En 2017, 11% de la production mondiale d’électricité est fournie par des réacteurs nucléaires. Cette part est-elle appelée à décroître, à se stabiliser ou à croître ? La réponse dépend de plusieurs évolutions dont celle de la technologie des réacteurs tant en termes de coûts que de sûreté.
On utilise en général le terme de centrale pour désigner une unité de production d’électricité, bien que l’électricien parle plutôt de tranche et exploite souvent plusieurs tranches sur un centre de production (Lire : L’électricité : éléments essentiels, génération et transport). Il y a des centrales hydrauliques, des centrales thermiques classiques dont l’énergie provient de la combustion de charbon, de gaz ou plus rarement de nos jours, de fioul lourds, et des centrales nucléaires. Les centrales à charbon ou à fioul utilisent des chaudières, tandis que les centrales au gaz utilisent des turbines à gaz extrapolées des turboréacteurs de l’aviation, complétées par une chaudière dans le cas des turbines à cycle combiné.
A l’exception des turbines à gaz simples, les centrales thermiques transforment, dans leur chaudière, de l’eau liquide en vapeur sous haute pression. Cette vapeur se détend dans une turbine dont elle met les aubes en rotation, puis revient à l’état liquide dans un condenseur dont les tubes sont parcourus par de l’eau de refroidissement, avant d’être renvoyée dans la chaudière pour un nouveau cycle eau-vapeur. L’axe de la turbine, souvent constituée de plusieurs corps, est solidaire de celui d’un alternateur dont la rotation produit le courant électrique. On désigne l’ensemble des corps de turbine et de l’alternateur sous le nom groupe turboalternateur. L’électricité produite est transformée dans une sous-station électrique avant d’être envoyée sur le réseau de transport à haute tension (Lire : Des réseaux électriques aux smartgrids).
Le bâtiment qui abrite le groupe turboalternateur et le condenseur est appelé installation de production d’électricité (IPE), parfois, îlot conventionnel ou, plus familièrement, salle des machines.
L’eau qui circule dans les tubes du condenseur est soit directement pompée en circuit ouvert dans un fleuve ou dans la mer, soit refroidie à son tour par évaporation d’eau de rivière dans un aéroréfrigérant, cette tour de refroidissement qui ressemble à un gros diabolo, dont le public associe le panache blanc à l’énergie nucléaire, alors qu’elle peut équiper n’importe quelle centrale thermique. Le panache en question est un nuage formé par la condensation de la vapeur d’eau qui sort de la tour. Fleuve, mer ou tour de refroidissement constituent la source froide indispensable au fonctionnement de toute machine thermique, la chaudière en constituant la source chaude (Lire : La thermodynamique : les lois et La thermodynamique : énergie et entropie).
Une centrale nucléaire est une centrale thermique comme celle que nous venons de décrire. Sa particularité vient de l’origine de l’énergie qui alimente le cycle eau-vapeur : celle-ci provient d’une réaction en chaîne de fission entretenue dans le cœur d’un réacteur nucléaire (Lire : Histoire de l’énergie nucléaire).
1. Le réacteur nucléaire
Un réacteur nucléaire est une machine au sein de laquelle une réaction en chaîne de fission est entretenue et contrôlée. Il y a différents types de réacteurs en fonction des services que l’on en attend : production de neutrons pour l’investigation des structures de la matière ou l’imagerie neutronique, dopage en masse du silicium pour la microélectronique, production de radioéléments pour la médecine, l’industrie et l’agronomie ou propulsion de sous-marins. Ici, nous nous limitons aux réacteurs électronucléaires dont la finalité est de produire de l’électricité dans une centrale nucléaire.
Au début de l’énergie nucléaire, dans les années 1950 et 1960, on a essayé presque toutes les combinaisons possibles de matériaux fissiles et fertiles, de modérateurs et de caloporteurs liquides ou gazeux, sous presque toutes les formes physico-chimiques et dans presque toutes les géométries imaginables. De ce bouillonnement créateur et désordonné sont sortis de très nombreux prototypes différents dont la taille allait rapidement croissant (Lire : Les réacteurs de recherche).
Dans les années 1970 ont alors émergé une poignée de filières de réacteurs partageant des caractéristiques technologiques communes et souvent dénommées en fonction de leur caloporteur (Lire : Histoire de l’énergie nucléaire). Au sein de ces filières, on est passé du stade de prototypes à celui de séries standardisées qu’en France on appelle paliers. En 2014, le parc mondial de réacteurs électronucléaires était réparti en 6 filières d’importance très inégale (Figure 1).
Les réacteurs à eau (ordinaire) sous pression (REP) regroupent plus des deux tiers de la puissance installée dans le monde, soit 306 GWe sur 389 début 2017. Ils se répartissent en deux sous-filières selon l’origine de leur conception : les réacteurs occidentaux sont des Réacteurs à Eau Pressurisée (REP), ou Pressurized Water Reactor (PWR), tandis que les réacteurs d’origine soviétique ou russe sont des Vodo-Vodianoï Energuetitcheski Reaktor (VVR). Utilisant l’eau ordinaire à la fois comme caloporteur et modérateur, ces réacteurs à cycle indirect serviront de modèle dans ce qui suit. Les autres types de réacteurs seront brièvement évoqués à la fin.
1.1. Le Combustible nucléaire
Par analogie avec les autres centrales thermiques, et bien que la combustion n’y joue aucun rôle, on appelle combustible nucléaire le matériau fissile qui dégage la chaleur recherchée (Lire : Le cycle du combustible nucléaire). Il faut donc qu’il contienne des noyaux fissiles d’uranium ou de plutonium. Ce matériau peut être élaboré sous plusieurs formes physico-chimiques, mais le combustible le plus utilisé est une céramique frittée à partir d’oxydes en poudre et formée en pastille cylindrique (Figure 2).
Le combustible est contenu dans des assemblages combustibles (on dit aussi élément combustible) dont la fonction est double :
- transférer efficacement la chaleur dégagée par les réactions nucléaires au fluide caloporteur (gaz ou liquide) qui transmettra celle-ci à l’installation de production d’électricité et maintiendra le combustible à la température souhaitée, et
- maintenir confinés les divers éléments radioactifs produits dans le combustible.
La conception d’un assemblage est spécifique d’un modèle donné de réacteur, ce qui peut conduire à des formes et des dimensions très variées.
Un assemblage REP typique est constitué d’un faisceau de tubes métalliques étanches dans lesquels sont empilées des pastilles de combustible. On appelle ces tubes crayons ou, parfois, aiguilles, et leur enveloppe métallique est la gaine.
Très généralement, l’ensemble du combustible d’un réacteur est contenu dans plusieurs assemblages, qui constituent le cœur du réacteur. Le nombre d’assemblages d’un cœur varie beaucoup en fonction du type de réacteur considéré et, bien sûr, de sa puissance.
1.2. Le contrôle de la réaction en chaîne
Pour entretenir une réaction en chaîne, il faut qu’à chaque instant le nombre de neutrons produits dans le cœur par les fissions soit exactement égal au nombre de neutrons qui disparaissent dans le cœur ou s’en échappent. Le rapport de la production à la disparition est appelé coefficient de multiplication, noté K, et il doit donc être rigoureusement égal à 1. Cet état est appelé criticité, et le réacteur est alors critique, ce qui, pour un réacteur nucléaire, n’a aucun caractère péjoratif, au contraire. Si ce nombre K est inférieur à 1, les neutrons disparaissent rapidement, la réaction en chaîne s’arrête et donc le réacteur aussi : on dit que le cœur est sous-critique. A l’inverse, si K est supérieur à 1, le nombre de neutrons va augmenter très rapidement, donc aussi les fissions, ainsi que l’énergie dégagée dans le cœur, et la réaction en chaîne va s’emballer. On dit alors que le cœur est sur-critique.
Pour conserver en permanence le réacteur critique (K=1), on introduit, ou on retire, selon les besoins, des poisons ou absorbants neutroniques, éléments composés de noyaux qui absorbent des neutrons. On utilise généralement trois types d’absorbants :
- des barres mobiles, appelées barres ou grappes de contrôle, que l’on fait pénétrer plus ou moins dans le cœur (Figure 3);
- des corps dissous dans le caloporteur et dont on peut faire varier la concentration au cours du temps. On parle d’empoisonnement homogène;
- des corps dispersés dans le combustible lui-même et qui disparaissent progressivement. On les appelle poisons consommables.
Tout le temps où un assemblage combustible produit de l’énergie dans le cœur d’un réacteur, il subit une évolution (terme qui s’applique aussi à l’ensemble du cœur) : le nombre de noyaux fissiles diminue par fission et capture, mais cette diminution est partiellement compensée par la production de nouveaux noyaux fissiles suite aux captures dans les noyaux fertiles.
Le nombre de produits de fission augmente, ce qui change progressivement la composition chimique du combustible. Certains de ces produits sont aussi des poisons neutroniques, parfois très absorbants.
Certains produits de fission sont des gaz dont le relâchement augmente la pression à l’intérieur de la gaine étanche, alors même que celle-ci est soumise à des agressions (irradiation, oxydation, hydruration par exemple) qui altèrent ses propriétés mécaniques.
Le résultat net des deux premiers effets est de diminuer progressivement la réactivité de l’assemblage, sa capacité à continuer à produire de l’énergie. Son degré d’épuisement est mesuré par un taux de combustion qui s’exprime dans une unité bizarre, le MWj/t, quantité d’énergie produite en mégawattth/jour par tonne de métaux lourds, uranium et plutonium, contenus dans le combustible frais. Pour compenser cet épuisement, on réduit progressivement la quantité de poison dans le cœur.
1.3. Chargement/déchargement
Quand l’assemblage a atteint un épuisement tel qu’il ne peut plus produire d’énergie dans le cœur, on dit que le combustible est usé, mais il faut savoir qu’un combustible usé contient encore beaucoup de matière recyclable, lequel, si on ne cherche pas à les récupérer, constitue un déchet. Périodiquement, on retire du cœur les assemblages usés pour les remplacer par des assemblages neufs. Cette opération de chargement/déchargement ne concerne en général qu’une fraction du cœur. Suivant le type de réacteur, elle se pratique à l’arrêt ou en marche (on renouvelle alors les éléments combustibles un par un). Entre deux opérations de chargement, la campagne de production est parfois appelée cycle de production.
Tout au long d’un cycle de production, pour tenir compte de l’évolution du combustible et donc du cœur, il faut ajuster la quantité de poisons dans celui-ci : un cœur frais doit comporter une grande quantité de poisons, que l’on retire progressivement, ou qui sont consommés par capture de neutrons, pour compenser l’épuisement du combustible.
2. La chaudière REP
Le REP est de très loin le réacteur le plus répandu dans le monde. Les 58 réacteurs qu’EDF exploite en France sont tous de ce type (Figure 4).
Au départ, ce type de réacteur avait été conçu pour assurer la propulsion des sous-marins de la flotte américaine car leur grande compacité permettait de les loger à l’intérieur de la coque, où l’espace est strictement limité. La turbine n’était pas alors couplée à un alternateur, mais elle entraînait l’arbre de l’hélice via un réducteur. Ce n’est qu’en deuxième temps que cette chaudière de sous-marin a été extrapolée en centrale électrogène: le premier REP a été mis en service à Shippingport (Pennsylvanie) en 1957 (Lire : Histoire de l’énergie nucléaire).
En France, un premier REP Franco-Belge de 300 MWe a fonctionné de 1967 à 1991 sur le site de Chooz, mais c’est à partir de Fessenheim 1, réacteur de 900 MWe mis en service en 1977, qu’a débuté le programme REP de génération 2.
2.1. Circuit primaire
Le REP est un réacteur à cycle indirect. Le cœur échauffe l’eau ordinaire, maintenue à l’état liquide sous haute pression (15 Mpa) dans un circuit primaire en acier épais. C’est cette même eau dont les noyaux d’hydrogène assurent le ralentissement des neutrons pour augmenter leur capacité à provoquer la fission. L’eau circule verticalement et de bas en haut dans le cœur. À puissance nominale, l’eau entre à 290°C et ressort à 315°C.
Le circuit primaire comprend une cuve cylindrique à fond sphérique qui contient le cœur et un certain nombre d’équipements internes. Cette cuve est fermée par un couvercle sur lequel sont montés les mécanismes qui assurent la montée et la descente des grappes de contrôle.
La cuve et le couvercle sont en acier épais revêtu intérieurement d’une couche d’acier inoxydable. La cuve est assemblée par soudage de viroles cylindriques forgées. La virole supérieure comporte des tubulures d’entrée et de sortie de l’eau primaire. À ces tubulures sont raccordées un certain nombre (de 2 à 4) de boucles primaires. La cuve repose par ses tubulures sur le bord d’un puits de cuve cylindrique en béton.
Chaque boucle est équipée d’une pompe primaire qui assure la circulation de l’eau primaire, d’un générateur de vapeur, et des tuyauteries reliant ces composants respectivement à une tubulure d’entrée et une tubulure de sortie de la cuve. La pompe primaire, actionnée par un moteur de plusieurs MWe de puissance, est équipée d’un lourd volant d’inertie.
Le générateur de vapeur est un récipient quasi cylindrique de grande hauteur en acier épais, disposé verticalement sur des supports. Sa partie inférieure est constituée par une boîte à eau hémisphérique, divisée en deux compartiments par une paroi verticale et surmontée d’une plaque très épaisse percée de trous verticaux, la plaque tubulaire.
Cette plaque est traversée par un faisceau tubulaire composé de plusieurs milliers de tubes en U reliant les deux compartiments de la boîte à eau. Ce faisceau est baigné par l’eau du circuit secondaire (voir ci-dessous) à l’intérieur de l’enveloppe du générateur de vapeur.
À la sortie du cœur, l’eau d’une boucle primaire entre dans le compartiment chaud de la boîte à eau d’un générateur de vapeur et circule, à travers une plaque tubulaire, dans le faisceau tubulaire, d’où elle ressort dans le compartiment froid de la boîte à eau pour être pompée vers la cuve en retour.
À travers la surface d’échange des tubes du faisceau, l’eau primaire cède ses calories à l’eau secondaire, qu’elle porte à ébullition sous une pression de 7 Mpa. À la sortie du faisceau, le titre en vapeur est de l’ordre de 30%.
À la branche chaude de l’une des boucles du circuit primaire est relié un pressuriseur, gros réservoir d’acier dans lequel une bulle de vapeur maintient la pression primaire au niveau désiré. Des cannes chauffantes électriques permettent de faire monter la pression, et un système d’aspersion, analogue à une douche, de la faire baisser. L’ensemble du circuit primaire est étanche et fermé sur lui-même (Figure 5).
2.2. Circuit secondaire
Le générateur de vapeur est le point commun entre le circuit primaire et le circuit secondaire. La vapeur qui se dégage au dessus du faisceau tubulaire est débarrassée de ses gouttelettes d’eau en passant à travers des séparateurs et des sécheurs avant de quitter le sommet du générateur de vapeur par une tuyauterie vapeur qui la conduit en salle des machines à l’entrée du corps de turbine à haute pression. La part d’eau secondaire qui reste en phase liquide est recirculée dans un espace annulaire ménagé contre l’enveloppe externe du générateur.
Après s’être détendue dans les corps de turbine et condensée dans le condenseur, l’eau secondaire est renvoyée par des pompes secondaires pour alimenter les générateurs de vapeurs. Il y a ainsi autant de boucles secondaires que de boucles primaires, et le circuit secondaire est, lui aussi, étanche et fermé sur lui-même.
Outre les circuits primaire et secondaire, et le ou les circuits de refroidissement, l’îlot nucléaire d’un REP comporte d’autres circuits auxiliaires (Figure 6).
2.3. Contrôle volumétrique et chimique (RCV)
Même si c’est peu perceptible dans la vie courante, l’eau liquide se dilate avec la température : en passant de 20 à 300°C, son volume augmente de 30%. Il est donc nécessaire d’ajuster en conséquence la quantité d’eau dans le circuit primaire, et c’est le premier rôle du circuit auxiliaire de contrôle volumétrique et chimique. Ce circuit est aussi utilisé pour ajuster la concentration dans l’eau primaire d’acide borique, que l’on ajoute comme poison soluble au début d’un cycle pour compenser l’excès de réactivité d’un cœur frais et que l’on dilue progressivement au fur et à mesure que cet excès se réduit par épuisement du combustible.
Ce poison soluble présente l’avantage d’assurer un empoisonnement homogène de tout le cœur, sans donc créer d’hétérogénéité d’empoisonnement susceptible d’entraîner des pics locaux de puissance. En revanche, la dilution de l’acide borique crée des effluents radioactifs qu’il faut gérer correctement.
2.4. Les circuits d’injection de sécurité (RIS et Accumulateur)
D’autres circuits auxiliaires jouent un rôle important dans les dispositifs de sûreté. La sûreté d’un réacteur exige le maintien des deux fonctions suivantes :
- contrôle de la réaction en chaîne ;
- refroidissement du combustible, y compris après l’arrêt de la réaction en chaîne (évacuation de la puissance résiduelle).
Dans les REP, il y a peu de risque de défaillance de la première fonction, qui conduirait à ce qu’on appelle un accident de réactivité ou excursion de puissance, car le cœur et le combustible sont conçus pour qu’une perte d’eau (ou la baisse de sa densité par ébullition excessive) arrête spontanément la réaction en chaîne par modération insuffisante des neutrons. On dit que le REP a un coefficient de vide négatif.
Une augmentation de température du cœur provoque aussi l’arrêt de la réaction en chaîne par augmentation de la capture des neutrons par l’uranium 238 et par baisse de la densité d’eau. On dit que le REP a un coefficient de température négatif.
Le manque de refroidissement du combustible après arrêt est en revanche le principal contributeur au risque d’accident, voire d’accident grave. C’est pourquoi, en cas de défaillance du refroidissement normal par le circuit primaire, une série de systèmes redondants d’injection de sécurité se déclenchent automatiquement. De même, les générateurs de vapeur, chargés d’évacuer les calories du circuit primaire, sont équipés d’une alimentation de secours en eau secondaire (ASG).
3. Les autres filières de réacteurs
Outre les REP, plusieurs filières ont été développées.
3.1. Réacteurs à eau bouillante
Derrière les REP viennent les réacteurs à eau (ordinaire) bouillante (REB) ou Boiled Water Reactor (BWR) qui totalisent 74 GWe à travers le monde en 2017. L’eau ordinaire qui modère et refroidit leur cœur est maintenue sous une pression voisine de 7 MPa, 70 fois la pression atmosphérique. Elle bout en traversant le cœur jusqu’à atteindre un titre en vapeur de l’ordre du tiers. Cette vapeur, débarrassée des gouttelettes liquides, est envoyée directement se détendre dans la turbine en salle des machines.
Ces REB, bien qu’à cycle direct, sont de proches cousins de la filière précédente dont ils partagent les éléments essentiels, notamment en terme de sûreté : leur combustible est voisin, à base d’oxyde d’uranium légèrement enrichi et ils utilisent de l’eau ordinaire à la fois comme modérateur et comme caloporteur. Ce sont quatre réacteurs de ce type qui ont subi l’accident du 11 mars 2011 à Fukushima (Lire : Retour d’expérience sur les accidents nucléaires).
3.2. Réacteurs à eau lourde
On appelle eau lourde de l’eau dont les molécules sont formées, comme celles de l’eau ordinaire, de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène, mais presque tous les atomes d’hydrogène ont un noyau qui comporte un neutron en plus du proton habituel. On dénomme deutérium, noté D, cet isotope lourd de l’hydrogène, et l’eau lourde a pour formule chimique D2O. Introduisons au passage un isotope encore plus lourd de l’hydrogène, le tritium, T, dont le noyau est composé de deux neutrons et d’un proton. Il joue un rôle essentiel dans la fusion contrôlée. Le deutérium est le meilleur matériau modérateur car il ralentit les neutrons presque aussi bien que l’hydrogène, mais sans les capturer au passage. Il ne se trouve cependant naturellement qu’en faible proportion dans l’eau (0,015%) et sa concentration est coûteuse en énergie.
Les réacteurs à eau lourde utilisent celle-ci comme modérateur et, dans la plupart des cas, comme caloporteur également. Du fait de l’excellent pouvoir modérateur de l’eau lourde, ces réacteurs peuvent utiliser comme combustible de l’uranium naturel. Développée principalement par les Canadiens (et les Indiens), cette filière est dénommée CANada Deutérium Uranium (CANDU). Les CANDU totalisent 24 GWe.
3.3. Les réacteurs à graphite et eau bouillante
Développés par les Soviétiques pour produire à la fois de l’électricité et du plutonium pour les armes atomiques, les Reaktor Bolshoy Moshchnosti Kanalnyi (RBMK), réacteurs à graphite et eau bouillante, sont restés confinés à l’Union Soviétique pour cette raison (alors que les VVR étaient largement exportés dans les pays satellites). Il en reste 11 en Russie, pour une puissance totale de 10 GWe (sans compter 4 très petits réacteurs électro-calogènes en Sibérie). Presque inconnue à l’Ouest, la filière RBMK a acquis une fâcheuse notoriété en 1986 avec l’accident de la tranche 4 de Tchernobyl (Lire : Retour d’expérience sur les accidents nucléaires). Le combustible en oxyde d’uranium légèrement enrichi est refroidi par de l’eau bouillante qui circule dans des tubes de force traversant verticalement un énorme massif de graphite qui joue le rôle de modérateur.
3.4. Réacteurs graphite-gaz
En France et au Royaume Uni, les premiers réacteurs, alimentés en uranium naturel métallique, étaient modérés par un empilement de graphite et refroidis par du gaz carbonique sous pression (Lire : Histoire de l’énergie nucléaire). Ces réacteurs gaz-graphite, directement dérivés du premier réacteur démarré par Enrico Fermi le 2 décembre 1942, s’appelaient en France UNGG Uranium Naturel Gaz et Graphite (UNGG)), et au Royaume Uni, Magnox, du nom de l’alliage qui gainait l’uranium. Plus tard, les Anglais ont augmenté les performances de la filière Magnox en enrichissant légèrement l’uranium de leur combustible, désormais gainé d’acier inoxydable dans une filière dénommée Advanced Gas-cooled Reactor (AG). Tous les UNGG sont arrêtés, tandis que les AGR et derniers Magnox comptaient encore pour 8 GWe en 2017.
3.5. Réacteurs à neutrons rapides
Les cinq filières rapidement décrites ci-dessus utilisent toutes un modérateur pour fonctionner avec des neutrons thermiques dont la vitesse est la même que celle des atomes du milieu où ils se propagent, atomes agités sous l’effet de la température. Dans les réacteurs à neutrons rapides (RNR), au contraire, on évite de ralentir les neutrons entre la fission qui leur donne naissance et celle qu’ils vont provoquer. Le cœur de ces réacteurs est donc dépourvu de modérateur, ce qui exclut, notamment, de les refroidir avec de l’eau liquide, ordinaire ou lourde. Bien que plusieurs autres caloporteurs aient été essayés ou envisagés, c’est dans la plupart des cas le sodium fondu qui a été choisi comme caloporteur pour les RNR. Le choix de ce métal qui s’enflamme spontanément à l’air et réagit violemment avec l’eau a imposé le choix d’un cycle indirect, pour éviter toute possibilité de réaction entre le sodium primaire activé au contact du cœur et l’eau du circuit de production d’électricité. Ce choix oblige aussi à réaliser les circuits en acier inoxydable coûteux. Le sodium liquide est opaque, ce qui complique singulièrement les opérations d’inspection et de réparation en service. En outre, il est nécessaire de le garder liquide durant les arrêts du réacteur.
En revanche, le sodium liquide est un excellent caloporteur, fonctionnant très loin de son point d’ébullition à la pression atmosphérique, avec des caractéristiques hydrauliques voisines de celle de l’eau : les circuits en sodium ne sont donc pas sous forte pression comme les circuits des REP ou REB. Le combustible des RNR est un mélange d’uranium et de plutonium, le plus souvent sous forme d’oxyde, avec une teneur en plutonium de l’ordre de 18%.
4. Les « Générations » de réacteurs nucléaires
Depuis 1999, on a pris l’habitude de décrire l’évolution des filières de réacteurs nucléaires en termes de génération I, II, III ou IV.
Par première génération, on désigne le foisonnement initial de prototypes des années 1950-60, aujourd’hui pratiquement tous arrêtés définitivement.
La Génération II regroupe les filières de réacteurs actuellement en fonctionnement, qui fournissent 11% de l’électricité mondiale. Ces réacteurs sont robustes, compétitifs, et le risque d’un accident grave y est très réduit. Ils font l’objet de renforcements par suite de l’accident de Fukushima (Lire : Retour d’expérience sur les accidents nucléaires).
C’est l’accident de Tchernobyl (1986) qui est à l’origine de la Génération III que l’on commence à mettre en service : on exige en effet de ces réacteurs, presque exclusivement REP et REB, que s’il y survient l’accident majeur de fusion totale du cœur, la radioactivité reste confinée à l’intérieur du site, c’est-à-dire, en fait, à l’intérieur du bâtiment réacteur. Le concept de European Pressurized Reactor (EPR) dont plusieurs exemplaires sont en cours de construction en Finlande, en France et en Chine est bien représentatif de la Génération III (Lire : Retour d’expérience sur les accidents nucléaires).
Enfin, alors qu’on arrête la génération I, qu’on exploite la génération II et que l’on construit la génération III, le tuilage continue, et l’on prépare la génération IV dans l’objectif qu’elle puisse être commercialisée vers 2050.
4.1. La Génération IV
C’est en 1999 que le ministère américain de l’énergie, l’US Department of Energy (DOE), a lancé l’initiative « Gen IV » en conviant tous les pays intéressés à s’y associer, au sein du groupement Generation IV International Forum (GIF). La France a été le premier pays à rejoindre les États-Unis dans le GIF qui comprend désormais 15 partenaires, plus ou moins actifs.
La logique de cette démarche est la suivante : dans le début de l’ère nucléaire, énormément de types différents de réacteurs ont été conçus, construits et testés, mais de cette foule de démonstrateurs et prototypes n’ont émergé qu’une poignée de filières commerciales par un processus qui rappelle la sélection naturelle en paléontologie. Aujourd’hui, 85% des réacteurs en opération dans le monde appartiennent à seulement deux filières, les réacteurs à eau pressurisée REP et les réacteurs à eau bouillante REP. Robustes, fiables et économiques, ces réacteurs se sont révélés les gagnants de la sélection naturelle, selon les critères qui correspondaient à l’environnement des années 1970 et 1980 et qui sont encore largement valables aujourd’hui.
Pendant trois ans, les experts des pays du GIF ont élaboré des critères de sélection, puis passé au crible de ces critères plus d’une centaine de concepts, la plupart ayant déjà été étudiés dans le passé mais non retenus dans le contexte de leur époque.
4.2. Les critères GEN IV
Quels sont donc ces nouveaux critères ? On attend de la génération IV qu’elle réponde aux exigences d’un contexte qui sera différent. On en attend une meilleure utilisation des matières fissiles, une gestion plus efficace des déchets radioactifs à vie longue, une meilleure résistance à la prolifération, une sûreté au moins aussi poussée que celle de la génération III et la capacité de s’ouvrir à d’autres applications que la seule fourniture d’électricité : dessalement de l’eau de mer, production de chaleur de procédé, production d’hydrogène pour fabriquer ou améliorer des carburants de synthèse, etc.
Le premier critère, essentiel à la durabilité de l’option nucléaire, ne faisait pas partie des propositions initiales américaines (en 1999, c’était encore sous la présidence Clinton), mais a été ajouté sous l’influence de la France et du Japon. Les ressources d’uranium identifiées aujourd’hui à un coût de production inférieur ou égal à 260 $ par kilo d’uranium seraient suffisantes pour alimenter le parc mondial actuel – un peu moins de 450 réacteurs – pendant plus d’un siècle, et les experts considèrent qu’il reste encore à découvrir au moins le double de cette quantité. Mais si le parc doublait ou quadruplait dans les décennies qui viennent, le siècle en question se réduirait comme une peau de chagrin et l’électricité nucléaire s’éteindrait assez vite faute de combustible… si on le renouvelait avec des réacteurs de technologies identiques ou de performances comparables. C’est donc principalement ce critère ainsi, à moindre titre, que le critère concernant les déchets de longue durée de vie, qui imposent de changer la technologie entre la génération III (REP et REB) et la génération IV (Lire : Production et gestion des déchets radioactifs industries électronucléaires).
En effet, les REP et REB d’aujourd’hui n’utilisent guère plus de 0,7% de toute l’énergie potentielle contenue dans l’uranium extrait des mines à l’amont du cycle de combustible. En ne jouant que sur le combustible, sans modifier profondément la technologie des réacteurs à eau ordinaire, on pourrait améliorer ce facteur d’utilisation : baisse du contenu résiduel de l’uranium appauvri en isotope U235, augmentation de l’énergie moyenne des neutrons dans des cœurs sous-modérés, utilisation de thorium, etc. Mais, d’un avis général, on pourrait au grand maximum atteindre 2%, ce qui constituerait un grand progrès mais insuffisant pour rendre l’option nucléaire durable. Notons au passage que cette souplesse sera sans doute nécessaire pour permettre la transition entre générations III et IV, transition qui s’étalera forcement sur plusieurs décennies.
4.3. La surgénération
La quasi-totalité des réacteurs en marche utilisent un modérateur, pour fonctionner avec des neutrons thermiques (dont la vitesse est la même que celle des atomes du milieu où ils se propagent, atomes agités sous l’effet de la température). Dans les réacteurs à neutrons rapides (RNR), au contraire, on évite de ralentir les neutrons entre la fission qui leur donne naissance et celle qu’ils vont provoquer. Le cœur de ces réacteurs est donc dépourvu de modérateur, ce qui exclut, notamment, de les refroidir avec de l’eau liquide, ordinaire ou lourde. Les propriétés d’interaction du plutonium avec les neutrons rapides confèrent aux RNR leur atout principal : la surgénération.
Le combustible de presque tous les réacteurs actuels est un mélange de deux isotopes de l’uranium, 235U et 238U. Les neutrons thermiques provoquent facilement la fission de 235U, mais pas celle de l’isotope 238. En revanche, quand ils sont absorbés par un noyau 238U, celui-ci subit deux désintégrations successives qui le transforment assez rapidement en plutonium 239Pu qui, lui, est facilement fissile. Ainsi donc, pendant la production d’énergie, la disparition des noyaux fissiles 235U est partiellement compensée par une production de noyaux fissiles 239Pu. Partiellement, parce que dans un réacteur à eau ordinaire, REP ou REB, pour dix noyaux fissiles qui disparaissent il ne se produit que six nouveaux noyaux fissiles.
En revanche, dans un RNR dont on a conçu le cœur à cet effet, on peut convertir à tout instant plus de noyaux de 238U en plutonium que l’on ne fait disparaître de noyaux de plutonium par fission et capture : c’est ce qu’on appelle la surgénération. On peut, en quelque sorte, considérer que le plutonium est l’équivalent d’un catalyseur, qui permet la consommation de l’uranium 238, tout en étant régénéré (et même au-delà) dans la réaction. C’est la surgénération qui permet d’exploiter les réserves d’énergie de l’uranium 238, qui est 140 fois plus abondant dans la nature que l’uranium 235. Les RNR permettront de ce fait d’utiliser comme combustible les grandes quantités d’uranium appauvri entreposées dans le monde et qui, autrement, devraient être traitées comme des déchets radioactifs. Autant dire qu’avec les surgénérateurs, il n’y aura pas de problème de pénurie de matière fissile pendant des millénaires
4.4. Six concepts Gen IV
A l’issue de ses trois années préliminaires, le Forum international Génération IV a esquissé les portraits-robots de six systèmes nucléaires souhaitables afin de guider la R&D qui permettra à certains d’entre eux d’être mûrs pour l’industrialisation à l’échéance considérée (Figure 7). La moitié des ces six cibles sont des RNR, ce qui souligne l’importance du critère d’utilisation de la matière fissile. Une des avancées importantes du GIF est de considérer des systèmes nucléaires, et pas uniquement des réacteurs : le système comprend en effet dès la conception initiale non seulement le réacteur mais tout le cycle du combustible associé.
4.4.1. Réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium liquide
Bien que précédé par d’autres RNR, c’est le réacteur français Phénix, en fonctionnement de 1973 à 2009, qui a, le premier, apporté la démonstration de la surgénération en recyclant plusieurs fois son propre plutonium. En 1977, alors que le choc pétrolier de 1974 avait incité de nombreux pays à programmer des développements nucléaires ambitieux, la France a décidé, avec des partenaires d’Italie et d’Allemagne, de construire sur le site de Creys Malville un prototype RNR surgénérateur de taille industrielle, Superphénix, de 1200 MWe, qui est entré en service en 1985 (figure 6). Superphénix a connu des problèmes techniques de jeunesse, résolus au fur et à mesure – c’est précisément le rôle d’un prototype d’essuyer les plâtres d’une nouvelle technologie – mais il a aussi connu des problèmes administratifs et, surtout, focalisé sur lui l’opposition de tous les mouvements antinucléaires d’Europe. En effet, pour un militant antinucléaire, il suffit d’attendre quelques décennies pour que les réacteurs actuels doivent s’arrêter faute de matière fissile abordable… mais avec la surgénération, on parle de millénaires ? Intolérable !
C’est pourquoi les Allemands ont abandonné leur RNR de Kalkar et c’est pourquoi, en France, le parti Vert a exigé et obtenu de ses partenaires de la majorité plurielle l’arrêt de Superphénix en 1997. Depuis, le flambeau des RNR au sodium a été repris par les Russes et les Chinois.
4.4.2. Réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb liquide
Les Russes développent une alternative au sodium pour les RNR refroidis par un métal liquide : il s’agit soit du plomb, soit de l’eutectique plomb-Bismuth, qu’ils ont utilisés dans le passé pour certains de leurs sous-marins nucléaires. Les deux sont relativement inertes et ne présentent donc pas les risques chimiques du sodium liquide. En revanche, ils présentent d’autres inconvénients.
- Leur densité est très élevée, ce qui requiert de fortes puissances de pompage et présente des risques mécaniques sous sollicitation sismique. En outre, ils sont tout aussi opaques que le sodium et leur forte densité rend difficile d’y immerger des instruments de visualisation.
- Le plomb doit être maintenu vers 400°C pour rester liquide.
- L’eutectique Pb-Bi reste liquide vers 100°C, comme le sodium, mais sous flux neutronique le bismuth se transmute en polonium très radiotoxique. De plus, les réserves mondiales de bismuth ne semblent pas considérables.
- Pour éviter que le plomb n’attaque le nickel des aciers inoxydables, il faut ajuster très finement le potentiel oxygène pour maintenir une couche d’oxyde épitaxiale protectrice sans risquer de colmater les circuits.
Tout récemment, les Russes ont décidé de construire un prototype de petite puissance appelé BREST. Les Belges ont l’intention de construire un réacteur d’irradiation MYRRHA, RNR au plomb qui serait hybride, c’est à dire avec un cœur sous-critique suralimenté en neutrons par la spallation de noyaux lourds soumis au bombardement de protons de très haute énergie provenant d’un accélérateur couplé au réacteur.
4.4.3. Réacteurs à neutrons rapides refroidis par gaz
Le troisième type de RNR retenu comme concept-cible par le GIF utiliserait un gaz comme fluide caloporteur. On aurait ainsi à la fois les avantages de la surgénération et ceux de la haute température (voir ci-après). Ce type de réacteur est attrayant sur le papier, mais encore assez futuriste car son combustible reste à inventer puisque ce ne peut être ni celui des RNR au sodium ni celui des HTR.
4.4.4. Réacteurs à très haute température
Les réacteurs à haute température, et leur version future dénommée Very Hight Temperature Reactor (VHTR), sont des réacteurs modérés au graphite et refroidis au gaz hélium sous pression. Leur originalité vient de leur combustible : celui-ci est constitué de microbilles enrobées de plusieurs couches comme l’amande d’une dragée est enrobée de couches de sucre. L’une des couches, en carbure de silicium, est étanche aux produits de fission et joue le rôle de la gaine d’un élément combustible, les autres sont constituées de carbone plus ou moins dense. Ces particules enrobées, d’un diamètre total voisin du millimètre, sont noyées dans du graphite pour former des sphères de la taille d’une boule de billard : Pebble Bed Modular Reactor (PBMR) fait de blocs prismatiques traversés de canaux que l’on assemble comme un jeu de construction ; Gas-Turbine Modular Helium (GT-MHR), concept à prismes (Figure 9). Formé d’un assemblage de prismes ou d’un tas de boulets, le cœur d’un réacteur à haute température est réfractaire et ne peut pratiquement pas fondre. Il permet de chauffer de l’hélium à 1000°C en gardant le centre du combustible plus froid que celui d’un REP dont l’eau est à 320°C. Quelques prototypes ont fonctionné dans le passé, démontrant la faisabilité et l’intérêt de ces cœurs, mais pas la compétitivité du réacteur pour la production d’électricité seule. Les Chinois sont aujourd’hui les plus actifs dans le développement des HTR.
Dans la génération IV, le VHTR vise la cogénération d’électricité et de chaleur de procédé. Le VHTR est un réacteur à neutrons thermiques dont l’utilisation de la matière fissile reste médiocre : il devra cohabiter avec des RNR.
4.4.5. Réacteur à eau supercritique et réacteur à sels fondus RSF
Le premier est une extrapolation du REP où on augmente la pression jusqu’à 25 MPa, où l’eau devient un fluide supercritique, ni liquide ni gaz. Ce fluide a des propriétés attrayantes, mais la pression à l’intérieur des circuits est considérable.
Le second utilise des sels fissiles fondus (fluorures d’uranium, thorium, béryllium et lithium) à la fois comme combustible et comme caloporteur.
Ils peuvent fonctionner en neutrons thermiques ou en neutrons rapides et se prêtent particulièrement bien à l’utilisation du thorium. Ce type de réacteur ne nécessite pas de fabrication du combustible (liquide), mais il faut lui associer une usine chimique d’épuration en ligne. Seul un très petit prototype a fonctionné en fin des années 1960 : tout reste à développer (Figure 10).
Actualisation de mars 2023 : pour aller plus loin sur les réacteurs à sels fondus et les SMR, un papier de Michel Belakhovsky sur l’état de ce secteur en février
2023 : http://confrontations.org/wp-content/uploads/2023/03/Les-reacteurs-nucleaires-SMR-dans-le-monde-Entre-engouements-et-realites-Michel-Belakhovsky-1.pdf
Actualisation de mai 2023 : Parmi les nouvelles filières de production en gestation début 2023, les plus avancées sont les petites tailles, de type Small Modular Reactor (SMR) . En France, NUWARD, filiale d’EDF, propose un avant-projet détaillé de deux réacteurs type EPR de 170 MW, soumis à demande d’autorisation fin 2026, pour début de construction en 2030 et mise en service en 2035. Retenue dans la stratégie « France 2030 », cette technologie qui veut remplacer les économies de taille par des économies de série (plusieurs centaines d’installations en 2050) attend un signe d’intérêt de la Direction Générale de l’Energie de la Commission Européenne, alors même que la Suède, la Finlande et la Tchéquie s’y intéressent.
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