou marcassite) que la plupart des archéologues situent aujourd’hui entre 250 et 300 000 ans[13]. Elle marque une rupture dans la préhistoire par les bouleversements qu’elle introduit car « le feu facilitait la digestion des aliments, ses flammes éloignaient les animaux dangereux et sa chaleur, pendant les saisons froides, permettait une vie sociale active, au lieu de la confusion et du vide de l’hivernage »[14]. Par la suite, l’évolution de l’humanité ne s’est plus dissociée du bois de feu qui, de nos jours, représente encore 10 % de la consommation mondiale d’énergie, mais ses modes d’utilisation ont évidemment varié. Au cours du paléolithique, vers 8 000 avant notre ère, il était brûlé en plein air ou dans des grottes puis dans des foyers culinaires sous des cabanes où des feux, volontairement diminués, pouvaient servir par leur fumée à sécher des poissons[15]. Outre la raréfaction des animaux chassés, un déboisement excessif entraînait sa disparition et contraignait à un déplacement du petit groupe de chasseurs (Figure 2).

La rareté du bois de feu a-t-elle pu inciter ces populations à utiliser occasionnellement et ponctuellement des combustibles minéraux ? Ce n’est pas exclu, comme semblent l’avoir fait, vers l’an 1000 de notre ère, les indiens Hopis sur le territoire devenu l’État de l’Arizona ou certaines peuplades du sud de l’Afrique pour fabriquer par une métallurgie primitive des pointes de flèches, des sagaies et des houes[16]. Dans les deux cas, il s’agissait vraisemblablement d’affleurements charbonniers, bien que des expériences minières paraissent avoir été précoces : on en trouve des traces, entre 3500 et 2000 avant J-C, dans la région de Mons en Belgique. Pour se procurer des silex, les habitants du lieu creusaient des galeries horizontales à l’aide de pics en bois de cerf, à partir du flanc des collines puis à partir de puits atteignant jusqu’à 16 mètres de profondeur. De ces derniers, que prolongeaient des réseaux de galeries, étaient évacués les rognons (silex) dans des couffins halés par des cordes[17].

Comparées aux sources d’énergie thermique, les sources d’énergie mécanique étaient peu nombreuses car réduites à l’usage d’embarcations creusées dans des troncs d’arbres au moyen de tranchets en rognons de silex. Plus tard, au cours du néolithique, d’autres embarcations « faites d’osier imperméabilisé par une pâte d’argile et de bitume, de roseaux soutenus par des outres gonflées ou des radeaux en bois » feront leur apparition au Proche-Orient[18].

Quel volume représente la consommation annuelle d’énergie des populations vivant de la chasse, de la pêche et de la cueillette ? Peut-être 0,2 tep/an par habitant, dont la moitié sous forme endosomatique et l’autre sous forme exosomatique[19]. Nul  besoin, donc, d’autres combustibles que la biomasse sur un territoire donné que les grands incendies forestiers ou les variations climatiques pouvaient cependant menacer (Lire : Biomasse et énergie).

2.2. Agriculture primitive

Toujours au début du 19ème siècle, la plus grande partie de la population mondiale emploie des techniques forgées depuis la période néolithique. Plusieurs centaines de millions d’hommes, surtout en Asie et en Europe, vivent d’agriculture et d’élevage, d’artisanat et de services dans le cadre de petites communautés villageoises. Les modes de vie et les techniques de cette grande masse paysanne ont évolué si lentement que les « french peasants in the seventeenth century lived no better than the shepherds of Homer or the slaves who built Egypt’s  pyramids » aux dires de W.S et E.S. Woytinsky. L’agriculteur primitif d’Earl Cook ou le membre de la « food raising society » de Fred Cottrel utilise au moins 0,3 tep/an en sources exosomatiques, en plus d’une alimentation sensiblement améliorée qui accroît sans doute très légèrement son énergie endosomatique, toujours indispensable dans tous les domaines, « le forgeron et son marteau, le bûcheron et sa cognée, le paysan et son hoyau, le vigneron portant sa hotte ou le maçon ses pierres le prouvent »[20].

Fig. 3 : Traction animale ancienne - Source : Deutsch: Maler der Grabkammer des SennudemEnglish: Painter of the burial chamber of Sennedjem [Public domain], via Wikimedia Commons

Une petite partie des sources exosomatiques mobilisées répond à des  besoins additionnels en énergie mécanique pour transporter des marchandises en plus grands volumes sur de plus longues distances au fur et à mesure que se développent les échanges entre villages puis petites villes. À cette fin, la force musculaire des animaux (chameaux, dromadaires, bœufs, ânes, chevaux), est convertie d’abord à l’aide de bâts puis de chariots tractés grâce à l’invention de la roue, vraisemblablement en Égypte vers le milieu du deuxième millénaire avant J-C. La croissance des transports qui en résulte sera favorisée en Europe par l’extension des routes empierrées sous l’empire romain. Parallèlement, les descentes fluviales en radeaux et canoës deviennent  maritimes par l’adjonction de voiles qui permettent aux Phéniciens de sillonner la Méditerranée durant toute l’Antiquité (Figure 3).

La maîtrise de la force musculaire des animaux soutient aussi l’extension de l’agriculture qui implique de défricher des landes ou des forêts, de labourer plus profondément ou de pomper de l’eau d’irrigation, mais la quantité d’énergie mécanique  qui en est retirée est limitée par le faible rendement des dispositifs de conversion, notamment lorsqu’il s’agit d’atteler des chevaux que le collier de gorge empêche de respirer. Le changement viendra de son remplacement par le collier d’épaule, associé aux traits et au palonnier, à partir du 10ème siècle[21].

Toujours en liaison avec le développement de l’agriculture, de nouveaux dispositifs hydrauliques (roues à aubes, chaînes à godets, saqqya, norias) sont progressivement mis au point[22]. Ils donneront naissance au cours du dernier siècle avant notre ère aux premiers moulins à eau dans l’Orient méditerranéen, mais sans doute aussi en Chine. A roues horizontales ou verticales, ils étaient destinés à la mouture des grains et plus tard au sciage du bois et  des pierres.

L’autre partie, quantitativement plus importante de la consommation d’énergie, répond à de nouveaux besoins en énergie thermique. Les techniques de cuisson et de chauffage ont peu changé au cours du temps : le foyer à trois pierres persiste dans nombre de régions et celui installé dans les habitations reste dépourvu de cheminée, soit dans les deux cas des rendements de conversion de l’ordre de 1 à 5%.  En revanche, avec la sédentarisation et l’agriculture, de nouvelles techniques émergent : le séchage des denrées alimentaires telles que le blé,  la poterie et la briqueterie, entre 7 000 et 5 000 avant notre ère[23], puis, un peu plus tard, la fusion des métaux (cuivre et étain dont est tiré le bronze)[24]. Toutes requièrent des températures élevées, entre 500 -700° C et même 1 000° C, d’où le recours au charbon de bois. Ce dernier est le produit d’une combustion lente de bois empilé, couvert de terre. Utilisé à des fins métallurgiques, il est disposé en couches alternées avec le minerai dans de petits fourneaux enterrés mais dotés d’une entrée d’air et, éventuellement d’un soufflet. L’extension de cette technique à la fusion du minerai de fer, entre 1 700 et 1 500 avant J-C, accroît très sensiblement les besoins de bois de feu. À un prélèvement accru de ressources forestières (brindilles, taillis, arbres morts ou abattus), s’ajoute la combustion de déchets végétaux (cosses de légumineuses, noyaux de fruits tels que ceux des dattes) ou animaux (bouses de bovins séchées).

2.3. Modernité pré-industrielle

Reste enfin, en 1800, une minorité de 10 à 20 millions d’habitants, vivant en Europe occidentale et dans quelques grandes agglomérations, asiatiques notamment, qui doit mobiliser en moyenne 0,5 à 0,7 tep/an, soit au moins deux fois plus que le paysan traditionnel. Le cultivateur dit moderne (cultures de plantes fourragères, nouveaux assolements, labours plus profonds, irrigation…), ne consomme vraisemblablement pas, pour la cuisson de ses aliments et son chauffage en saison froide, beaucoup plus de bois que le paysan primitif. En revanche, il se déplace plus et réalise des travaux champêtres qui exigent une plus grande quantité d’énergie mécanique.

Fig. 4 : Londres au 17ème siècle - Source : Wencesclas Hollar, others [Public domain], via Wikimedia Commons

À la même époque, la population urbanisée[25] jouit en moyenne de plus de confort domestique (cuisson des aliments, chauffage de l’eau et du logement), dispose de biens plus nombreux et de meilleure qualité (vêtements, ustensiles de maison, outillage), se déplace plus que les ruraux et attire des flux de biens qui doivent être transportés. C’est vrai des villes capitales (Londres, Paris), de celles que les manufactures commencent à enrichir (Manchester) ou de celles qui ont déjà tiré parti du commerce au long cours (Venise, Amsterdam), voire de la traite des esclaves. Liverpool rappelle Nantes dont les belles maisons de pierre s’alignent le long de la Loire[26] (Figure 4).

Les outils de l’agriculture avancée et les équipements des ménages urbains sortent d’ateliers qui transforment des semi-produits, les uns et les autres issus de manufactures consommant plus d’énergie mécanique et thermique. Les sources de la première n’ont pas changé mais les convertisseurs ont progressé. La traction animale est devenue plus efficace grâce aux ferrures à clous, aux harnais, au collier d’épaule et aux véhicules, parallèlement à la croissance du nombre d’animaux de trait rendu possible par l’extension des prairies et peut-être par l’amélioration de leurs races.

Fig. 5 : Le Moulin de la Barre, Début du 20ème siècle - Source : Scanné par Claude Shoshany [Public domain]. Wikimedia Commons

Les moulins à eau se sont aussi multipliés en Europe occidentale à partir du milieu du 12ème siècle. Menacés de disparition avec l’effondrement de l’Empire romain, ils suscitent un nouvel intérêt notamment des ordres monastiques au 10ème siècle. « Invention antique, le moulin à eau est médiéval par l’époque de sa véritable expansion » notera Marc Bloch[27], et Bertrand Gille d’ajouter « l’utilisation sur une large échelle de l’énergie hydraulique représente sans doute la grande innovation médiévale »[28]. Elle s’appuie moins sur de nouvelles techniques que sur un contexte institutionnel favorable « qui place les moulins à blé entre les mains du groupe seigneurial et en régule à la fois le service aux consommateurs locaux de farine et la coexistence dans des bassins hydrauliques soigneusement entretenus et délimités »[29]. Par la suite, le long du Danube, du Rhône et des nombreuses rivières d’Angleterre ou d’Italie, le moulin fournit de l’énergie mécanique aux fabricants de pâte à papier et aux métallurgistes, il sert à battre les peaux dans les tanneries, il actionne les foulons à feutres, il fait tourner les polisseuses des armuriers, il pompe l’eau des mines et broie les minerais[30]. Au 18ème siècle, certains de ces moulins atteignent des rendements de 75% grâce au positionnement de la roue au dessus du cours d’eau, contre 60% sur le côté et 25% au dessous (Figure 5).

C’est aussi à partir du 12ème siècle, surtout dans les régions dépourvues de cours d’eau à débit rapide, que le moulin à vent, originaires d’Iran, se diffuse, depuis l’Espagne, dans toute l’Europe septentrionale[31], avec cependant plus de difficultés que le moulin à eau car la conversion de l’énergie éolienne en énergie mécanique suppose des appareils capables de s’orienter dans le sens du vent. Un long apprentissage conduira les ingénieurs hollandais à construire de grands moulins (10 CV et plus), très performants, vers la fin du 16ème siècle. Dans ce pays, ils écrasaient le grain, sciaient le bois, moulaient les épices, asséchaient les polders, toutes opérations qui ont concouru à la prospérité des Pays-Bas par ailleurs à la tête des échanges internationaux de l’époque.

La consommation de sources d’énergie thermique s’est, elle aussi, accrue parce que les urbains se chauffent plus : « le bourgeois de Paris du 13ème siècle peut utiliser une cheminée au large, grande consommatrice de bois, alors que le Romain, du temps de César, ne pouvait se permettre qu’un braséro »[32]. À quelle quantité de combustible aboutit une telle utilisation ? À la fin de l’Ancien Régime, Paris consomme vraisemblablement 1 tonne de bois par habitant et par an, répond Fernand Braudel[33]. À quoi, il faut ajouter la production de chaux, briques, verre, fer et autres métaux, gourmande en bois de chauffe ou en charbon de bois.

Toutes ces techniques sont caractéristiques du système baptisé éotechnique par Lewis Mumford, au sens d’« aube de la technique moderne », façonné en Occident au cours des huit siècles qui suivent l’an 1000[34].

 

3. Développement économique et déforestation

Les changements techniques et la croissance de la consommation d’énergie retracés ci-dessus ont soutenu le développement démographique et économique mondial[35].

Entre le début de notre ère et la première révolution industrielle, la population mondiale a été multipliée par cinq, soit un rythme annuel moyen de 0,07 %, déjà un peu plus rapide en Europe occidentale, au Japon et dans les pays d’immigration européenne (0,09 %) que dans le reste du monde (Tableau 1). Au cours de cette période, mais uniquement dans la première des deux parties du monde, l’espérance de vie s’est allongée, de 24 ans jusqu’en 1000 à 36 ans en 1820, sous l’effet plus prononcé d’une lente baisse du taux de mortalité que d’une élévation du taux de fécondité.

 

Tableau 1 : Accroissement de la population mondiale entre le début de notre ère et 1820

 

Mh 0 1000 1820
Europe de l’Ouest   24.7   25.3 132.9
Pays d’immig. Europ.     1.2     2.0    11.2
Japon     3.0     7.5    31.0
Amérique latine     5.6   11.4    21.2
Europe de l’Est     8.7   13.6    91.2
Asie hors Japon 171.2 175.4  679.4
Afrique    16.5   33.0     74.2
Monde 230.8 268.3 1041.1
Source : Maddison Angus. L’économie, op. cit, p. 28.

 

Cette population plus nombreuse dispose d’un revenu par habitant à peine plus élevé en 1820 qu’au début de notre ère (667 dollars au lieu de 444), sauf en Europe occidentale et dans les pays d’immigration européenne où ce revenu a été multiplié par trois[36].

Le volume des sources d’énergie à la disposition des habitants n’est évidemment pas le seul facteur explicatif des différences de croissance démographique et économique. En Europe occidentale, les lents progrès de la productivité agricoles, l’amélioration de l’habitat, un début de résistance aux maladies infectieuses ont fortement contribué au croît démographique et économique. Inversement, dans le reste du monde, la destruction des civilisations agraires du Mexique et du Pérou par les conquérants espagnols, le trafic d’esclaves et l’extinction des populations indigènes aux États-Unis ont plus que compensé l’introduction de nouvelles cultures, de nouveaux animaux et de nouvelles machines. En Chine, où se concentre 37 % de la population mondiale en 1820, de grandes famines et de terribles invasions mongoles ont plusieurs fois interrompu des croissances démographiques et économiques soutenues au cours du premier millénaire de notre ère.

Même si les débats entre historiens sur les performances comparées de l’Europe et de la Chine à partir de l’an 1000 sont loin d’être clos, il est peu douteux que l’Europe occidentale a progressivement pris la tête du développement économique mondial en s’appuyant sur une consommation d’énergie exosomatique par habitant probablement double de celle du reste du monde, soit 0,4 tep contre un peu plus de 0,2. Mais, dans plusieurs régions des deux continents, Asie et Europe, la croissance de cette consommation, principalement à partir d’une exploitation de la biomasse, a aussi contribué  à des déforestations qui ont laissé des traces indélébiles.

Fig. 6 : Le bois combustible des bas fourneaux - Source : https://www.fontesdart.org/c-charbon-de-bois/

Que sait-on d’elles ? Le recul des forêts avant 1500  est encore si mal connu que l’on peut parler à son propos de « dark ages in time and dark areas in space »[37]. Il devient significatif partout où s’installe le paysan du néolithique qui, environ 4 500 ans avant notre ère, défriche la forêt en la brûlant et en abattant les arbres avec des haches équipées d’un silex puis d’une lame métallique. Il le fait pour disposer de surfaces cultivables mais aussi pour se procurer du bois de chauffage. En Europe occidentale, l’espace forestier nécessaire à cette fin est estimé, pour  un groupe de 30 personnes, à un peu plus de 6 km2, soit 20 hectares par habitant. La déforestation qui résulte du défrichement progresse avec la croissance démographique, l’équipement des agriculteurs (houe et plus tard charrue) et les besoins de bois de feu que stimule notamment le développement de la fusion des métaux. À preuve : alors que vers 1300, « un foyer de réduction directe consommait en moyenne une dizaine d’hectares de taillis par an », « deux siècles plus tard, un haut fourneau de taille moyenne exige la mise en coupe annuelle de 500 à 1 000 hectares » et donc la mise en réserve d’un massif forestier de 10 000 à 20 000 hectares[38]. Les conséquences de la déforestation ont été très variables d’une région du monde à l’autre (Figure 6).

3.1. Le déclin économique de la région méditerranéenne

À l’époque romaine « there is more abundant evidence about felling to smelt metal or to produce fuel wood for domestic use and baths or to service the general timber trade to imperial Rome and others cities »[39].  Dès l’époque néolithique, la forêt moins dense du pourtour méditerranéen avait en effet commencé à  disparaitre « attaquée par les moutons et les chèvres, périodiquement détruite par les incendies involontaires des étés chauds, et ceux volontaires des pasteurs qui étendent ainsi leurs parcours »[40]. Plus tard, en Grèce, la déforestation était déjà si avancée que, selon Platon, ses restes permettaient « only afford sustenance to bees », alors que 9000 ans plus tôt, la campagne athénienne était couverte de forêts fournissant des fruits en quantité illimitée, de la nourriture pour les animaux et du bois de construction pour les maisons[41].

La situation ne s’améliore pas durant et après la période de l’Empire romain. Tôt détruites, les forêts de cette région ne se sont pas reconstituées mais se sont transformées en garrigues et en maquis, souvent dévastés par l’érosion qui mine la vitalité des sociétés agraires. Tant sur les rives méridionales que septentrionales de la Méditerranée, la rareté du bois n’affecte pas seulement la construction des navires mais « la simple cuisine quotidienne, l’humble foyer du campement allumé entre deux pierres. Tout l’alimente : quelques brindilles, des racines, des herbes sèches, la paille ou l’alfa, l’écorce de palmier-dattier, la fiente de chameau, de cheval ou de bœuf que l’on fait sécher au soleil ». Même au Caire, le fumier séché sert de combustibles[42].

Plus à l’ouest, les pénuries s’accentuent  à partir du 12ème siècle[43]. Carlo Cipolla en analyse les conséquences pour l’Italie : dès la deuxième moitié du Quattrocento, la pénurie de bois de chêne est telle que l’on commence à couper les oliviers pour en faire du bois d’œuvre ou le brûler, tandis que la brique, la pierre et le marbre le remplace de plus en plus dans les constructions. Rien n’y fait, les prix s’envolent. Ceux du petit chêne (rovere) utilisé par la construction navale de Gènes sautent de 100 en 1463-68 à 1 200 en 1577-81. Fernand Braudel confirme qu’à cette époque la pénurie contraint à des mesures drastiques pour protéger les restes de forêts dans une République de Venise qui importe déjà des bois de Pologne. Le sort du reste de l’Europe méditerranéenne n’est pas plus brillant. Les zones arides de l’Espagne centrale ont été complètement déboisées à partir du 11ème siècle. Cinq siècles plus tard, les exigences en combustibles des moulins à sucre avaient privé l’île de Madère de toute sa couverture forestière.

Ici et là, la raréfaction du bois incite à se tourner vers la combustion de charbon minéral. Mais outre que leurs gisements ne sont ni abondants ni aisément accessibles, les économies des pays méditerranéens ne sont pas techniquement assez avancées pour mettre au point les dispositifs qui permettraient de le substituer massivement au bois. De là, le déclin de cette région du monde au moment où se préparait plus au nord la première révolution industrielle.

3.2. Le décollage industriel raté de la Chine

La raréfaction du bois est probablement aussi ancienne dans la Chine septentrionale que sur les pourtours de la Méditerranée, mais on sait peu de chose à son sujet. Avant le début de la dynastie des Ming en 1368, les textes disponibles n’évoquent que l’existence de bosquets, autour des villages, qui fournissent le combustible indispensable à la cuisson des aliments et au chauffage des habitations[44]. À cette époque pourtant, la déforestation est déjà très avancée, « les Chinois, tout comme d’autres peuples aux époques primitives, tout comme les pionniers du Nouveau Monde » l’ont pratiqué. Il en a résulté au cours des siècles une érosion qui a « changé la figure du pays »[45].

Vers 1700, les forêts recouvraient encore environ 26% de la superficie de l’Empire et même 37% si l’on exclut les franges peu peuplées de l’Ouest (Tibet, Xinjiang, Qinghai et Mongolie extérieure), mais la province du Jiangsu qui englobait une grande partie du delta ne comptait déjà plus que 5% d’espaces boisés. Entre 1753 et 1853, la couverture forestière s’était réduite même dans les régions les mieux dotées : de 45 à 24% dans le Guangdong ; de 35 à 25% dans le Guangxi ; de 40 à 24% dans le Lingnan.

En réponse aux pénuries de bois de feu résultant de la déforestation, le charbon de bois est rationné dans les villes qui avaient dû en faire venir de régions de plus en plus lointaines, dès la dynastie des Song du Nord, entre 910 et 1126 de notre ère. Beaucoup plus développée qu’en Europe, la sidérurgie du Shandong ne s’en était sorti qu’en recourant au charbon minéral déjà exploité dès avant notre ère. Au cours des cinq siècles suivant, la Chine connaît une  « remarquable proto-industrialisation des régions septentrionales »[46] qui ne s’est cependant pas muée en révolution industrielle. Les historiens continuent à en débattre les causes. Parmi celles qu’ils avancent, une crise du bois de feu moins grave que celle qui frappera la Grande-Bretagne à partir du 16ème siècle, et ce pour  plusieurs raisons.

Les besoins de combustibles étaient moindres en Chine parce que  les méthodes de cuisson chinoises, plus rapides, consommaient moins de bois qu’en Europe ; les régions méridionales du pays n’exigeaient pas de chauffage ; les fourneaux chinois étaient plus efficaces que les cheminées ouvertes (open fire) de l’Europe. Sur la base d’une consommation vraisemblable de 0,3 tep/habitant et d’un rendement forestier à l’hectare variable entre la province du Shandong, zone densément peuplée de la plaine du nord, et le Lingnan, zone rizicole du sud, Kenneth Pomeranz parvient à la conclusion qu’à la fin du 18ème siècle, la pression exercée sur les ressources était inférieure en Chine à ce qu’elle était en France alors même que ce dernier pays restait beaucoup mieux pourvu en forêts que les Pays-Bas ou l’Angleterre. Moindres, les besoins chinois en combustibles végétaux étaient en outre mieux satisfaits qu’en Europe par la disposition des bosquets à l’intérieur ou à proximité des cours de chaque famille ce qui minimisait le temps de transport et facilitait la collecte des brindilles normalement abandonnées en forêt. Si l’on ajoute que la croissance annuelle des arbres était sans doute plus rapide en Chine méridionale qu’en France et que chaque famille paysanne chinoise utilisait plus complètement les résidus de récolte et les déchets animaux, on peut admettre l’hypothèse d’une moindre pression en vue de se procurer de nouveaux combustibles en dehors des régions les plus septentrionales où la couverture forestière ne dépassait plus 1 à 3%.

3.3. Les crises du bois de feu en Europe septentrionale

De la méditerranée, la déforestation gagne l’Europe septentrionale, par étape, sous l’effet de l’expansion démographique et du développement agricole qui exige des défrichements, tout en s’aggravant là où s’accroissent les besoins de matériaux et de combustibles. Le bois est en effet  « le matériau universel de l’économie éotechnique »[47] : constructions (digues, coffrages, grues, sapines, poutres), meubles, ustensiles ordinaires, outils et instruments (métiers à tisser, pressoirs à huile ou à raisin, presses à imprimer, tours), véhicules et machines (charrettes, moulins à vent et à eau), bateaux de tous types, armes, soutènement minier. Plus encore, il en est la seule source d’énergie thermique, domestique et industrielle (poterie et métallurgie, notamment). De façon générale, cependant, l’Homme médiéval ne la ménage pas : « Nell’Europa pre-industriale, l’uomo agi verso il bosco prevalentamente in maniera parasitaria, sfruttanto questa forma come si sfrutta una miniera di carbone o una qualunque altra risorsa naturale »[48]. D’où des pénuries dont les dates et l’intensité varient avec la pression qui s’exerce  sur les ressources en fonction de la croissance des besoins et de la superficie des espaces boisés rapportée à la population[49].

Entre tous les pays d’Europe occidentale, la Grande-Bretagne est le plus menacé, parce que les progrès de l’économie et de la société y sont les plus avancés depuis le 16ème siècle et, avec eux la croissance de la consommation d’énergie, alors même que les richesses forestières y sont moindres que dans la partie septentrionale de l’Europe continentale. Mais ce même pays dispose aussi de plusieurs atouts : son sous-sol regorge de charbon minéral dont les affleurements rendent l’exploitation aisée ; son avance économique lui permet de mettre au point de nouvelles techniques indispensables à l’utilisation, puis à l’extraction, des combustibles fossiles solides. La forte hausse des prix du bois de feu débouchera ainsi sur l’adoption du charbon minéral comme nouvelle source d’énergie au cours du 18ème siècle.

Fig. 7 : La déforestation - Source : Jami Dwyer [Public domain], via Wikimedia Commons

Ce début de transition énergétique ne met pas fin à la déforestation. Celle-ci va se poursuivre de plus belle aux États-Unis tout au long du 19ème siècle puis dans le reste du monde au cours du 20ème siècle, ce malgré l’exploitation à grande échelle des combustibles fossiles[50] (Figure 7).

 


Notes et références

[1] Par référence à la désignation des époques géologiques caractérisant l’ère quaternaire (pléistocène et holocène), le terme d’anthropocène (époque de l’homme) a été inventé par Paul Crutzen, prix Nobel de chimie 1992, lors d’un colloque en l’an 2000, pour signifier que depuis la Première Révolution industrielle l’espèce humaine serait devenue une force géologique. Crutzen Paul J. (2002). Geology of Mankind. Nature, 415. Traduit en français par Jacques Grinevald : Crutzen Paul J. (2007). La géologie de l’humanité : l’anthropocène. Ecologie et politique, 1, pp. 141-148.

[2] Paul Crutzen fait débuter sa nouvelle époque en 1784, année de mise au point de la machine à vapeur de James Watt. Jacques Grinevald, pour sa part,  préfère 1860, date de « la  révolution thermo-industrielle » que représenterait la formulation par Rudolph Clausius de la loi de l’entropie croissante.  Grinevald Jacques (2006). La révolution industrielle à l’échelle de l’histoire humaine de la biosphère. Revue Européenne des Sciences Sociales, XLIV, 134. Angus Maddison se situe entre les deux : « les données d’observation dont nous disposons maintenant tendent à montrer que la transition a pris place autour de 1820 plutôt qu’en 1760 ». Maddison Angus (2001). L’économie mondiale. Une perspective millénaire. Paris : OCDE, 400 p, (p. 47).  Plus prosaïquement, nous avons opté pour la première année du 19ème siècle qui est aussi celle pour laquelle on commence à disposer de statistiques de consommation des sources fossiles dans les économies d’Europe occidentale.

[3] A savoir le feu à l’air libre, l’agriculture, la métallurgie, la poudre, le charbon, le pétrole et l’atome. Varagnac André (1972). La conquête des énergies. Paris : Hachette.

[4] Grinevald Jacques. La révolution, op. cit, p. 23. La diabolisation « du choix des sources fossiles » mettant fin à l’harmonie supposée entre sources d’énergie renouvelables et environnement naturel avait déjà été dénoncée au cours des années 1970. Lacoste Jacques (1978). Mythes et réalités de l’histoire énergétique. Revue Générale du Nucléaire, 3, juin-juillet, pp. 155-158.

[5] Sur la base d’1 kWh = 860 kcal.

[6] Les ethnologues ont beaucoup débattu de cette question, certains défendant la thèse d’une faible durée du travail dans les sociétés de chasseurs et de collecteurs qui aurait considérablement augmentée avec la sédentarisation du néolithique. Puiseux Louis (1977). La Babel nucléaire. Paris : Editions Galilée, 302 p, (pp. 21-26). On y trouvera les arguments de Maurice Godelier, de Pierre Clastres ou de Marshall Sahlins.

[7] Cottrell Fred (1955). Energy and society. The relation between energy, social change, and economic development. New York : Mc Graw-Hill,

330 p, (p. 6).

[8] Leur calcul est le suivant : sous l’hypothèse d’une force musculaire équivalente à un dixième de horsepower exercée pendant 2000 à 2500 heures/an, l’énergie humaine équivaut à 50 millions de horsepower ou à 10 millions de tonnes équivalent charbon (tec) que l’on peut obtenir par la combustion de 50 millions de tonnes de charbon. Woitinsky W.S and Woitinsky E.S (1953). World population and production. Trends and outlook. New York : The Twentieth Century Fund, 1268 p, (p. 931). Leur hypothèse de base est très proche de celle que retient Fernand Braudel pour calculer la force musculaire en Europe à la fin du XVIIIe siècle à savoir 100 Watts x 2000 heures = 200 kWh/an par travailleur moyen (1 horsepower = 1,014 CV = 0,736 kW). Puiseux Louis. La Babel, op. cit, p 42-43. Plus récemment, Jean-Marc Jancovici a évalué à 100 kWh/an l’énergie endosomatique maximum d’un homme, soit moins de 0,2 % de l’énergie exosomatique qu’il consomme. Les Echos, 12/11/13.

[9] Debeir Jean-Claude, Deléage Jean-Paul, Hémery Daniel (1986).  Les servitudes de la puissance. Une histoire de l’énergie. Paris : Flammarion, 428 p, (p. 44).

[10] Cook Earl (1971). The Flow of Energy in an Industrial Society,  pp. 135-144. Scientific American, September.

[11] Reinhard Marcel, Armengaud André, Dupaquier Jacques (1968). Histoire générale de la population mondiale. Paris : Montchrestien, 708 p, (p. 15).

[12] L’étude récente des sociétés de cueillette et de chasse révèle que 20 à 40% des kcal absorbés proviennent de la chair des animaux qui présente divers avantages : conversion d’énergie chimique végétale inaccessible aux hommes (écorce d’arbre arrachée aux arbres par les rennes dans le Grand Nord), stockage d’aliments inter-saisonnier et en période de migration, variété accrue de la diète. Boserup Ester (1981). Population and technical change : a study of long term trends. The University of Chicago Press, 225 p. Cet allongement de la chaîne alimentaire n’accroît cependant pas l’efficacité de la conversion : Fred Cottrell évoque une division par 3 ou 4 du nombre de kcal contenus dans des grains lorsqu’ils sont absorbés sous forme de chair de poulets, d’œufs ou de lait. Cottrell Fred (1955). Energy and society, op. cit.

[13] Alors que certains pensent avoir trouvé des traces de domestication du feu datant de 790 000 ans, d’autres ne remontent pas au-delà de 250 000 ans et même moins puisque André Varagnac  retient une maîtrise par les Néandertaliens vers 70 000 avant JC.  Puiseux Louis (1973). L’énergie et le désarroi post-industriel. Paris : Hachette Littérature, 186 p, (p. 109). Les conséquences de la maîtrise du feu sur la formation de l’espèce humaine ont aussi été analysées par Edgar Morin (1973). Le Paradigme perdu : la nature humaine. Paris :  Seuil, p. 72.

[14] Mumford Lewis (1950). Technique et civilisation. Paris : Seuil, 1950, 414 p, (p. 43). La première édition de cet ouvrage aux Etats-Unis date de 1934.

[15] Nougier Louis-René (1970). L’économie préhistorique. Paris : PUF, 128 p (p. 56).

[16] The Mining Survey (1954). The Coal Mining Industry in South Africa. Vol. 5, n°3, September, 32 p.

[17] Nougier Louis-René. L’économie, op. cit, pp. 103-104.

[18] Furia D. et Serre P-Ch. (1970). Techniques et sociétés.Liaisons et évolution.  Paris : Armand Colin, 446 p, (p. 43).

[19] Soit 3 000 kcal/jour d’endosomatique et 2 000 d’exosomatique, selon Cook Earl. The flow of energy , op. cit.

[20] Delort Robert (1982). La vie au Moyen Age. Lausanne : Edita, 301 p, (p. 27).

[21] La mise en lumière de cette innovation est due à Lefebvre des Noëttes (1931). L’attelage et le cheval de selle à travers les âges. Picard, 1931. L’ouvrage de Furia D. et Serre P.Ch. consacre de longs passages (pp. 103-111) aux vifs débats qui ont suivi la publication des travaux de Lefebvre des Noëttes. Lewis Mumford, in Techniques, op. cit, p. 108, mentionne l’usage du collier d’épaule en Chine 200 ans avant J-C.

[22] On en trouve une étude détaillée dans  Gilles Bertrand (1978).  Histoire des techniques. Paris : Gallimard, 1652 p, (chapitre sur les Romains) ainsi que dans Furia D. et Serre P-Ch. Techniques, op. cit, pp. 80-82 ou dans Jacomy Bruno (1990). Une histoire des techniques. Paris : Seuil, 366 p.

[23] Estimation tirée notamment des fouilles de Catal Hüyük en Anatolie. Nougier Louis-René. L’économie, op. cit, pp. 65-66. Depuis, nombre d’autres fouilles ont confirmé cette estimation bien que la cuisson au soleil et la cuisson en four puissent se confondre.

[24] Cette datation est volontairement vague car les archéologues ne cessent de reculer l’origine chronologique de la métallurgie. GilleBertrand, Histoire, op. cit, p. 194.

[25] A la fin du Moyen Age, l’Inde, la Chine, le Mexique avaient des villes d’une plus grande taille que celles d’Europe, mais ce sont ces dernières qui contribuent au changement technique de l’époque parce que l’autonomie qu’elles acquièrent permet une émancipation de la pensée et une vision du monde différente. A la fin du XVIIe siècle, les principaux centres urbains concernés sont : Londres (696 000 h), Paris (488 000 h), Amsterdam (187 000 h), Venise (134 000 h).  Sur les 36 villes de plus de 100 000 habitants recensées dans le monde, les 18 du continent européen abritent 3% de la population alors que les 14 du continent asiatique ne dépassent pas 1%. .Woytinsky W.S. and Woitinsky E.S. World population, op. cit. pp. 113-118.

[26] Mantoux Paul (1973). La révolution industrielle au XVIIIe siècle. Essai sur le commencement de la grande industrie moderne en Angleterre. Préface de T.S. Ashton. Paris : Génin, 577 p, (p. 94).

[27] In Avénement et conquêtes du moulin à eau. Annales d’histoire économique et sociale, 1935, pp. 538-563.

[28] In Histoire, op. cit, p. 526.

[29] Arnoux Mathieu (2013). Quelle histoire pour l’énergie ? in Mosseri Rémy et Jeandel Catherine. L’énergie à découvert. Paris : Editions CNRS, 344 p, (pp. 29-31).

[30] Gille Bertrand. Histoire, op. cit, p. 521.

[31] Cf. de nouveau Gilles Bertrand. Histoire, op. cit,  pp. 525-550 ; Furia D. et Serre P-Ch. Techniques et sociétés, op. cit ; Jacomy Bruno. Une histoire des techniques, op. cit.

[32] Gille Bertrand. Histoire, op. cit, p. 521.

[33] Braudel Fernand (1967). Civilisation matérielle et capitalisme (15ème-18ème siècle), Paris : A. Colin, tome 1, (p. 280). Selon la qualité du bois et son degré de séchage, il s’agit donc de 0,3 à  0,5 tep.

[34] Mumford Lewis Technique, op. cit, p. 105.

[35] Ce qui suit est tiré de Maddison Angus. L’économie, op. cit, pp. 27-30.

[36] Il s’agit de dollars internationaux de 1990 dont les montants ne sont, bien sûr, que de simples points de repère.

[37] Williams Michael (2000). Dark  ages and dark areas : global deforestation in the deep past. J. Hist. Geogr. 26 (1) 28-46. Nous avons emprunté à cet article l’essentiel de ce qui suit sur la déforestation.

[38] Arnoux Mathieu. Quelle histoire, op. cit, p. 30.

[39] Williams Michael. Dark ages, op. cit, p. 35.

[40] Nougier Louis-René. L’économie, op. cit, p. 84. Au cours des derniers millénaires avant J-C, l’Egypte, la Mésopotamie puis la Grèce ont aussi été victimes d’un manque de bois obligeant à utiliser toute sorte de combustibles tels que des noyaux de fruits. Gille Bertrand. Histoire, op. cit, pp. 240, 371.

[41] Woytinsky W. S. and Woytinsky E.S. World population, op. cit, p. 313.

[42] Braudel Fernand. (1985). La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. Paris : Armand Colin, tome 1, 588 p, (p.158-159).

[43] « Il maquis della Francia meridionale e le aride zone della Spagna centrale sono conseguenze de quel che gli Europei fecero al bosco a partire del secolo XI. Anche in Italia se fece fuori il patrimonio forestale nei secoli XI-XIII ». Cipolla Carlo M (1974). Storia economica dell’Europa pre-industriale. Bologna : Il Mulino, 348 p, (p. 128).

[44] Williams Michael. Dark ages, op. cit, p. 36.

[45] Fairbank John  K. et Goldman Merle (2010). Histoire de la Chine. Des origines à nos jours. Paris : Tallandier, 750 p, (pp. 40-41).

[46] Debeir Jean-Claude et alii. Les servitudes, op. cit, p. 97.

[47] Mumford Lewis, Technique et civilisation, op.cit. p. 113.

[48] Cipolla Carlo M. Storia, op. cit, p. 128.

[49] On peut en voir une carte et en lire une description in  Delort Robert (1972). La vie, op. cit, pp. 18-21 et 29-30.

[50] L’étude récente des sociétés de cueillette et de chasse révèle que 20 à 40% des kcal absorbés proviennent de la chair des animaux qui présente divers avantages : conversion d’énergie chimique végétale inaccessible aux hommes (écorce d’arbre arrachée aux arbres par les rennes dans le Grand Nord), stockage d’aliments inter-saisonnier et en période de migration, variété accrue de la diète. Boserup Ester (1981). Population and technical change : a study of long term trends. The University of Chicago Press, 225 p. Cet allongement de la chaîne alimentaire n’accroît cependant pas l’efficacité de la conversion : Fred Cottrell évoque une division par 3 ou 4 du nombre de kcal contenus dans des grains lorsqu’ils sont absorbés sous forme de chair de poulets, d’œufs ou de lait. Cottrell Fred (1955). Energy and society, op. cit.

 


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