L’essor de l’extraction des gaz de schistes aux États-Unis au cours de la première décennie du 21ème siècle a bouleversé le bilan énergétique de ce pays. Ses volumes non utilisés in situ commencent à gonfler le marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL). Mais qu’est-ce qu’un gaz de schiste ? D’où provient-il ? Comment est-il extrait ? Avec quels effets sur l’environnement ?
Jusqu’au début des années 2000, le gaz naturel exploité, essentiellement le méthane, était issu de trois sources : les réservoirs d’hydrocarbures dits conventionnels, la transformation pétrochimique d’hydrocarbures lourds et le biogaz. Depuis une dizaine d’années, avec la raréfaction des ressources fossiles, l’exploitation de réservoirs de gaz non-conventionnels s’est développée, principalement aux États-Unis. Dans ces réservoirs, le gaz est piégé dans une porosité microscopique peu accessible, la roche étant très faiblement perméable. Cet hydrocarbure est appelé gaz de schiste ou shale gas (Figure 1).
Le gaz naturel, ou méthane, est une énergie fossile produite par l’exploitation de réservoirs géologiques dits conventionnels, soit seul soit en association avec d’autres hydrocarbures (condensats, huiles). En 2017, la demande en gaz naturel était de 3 680 milliards de m3 (Gm3), croissance globale mais hétérogène : +9% par an en Chine entre 2006 et 2016 ; mais -2,3% en Europe durant la même période .
Au niveau mondial, les ressources de gaz de schiste estimées représentent 207 000 Gm3, soit autant que les ressources prouvées de gaz conventionnel. D’ici 2035, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les gaz de schistes pourraient représenter plus de 20% des investissements dans le secteur de l’exploitation de gaz fossile, soit un montant de 2 400 milliards de dollars estimé sur la période 2014-2035.
La question de l’exploitation de ressources d’hydrocarbures non-conventionnelles fait l’objet de vifs débats. Différentes visions politiques et industrielles s’affrontent. Ainsi, depuis le début des années 2000, l’essor du gaz de schiste aux États-Unis modifie le bilan énergétique de ce pays, lequel, importateur de gaz naturel, est devenu exportateur en 2017. Ailleurs dans le monde, le faible niveau des connaissances scientifiques sur les impacts à moyen et long terme de l’exploitation des gaz de schistes, les risques environnementaux et industriels pressentis, ont eu pour conséquence de stopper la dynamique d’exploitation et même d’exploration. En Europe, les risques associés à la production de gaz de schiste ont ralenti, ou même arrêté leur exploration en France et en Bulgarie tandis que deux autres pays, l’Angleterre et la Pologne, ont entamé une phase d’exploration. En Asie, l’exploration a commencé et devrait se développer dans les années qui viennent.
1. L’origine du gaz de schistes (shale gas)
Les réservoirs non-conventionnels sont caractérisés par une très faible perméabilité et le gaz, piégé dans une porosité microscopique peu accessible, est appelé gaz de schiste. La fracturation hydraulique, principale technique actuellement utilisée pour exploiter cette ressource, consiste à forer dans les strates peu perméables. Cette technique est aussi utilisée pour exploiter des réservoirs conventionnels ou des champs géothermiques. La fracturation in situ, induite par des surpressions de fluide de forage, crée un réseau drainant de fissures et favorise ainsi l’accès du gaz naturel au puits principal où il est collecté puis transporté et exploité.
Les techniques les plus récentes utilisent des forages horizontaux de quelques kilomètres de longueur, avec un puits principal vertical d’où rayonnent plusieurs forages horizontaux. Un seul puits en surface exploite ainsi plusieurs kilomètres carrés souterrains. Ce sont les deux ruptures technologiques que sont l’utilisation d’importants volumes de fluides et les forages horizontaux, qui ont permis l’exploitation de cette ressource non-conventionnelle aux États-Unis (Figure 2).
Dans l’avancée des connaissances sur le gaz de schiste, il faut noter que l’exploitation aux États-Unis a été réalisée par des compagnies privées qui protègent leurs technologies par des brevets. La recherche académique ne s’est penchée que récemment sur cette technologie. Ainsi, la production scientifique académique issue de la recherche publique, et en partie de la recherche privée, a fortement évolué. Avant 2007, très peu de publications scientifiques sur les gaz de schistes sont parues, entre un et cinq par an. À partir de 2007, le nombre de publications suit une croissance exponentielle. Cette augmentation a pour conséquence que la connaissance sur les gaz de schistes rentre peu à peu dans le domaine public, alors qu’avant 2007 elle était confinée au milieu industriel.
2. L’essor aux États Unis à partir des années 2000
L’exploitation des gaz de schistes a connu une envolée aux États-Unis à partir de 2005, avec un nombre de puits foré qui augmente de 1200/an en moyenne sur la période 1990-2004, à près de 2300 en 2012. Après un tassement imputable à la baisse des prix du gaz, ils ont repris en 2017. Dans le même temps, la production américaine de gaz naturel augmente de 30%, les gaz de schistes couvrant 60% de la production totale en 2017. Depuis 2009, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial, devant la Russie (Figure 3). Cette arrivée des gaz de schistes a provoqué une surproduction du marché américain où les cours du gaz ont fortement chuté.
Jusqu’en 2007, le prix du gaz sur les grands marchés internationaux (Europe, Japon, États-Unis) étaient globalement corrélés. Sous l’effet des gaz de schistes, en 2013, le prix du gaz naturel est trois à quatre fois moins cher aux États-Unis, avec des conséquences sur la compétitivité des industries consommatrices de grandes quantités d’énergie fossile.
Ainsi, le coût du kilowatt-heure pour les industriels est en 2013 de 12 US dollars aux État-Unis et 46 US dollars en moyenne dans les pays de l’OCDE. L’avantage compétitif est tel que les États-Unis relocalisent plusieurs de leurs industries lourdes sur leur territoire (métallurgie, pétrochimie). L’offre sur-capacitaire aux États-Unis ayant entrainé une chute des cours du gaz, le nombre de forages nouveaux diminue depuis 2013.
L’essor des gaz de schistes aux États-Unis a entrainé une chute des importations de gaz et incite ce pays à l’exportation. Plusieurs de ces projets d’exportation ont été approuvés par le Department of Energy, soit par gazoduc, par exemple vers le Mexique, soit sous forme de Gaz Naturel Liquéfié (GNL). Les États-Unis devraient être exportateurs de gaz d’ici 2020. Une autre conséquence du bas prix du gaz est le transfert du charbon vers le gaz dans la production d’électricité. La part du charbon qui représentait 50% dans la production d’électricité américaine en 2007, a chuté à 37% en 2012. Les États-Unis exportent maintenant un charbon à bas prix, par exemple vers l’Europe et en particulier l’Allemagne.
L’impact des gaz de schistes américains sur le reste du monde est actuellement indirect. Les États-Unis, importateurs de gaz naturel au début des années 2000 deviennent exportateurs, ce qui entraine une redirection des exportations de GNL destinées au marché américain vers l’Europe et l’Asie. En Europe, les contrats de gaz négociés sur le long terme avec la Russie ou le Qatar fixent les prix sur 10 ans, à des valeurs trois à quatre fois supérieures au gaz naturel utilisé par les industries aux USA. Le faible prix du gaz américain a pour conséquence de diminuer le volume des importations européennes de gaz. Le charbon américain devient bon marché et remplace le gaz naturel en Europe.
À l’échelle mondiale en 2014, les gaz de schistes ne sont pas encore développés. En Amérique du Sud, la Colombie et l’Argentine ont lancé des phases d’exploration en 2012 (Lire : ¿ Por qué el fracking en Argentina ? et Shale oil y shale gas en Argentina. Estado de situación y prospectiva). En Afrique, l’Algérie a annoncé une nouvelle loi permettant l’exploration, en Afrique du Sud des licences ont été accordées, mais un moratoire sur la fracturation hydraulique a été proposé. En Asie, la Chine a lancé une phase d’exploration et de tests. L’Inde propose des licences d’exploration depuis 2013 et en Indonésie une phase d’évaluation de la ressource est lancée. Enfin, en Europe certains pays ou régions ont interdit la fracturation hydraulique, arrêtant de fait l’exploration (France, Bulgarie, région de Cantabrie en Espagne). D’autres pays (Angleterre, Pologne, Danemark, Roumanie, Ukraine) se lancent dans la phase d’évaluation de leurs ressources ou même d’exploration pour les pays les plus avancés. En termes de réserves, les estimations varient rapidement. Par exemple, les estimations des réserves en Pologne ont été modifiées à l’issue de la réalisation de 30 forages d’exploration. D’une estimation de 440 années de consommation du pays basée sur le volume des roches à gaz de schiste estimées, la phase d’exploration a conclu à 30 années de consommation du pays, donc pratiquement 10 fois moins que prévu initialement. En Angleterre, la situation est inverse : au fur et à mesure des explorations, le volume des réserves identifiées est supérieur à celui des premières estimations. La conclusion de ces deux exemples est que l’incertitude sur le volume des réserves disponibles et exploitables est très élevée, et difficile à prendre en compte dans des modèles économiques. Actuellement, le développement des gaz de schistes en dehors des États-Unis est donc peu prévisible.
La situation américaine est unique. D’une part, les roches-mères sont situées sur de grandes étendues et à une moindre profondeur qu’en Europe. D’autre part la législation, la densité de population et le tissu économique existant favorisent le développement de cette ressource fossile. En effet, aux État-Unis, les propriétaires de terrain dans certains États détiennent aussi la propriété du sous-sol et des ressources qu’il contient et sont donc directement intéressés par leur exploitation et les revenus qu’elle occasionne. Dans d’autres États, s’ils ne détiennent pas la propriété complète du sous-sol, ils sont rémunérés pour l’utilisation de leurs terres par les entreprises de forage. La densité de population est plus faible : 30 hab./km2, ou même 2 hab./km2 dans certaines zones d’exploitation, à comparer aux densités de 100 à 200 hab./km2 en Europe, avec pour conséquence que les nuisances associées à la phase de fracturation hydraulique sont ressenties par moins de personnes. Dans les régions d’exploitation, le tissu d’entreprises spécialisées dans le secteur pétrolier, l’étendue du réseau gazier et la forte concurrence sur le marché du gaz entrainent une forte compétitivité et des investissements importants dans ce secteur. Dans plusieurs États américains, les populations sont habituées aux exploitations des hydrocarbures et acceptent le développement des gaz de schistes. Enfin, les conséquences environnementales de l’exploitation des gaz de schistes aux États-Unis ne sont pas encore prises en compte, un rapport sur le sujet devant être publié par la United State Environmental Protection Agency en 2014.
3. Les impacts environnementaux
En 2010, le film militant Gasland réalisé par Josh Fox lance le débat sur les conséquences environnementales de la fracturation hydraulique. Une image fait le tour du monde, celle d’un homme qui ouvre le robinet d’eau de son évier, approche un briquet, et voit une flamme orangé jaillir autour du jet d’eau. Cette flamme provient de la combustion de méthane que le film présente comme issu d’une fracturation hydraulique située près de la maison. La force de cette image a amplifié la publicité dans les médias et jeté l’opprobre sur l’exploitation des gaz de schiste, mettant en avant les nuisances environnementales supposées de la fracturation hydraulique.
La crainte d’impacts environnementaux d’une part, et de nuisances envisagées pour les populations locales d’autre part, a provoqué en France une opposition à l’exploitation de cette ressource. Ainsi, la loi du 13 Juillet 2011, votée à une très forte majorité par l’Assemblée nationale, s’appuie sur le principe de précaution pour interdire l’exploitation des gaz de schistes par la technique de la fracturation hydraulique. Cette loi a entraîné de fait l’impossibilité d’utiliser les permis d’exploration qui avaient été accordés sur le territoire métropolitain. Elle autorise cependant la fracturation hydraulique dans un cadre de recherche scientifique. Enfin, lors de la Conférence environnementale de septembre 2012, le président Hollande a confirmé l’annulation de sept demandes d’exploration de ressources non-conventionnelles sur le territoire métropolitain.
La fracturation hydraulique entraîne des stress environnementaux de plusieurs types : chimiques, mécaniques et toxicologiques ; on peut en identifier cinq types. Premièrement, la circulation de fluides en profondeur peut générer une micro-sismicité induite. En effet, l’exploitation déclenche de petits séismes, comme le font d’autres technologies telles que la géothermie, la mise en eau de barrage ou l’exploitation de ressources de gaz conventionnels. Deuxièmement, il existe un risque de pollution des aquifères. Un troisième impact consiste en fuites de gaz dans l’atmosphère, surtout pendant la phase d’exploitation des puits. Les deux derniers impacts concernent la production d’importantes quantités d’eau qu’il faut traiter avant de les réinsérer dans l’environnement, et l’utilisation de réserves foncières et d’infrastructures pour l’exploitation et le transport du gaz de schiste.
Le débat scientifique se développe autour des impacts environnementaux tels que le risque de déclenchement de sismicité, le nécessaire traitement de grands volumes d’eau polluée, ou les fuites de méthane dans l’atmosphère qui participent au réchauffement climatique. Le mitage des paysages et d’éventuels impacts sur la qualité des environnements et la santé humaine sont aussi mis en avant. Sur tous ces sujets, la connaissance scientifique est en construction ; l’ampleur du débat public a poussé certaines compagnies privées à publier leurs données. Plusieurs de ces risques sont décrits plus en détail ci-après ; et pour la plupart pourraient être anticipés avant toute exploitation[2].
3.1. Risques de pollution des aquifères
La phase de forage utilise d’importants volumes d’eau, entre 3 000 à 30 000 m3 par puits, eau dans laquelle sont mélangés plusieurs adjuvants chimiques qui facilitent l’extraction du gaz. Cette eau de forage réagit avec la roche et lessive des métaux lourds, des sels et des composés organiques. Le fluide récupéré à la surface (environ 20 % de ce qui est injecté) possède donc une composition chimique différente du fluide d’injection. Le risque de fuite et de contamination des aquifères d’eau potable soit par du méthane soit par des fluides de fracturation a mobilisé la communauté scientifique. Quatre origines du méthane sont possibles. 1) le méthane pourrait provenir de la surface, par dégradation de matière organique dans le sol ; 2) le méthane proviendrait d’une fuite naturelle depuis la profondeur ; 3) le méthane proviendrait d’une fuite reliée à la fracturation hydraulique du réservoir situé à plusieurs kilomètres de profondeur ; 4) le méthane proviendrait d’une fuite dans le puits d’exploitation. L’analyse chimique des isotopes du gaz montre que le gaz provient bien de la profondeur. Commencé en 2010, le débat scientifique a conclu que ce type de fuites de méthane peut avoir deux origines ; soit des fuites naturelles vers la surface, soit une mauvaise étanchéité de certains puits.
Les scientifiques participent aussi au débat pour trouver une explication au phénomène observé dans le film Gasland. En mai 2011, un premier article scientifique, publié dans une revue prestigieuse, les comptes rendus de l’Académie des Sciences américaine[3], présente une série d’analyse des sources d’eau aux États-Unis, en particulier dans les régions où sont exploités les gaz de schiste. Des chercheurs ont analysé l’eau des puits et des sources dans des régions d’exploitation de gaz de schistes aux États-Unis. Ils ont montré que certaines sources, situées à une distance de moins d’un kilomètre d’un forage d’exploitation possédaient des concentrations de méthane supérieures aux normes de potabilité et concluaient que la fracturation hydraulique était responsable de ces contaminations. L’article conclut à la présence de méthane dans de nombreuses eaux, ce méthane étant issu de la formation des shales de Marcellus située sous les aquifères analysés.
Quelques mois plus tard, deux autres études[4] répondent au premier article et réfutent l’idée que la fracturation hydraulique puisse être à l’origine des contaminations observées. Les critiques portent sur 1) le faible nombre de mesures (34 puits avaient été analysés), 2) le fait que la fracturation hydraulique était proposée comme étant à l’origine de ces fortes concentrations de méthane. En effet, il est connu des géologues qu’une fracture produite à plusieurs kilomètres de profondeur ne peut se propager sur de grandes distances. Pour répondre au premier point, l’étude a été étendue à 141 puits et sources, et les auteurs ont confirmé qu’une vingtaine de puits situés à moins de 1 kilomètre d’un forage étaient contaminés. Pour répondre au second point, un article a été publié en 2012 par des chercheurs de la société Halliburton[5], qui produit des fluides de fracturation hydraulique. Ils ont publié une série de données de fracturation hydraulique qui montrent que les fractures produites en profondeur n’atteignent pas la surface et ne peuvent donc expliquer la contamination observée. Ces données montrent que l’extension verticale de la fracturation hydraulique se situe à une distance importante des aquifères, réfutant la possibilité d’une contamination par cette voie.
Le débat scientifique, vif, se déplace alors vers une origine des fuites dans les puits de forage qui ne seraient donc pas étanches. La conclusion de ces études est que l’origine du méthane dans l’eau potable peut provenir soit de fuites naturelles de méthane depuis la profondeur, connues depuis plusieurs dizaines d’années dans certaines régions des États-Unis, soit de la mauvaise étanchéité des puits d’exploitation soit de la contamination de méthane produit naturellement dans les sols.
3.2. Risques de sismicité induite
L’exploitation d’hydrocarbures ou de toute autre ressource souterraine peut entrainer deux types de sismicité. D’une part, la phase de fracturation hydraulique engendre des microfissures dans les couches géologiques exploitées. Cette micro-sismicité n’est en général pas ressentie à la surface et n’a pas d’impact démontré. D’autre part, les variations de pression des fluides dans le sous-sol induites par l’exploitation du gisement peuvent déclencher des essaims de petits séismes dans des régions où les contraintes tectoniques sont élevées ou dans lesquelles une activité sismique préexistante est identifiée. Un cas de sismicité induite a par exemple été démontré dans la région de Bâle en 2006, où une fracturation hydraulique réalisée pour un forage géothermique profond a déclenché une crise sismique qui a duré plusieurs semaines. Le séisme le plus important a atteint une magnitude de 3,4 sur l’échelle de Richter. De nombreux dégâts à la surface ont entraîné l’arrêt du projet et le versement d’importantes indemnités par les assurances. D’autres cas de sismicité induite sont actuellement à l’étude, par exemple dans l’Arkansas, où des essaims de petits séismes mesurés en 2011 sont reliés à la réinjection en profondeur des fluides issus de l’exploitation de gaz non conventionnels.
3.3. Eaux de forage et de production
Les eaux de forage et issues du réservoir pendant la phase de production sont en partie récupérées en surface. Leur concentration en sels dissous peut atteindre six fois celle de l’eau de mer. De nombreux éléments sont présents, tels que des gaz dissous (méthane, dioxyde de carbone, sulfure d’hydrogène, hélium, radon) ou des métaux dont certains sont toxiques (baryum, strontium, sélénium, mercure, plomb, arsenic, uranium, thorium, radium). Certaines molécules organiques, injectées comme adjuvants des eaux de forage, peuvent aussi réagir avec la roche en place et produire des molécules organiques secondaires dont la composition et l’éventuelle toxicité restent à déterminer. Le traitement de ces fluides en surface doit faire appel à des filières spécialisées afin que les effluents industriels rejetés obéissent aux normes environnementales.
4. Conclusion
Dans une période de raréfaction des ressources fossiles, le choix, ou non, d’exploiter la ressource non-renouvelable des gaz de schistes fait appel à des critères politiques, industriels, sociétaux et environnementaux. Mais avant toute exploitation opérationnelle de grande ampleur, il serait nécessaire de mettre en œuvre une série de mesures pour, sinon éviter ces impacts, du moins les contrôler :
- évaluer le coût en eau et en énergie de l’exploitation des gaz de schistes et comparer les flux de gaz à effet de serre émis par rapport aux autres énergies fossiles ;
- publier la liste des produits injectés lors des fracturations hydrauliques ;
- mettre au point la filière de traitement des effluents avant le début d’exploitation et publier la composition des fluides rejetés dans l’environnement ;
- limiter les dégradations du paysage (empiètement sur de nombreux sites et création des voies d’accès nécessaires, lagunes abandonnées, transport lors des phases d’exploitation) ;
- quantifier l’impact de l’exploitation d’un grand nombre de sites de forage sur la biodiversité ;
- prendre en compte et mesurer la sismicité de la région exploitée ;
- assurer un suivi spécifique de la qualité des eaux de consommation et de l’air avant, pendant et après l’exploitation ainsi qu’un suivi de l’étanchéité des puits pendant et après la phase d’exploitation.
Considérée par certains pays comme un nouvel eldorado, l’exploitation de gaz de schiste leur fournit une ressource fossile à un coût compétitif qui leur permet d’envisager la ré-industrialisation de certaines régions et de développer leur économie. En revanche, le faible niveau des connaissances sur les impacts à moyen et long terme de cette exploitation, et les risques environnementaux et industriels associés, ont eu pour conséquence de ralentir, ou même d’arrêter cette dynamique dans d’autres pays. Le besoin de nouvelles connaissances sur cette ressource et sur son exploitation se fait sentir. Par exemple, la construction d’un site pilote, à vocation de recherche, et ouvert à la communauté académique, permettrait de fédérer les disciplines nécessaires à une meilleure compréhension des processus souterrains et superficiels associés à la production de gaz non-conventionnels. Les résultats d’une telle démarche permettraient d’une part d’éclairer le débat public et d’assurer une transparence des informations et d’autre part d’apporter des arguments au législateur afin qu’il puisse décider en connaissance de cause et non pas sur la seule base du principe de précaution. Un tel éclairage scientifique contribuerait au débat public et participerait ainsi à la démocratie environnementale. En effet, les controverses scientifiques ne peuvent plus se tenir en dehors de la société.
Notes et références
[1] International Energy Agency Natural Gas Information, IEA Statistics (2012), ISBN 978-92-64-17473-3, 655 p.
[2] P. Meakin, H. Huang, A. Malthe-Sørenssen, K. Thøgersen, Shale gas: Opportunities and challenges, Environmental Geosciences, 20, no. 20 (2013): 151-164.
[3] S. G. Osborn, A. Vengosh, N. R. Warner, and R. B. Jackson. “Methane contamination of drinking water accompanying gas-well drilling and hydraulic fracturing,” Proceedings of the National Academy of Sciences 108, no. 20 (2011): 8172-8176.
[4] S. C. Schon. “Hydraulic fracturing not responsible for methane migration”, Proceedings of the National Academy of Sciences 108, no. 37 (2011): E664. T. Saba, and M. Orzechowski. “Lack of data to support a relationship between methane contamination of drinking water wells and hydraulic fracturing” Proceedings of the National Academy of Sciences 108, no. 37 (2011): E663.
[5] K. Fisher and N. Warpinski, Hydraulic-fracture-height growth: Real data, Society of Petroleum Engineers, SPE 145949 (2012).
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