Source d’énergie renouvelable pilotable, l’hydroélectricité reste au cœur des nouveaux mix électriques. Même dans les pays qui ont déjà beaucoup exploité son potentiel, des possibilités de progression lui sont offertes par la réhabilitation des centrales qui améliore les rendements, augmente les puissances et réduit les impacts environnementaux.
Les propriétaires de centrales hydroélectriques font annuellement des investissements significatifs dans la réhabilitation de leurs équipements et structures pour améliorer la qualité du service offert à leur clientèle et optimiser leur revenu.
Toute installation mécanique ou électrique a une durée de vie. Celle des unités hydroélectriques est d’environ 40 à 50 ans tandis que c’est au moins le double pour les infrastructures (barrage). C’est dans cette tranche d’âge que les spécialistes considèrent que l’augmentation des coûts d’exploitation ainsi que la diminution des performances et de la disponibilité engendrées par le vieillissement nécessite une réhabilitation.
En considération des progrès techniques réalisés par les constructeurs pendant cette période et des changements intervenus sur le marché de l’électricité, le maître d’ouvrage vérifie la coïncidence des solutions de réhabilitation avec ses besoins actuels. Il a alors l’opportunité de ne pas se limiter à une simple remise à niveau mécanique mais de réaliser un suréquipement en spécifiant des caractéristiques fonctionnelles différentes de celles d’origine.
Quelques raisons pouvant conduire à une réhabilitation :
- L’usure induisant une diminution des performances, une augmentation des coûts de maintenance et un risque sur la disponibilité.
- Les modifications des conditions du site dans le temps : évolution des conditions climatiques, variations du débit, de la hauteur de chute, du marnage (différence entre les niveaux extrêmes d’exploitation), domaine d’utilisation (différents débits et chutes utilisés), etc.…
- Les modifications du mode de fonctionnement par rapport à la date de la mise en service de la centrale: nombre de cycles de démarrage et d’arrêt, temps de turbinage annuel, participation à la production d’électricité en périodes de pointe…
- Le progrès technique : possibilités d’amélioration des performances, d’automatisation, de télécommunications et meilleure protection de l’environnement.
Voici quelques types de réhabilitations de centrales ou de composants qui peuvent répondre aux besoins actuels :
- Amélioration du rendement
- Augmentation de la puissance
- Réduction de l’impact environnemental
1. Amélioration du rendement
Grâce à l’amélioration des outils de calcul (ordinateurs de plus en plus puissants, nouvelles méthodes) et à l’évolution des savoirs techniques (meilleure connaissance de l’écoulement des fluides et des phénomènes dynamiques), il est aujourd’hui possible de créer des profils hydrauliques plus performants. On peut désormais améliorer le rendement d’une machine jusqu’à 5% par rapport à la conception initiale.
L’amélioration du rendement permet d’augmenter la production (nombre de MWh fournis annuellement) d’une centrale hydroélectrique avec la même quantité d’eau.
Tous les composants de la machine sont importants dans l’estimation du gain potentiel.
Afin d’optimiser les ressources disponibles lors d’une réhabilitation, il faut prévoir :
- Une nouvelle roue (optimisation en intégrant les dernières évolutions)
- Une analyse des directrices existantes pour estimer l’intérêt d’un changement ou de modification
- Une analyse des pertes dans les pièces scellées (aspirateur et bâche) dont les modifications sont difficiles
Par ailleurs, la modernisation de la centrale dans son ensemble : turbine, alternateur et contrôle-commande permet de s’adapter aux nouveaux modes d’exploitation et d’améliorer la disponibilité des moyens de production dans leur ensemble.
2. Augmentation de puissance d’une centrale
L’augmentation de la puissance, signifie une augmentation de la capacité de production d’une centrale hydroélectrique en augmentant son débit. Pour des raisons administratives ou techniques le débit d’équipement de certaines centrales a été dès l’origine limité à une valeur inférieure au potentiel hydrologique du site. Les progrès techniques permettent, sans modifier.
La centrale, de faire passer plus d’eau dans les turbines qu’il y a quarante ans. Si la licence d’exploitation le permet ou peut être amendée, il est alors possible de convertir ce débit supplémentaire en puissance.
En fonction des caractéristiques des équipements existants et du débit d’eau disponible, le potentiel d’amélioration peut atteindre jusqu’à 30% de la puissance initiale installée.
La centrale hydroélectrique fournira dès lors plus de puissance et d’énergie (MWh) sur une période donnée. Elle sera plus à même de répondre aux besoins de pointe ou de soutien du réseau.
Le minimum à prévoir lors de la réhabilitation pour obtenir une amélioration de puissance est :
- de vérifier que les éléments d’adduction d’eau permettent ces nouvelles conditions d’exploitation (plus de débit entraine une augmentation des efforts)
- d’optimiser l’étude complète de la roue pour accueillir un nouveau débit maximum
- de prévoir une réhabilitation ou un remplacement de l’alternateur
Pour les centrales de lac (barrage-réservoir permettant le stockage d’eau) et possédant des réseaux d’adduction d’eau adaptés, l’augmentation de puissance est un atout dans le maintien de la stabilité du réseau électrique aux heures de pointe.
Du fait du tarif majoré pendant les heures de pointe, c’est aussi un accroissement de la rentabilité économique du projet de réhabilitation et une diminution de son temps de retour sur investissement.
L’amélioration du rendement et l’augmentation de puissance n’ont pas le même impact au niveau d’un projet de réhabilitation. Alors qu’il est possible d’envisager une amélioration du rendement lors de la quasi-totalité des réhabilitations, l’augmentation de puissance nécessite une étude de faisabilité plus poussée.
Il est possible de combiner ces deux types d’améliorations des performances d’une centrale hydroélectrique, solution qui augmente le nombre total de MWh fournis annuellement tout en répondant mieux aux exigences de fonctionnement en heures de pointe.
Au stade de l’avant-projet il convient d’être prudent sur les prévisions de gain en rendement ou en puissance. Les valeurs indiquées plus haut ne sont que des estimations des maximums atteignables actuellement. Ils dépendent du design existant Avant d’engager les calculs de viabilité économique du projet il convient de faire valider le potentiel technique d’amélioration de la machine par un expert.
3. Réduction de l’impact environnemental
Les impacts environnementaux à réduire sont de plusieurs nature.
3.1. Réduction des gaz à effet de serre.
En améliorant le rendement ou la puissance d’une centrale hydraulique, on peut produire plus d’électricité d’origine hydraulique et réduire ainsi la production d’électricité à partir d’énergies fossiles et participer à la réduction globale des émissions de gaz à effets de serre.
3.2. Diminution des risques de pollution
Les avancées technologiques de ces dernières décennies offrent aujourd’hui des alternatives à la lubrification traditionnelle par huile et graisse minérales (lubrification à l’eau, par le biais d’huile biodégradable, douilles autolubrifiantes, etc.…). Les composants obsolètes d’une centrale, pouvant occasionner accidentellement des dégradations de l’environnement, peuvent ainsi être remplacés par des composants de technologies de dernière génération
3.3. Augmentation du taux de survie des poissons transitant par la turbine
Les poissons migrateurs peuvent être mis en danger lorsqu’ils doivent passer par la turbine pour retourner à la mer. La réhabilitation est une occasion d’améliorer leur taux de survie. Ainsi, les critères propres à l’écoulement peuvent être améliorés de même que certaines parois des passages hydrauliques pour minimiser les risques de blessures causés aux poissons et ainsi accroitre leur taux de survie.
3.4. Augmentation de l’oxygène dissous
Dans les zones climatiques chaudes, vers la fin de l’été, la prise d’eau des turbines peut s’alimenter d’une eau dépourvue en oxygène, ce qui est nuisible à la vie aquatique à l’aval du barrage. On peut utiliser avantageusement l’effet venturi qu’on retrouve dans les roues de turbine pour aspirer de l’air à la pression atmosphérique et le mélanger à l’eau pour reconstituer ainsi une eau préservant la vie aquatique.
Conclusion
La réhabilitation est une étape importante dans la vie d’une centrale hydro-électrique. Elle permet moyennant un investissement limité de s’adapter aux nouvelles conditions d’exploitation tout en profitant des dernières avancées technologiques pour en améliorer la disponibilité, les rendements, la puissance, la robustesse et de l’adapter aux dernières exigences environnementales.
Dans un délai court par rapport à la création d’une nouvelle centrale, la réhabilitation permet d’augmenter la productivité de tout parc existant et vieillissant en améliorant la quantité d’énergie renouvelable qu’il délivre, en réduisant sa maintenance et optimisant son exploitation pour une très longue durée avec une action minime sur l’infrastructure installée et sur l’environnement.
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