Les réacteurs nucléaires ne peuvent-ils qu’être des machines construites à des fins de recherche ou de production d’électricité ? La réponse est non depuis la découverte des réacteurs naturels d’Oklo au Gabon. Ses circonstances (un polar scientifique) et ses enseignements pour la compréhension de l’atome méritent d’être mieux connus.
Alors que le développement de l’énergie nucléaire continue de susciter des débats dans nombre de pays, il peut être intéressant de rappeler une histoire fascinante et trop peu connue, celle des réacteurs nucléaires fossiles d’Oklo qui a précédé de deux milliards d’années la réussite de Fermi.
1. « Le navigateur italien a débarqué dans le Nouveau Monde. »
Le 2 décembre 1942, c’est par ce message téléphonique codé qu’Arthur Compton annonçait à James Conant, de Harvard, que l’équipe rassemblée à Chicago autour d’Enrico Fermi venait de réussir à entretenir la première réaction en chaîne de fission au sein du premier réacteur nucléaire réalisé de main d’homme, la pile CP1. C’était l’apothéose d’une folle décennie de recherche internationale sur la structure du noyau de l’atome.
Dès que Chadwick eut découvert le neutron en 1932, toute la communauté internationale des physiciens a compris l’intérêt que présentait pour la recherche cette particule dépourvue de charge électrique, qui pouvait donc interagir avec le noyau sans être affectée par la répulsion coulombienne. Enrico Fermi, notamment, s’est mis à bombarder de neutrons dits modérés [1] tous les noyaux des atomes de la Table de Mendéléiev. Ne réussissant pas à interpréter les résultats qu’il obtenait en bombardant les noyaux d’uranium, l’élément naturel le plus lourd, il informa ses collègues de sa perplexité.
Fin 1938, l’équipe allemande d’Otto Hahn et Lise Meitner, de fins chimistes, découvrirent qu’en fait, après avoir absorbé un neutron, le noyau d’uranium se scindait en deux fractions inégales, pas toujours les mêmes : ils baptisèrent ce phénomène : fission. Quelques mois plus tard, c’est l’équipe française dirigée par Frédéric Joliot qui confirmait la fission et mettait en évidence qu’elle s’accompagnait de l’émission d’environ trois nouveaux neutrons. Ils en déduisirent immédiatement la possibilité d’une réaction de fissions en chaîne, et établirent (par des brevets secrets déposés au printemps 1939) les concepts de bombe atomique, d’une part, et de réacteur nucléaire, d’autre part. La Deuxième Guerre mondiale dispersa les équipes européennes, et c’est aux États-Unis que se poursuivit l’aventure.
Et pendant 30 ans, on a cru que CP1 n’était pas seulement le premier réacteur réalisé de main d’homme, mais qu’il était le premier réacteur nucléaire de fission – tout court (Lire : Histoire de l’énergie nucléaire).
2. Notre Terre radioactive
Peu de gens réalisent que le mot géothermie n’est qu’une autre façon de décrire la radioactivité de notre planète[2]. Parmi les éléments les plus lourds qui son restés lors de la formation de la Terre (la plupart des éléments légers ont échappé à sa gravité insuffisante), il y en a qui n’existent que sous forme d’isotopes radioactifs. Le potassium[3], le thorium et l’uranium en sont les plus abondants aujourd’hui. L’énergie qu’ils continuent à émettre durant leur décroissance radioactive est le système de chauffage central qui complète – modestement – l’énergie que nous recevons du soleil (Lire : Nucléaire : rayonnements, radioactivité et radioprotection).
Il faut rappeler que tous les éléments plus légers que le fer se sont formés dans les étoiles par séries de réactions de fusion nucléaires exoénergétiques. Pour former les éléments plus lourds que le fer et, sans doute, jusqu’au curium, il a fallu des réactions de captures multiples de neutrons, suivies des désintégrations appropriées. Ces réactions absorbent de l’énergie au lieu d’en dégager : elles n’ont pu se produire que dans le déchaînement cataclysmique des explosions de supernovae… C’est pourquoi ces éléments sont relativement rares. Dans l’univers, on compte un atome d’uranium pour mille milliards d’atomes (10-12). Lors de l’accrétion de la Terre, quand elle était toute entière une boule de magma fluide à très haute température, alors que le fer et le nickel plongeaient constituer l’essentiel du noyau central de la planète, l’élément uranium, lithophile, restait dans la croûte superficielle riche en silicates. Sa concentration moyenne y monte donc à ~2 parties par million (2 ppm ou 2*10-6).
L’uranium naturel est (aujourd’hui) composé de trois isotopes, dans les proportions suivantes : 99,2744% d’isotope 238U, 0,7202% d’isotope 235U et 0,0054% d’isotope 234U. Cette composition très précise est la même sur (presque) toute la planète. Seul l’isotope 235 est facilement fissile sous l’action des neutrons lents. Tous ces isotopes sont radioactifs et se désintègrent avec le temps, mais pas avec la même vitesse. La période radioactive de 238U est de 4,51 milliards d’années, en gros l’âge même de la Terre, tandis qu’il suffit de 705 millions d’années pour que disparaisse la moitié des atomes de 235U. En conséquence, l’abondance relative de 235U augmente au fur et à mesure que l’on remonte dans le temps : elle était proche de 17% à la création du système solaire, et voisine de 3,5% il y a deux milliards d’années. 3,5%, c’est la teneur à laquelle il faut aujourd’hui enrichir l’uranium naturel pour en alimenter nos réacteurs à eau ordinaire… (Lire : Le cycle du combustible nucléaire).
Dans les années 1950, quelques auteurs ont joué avec l’idée que des réactions en chaîne puissent s’être spontanément produites lorsque l’enrichissement était suffisant, mais il aurait fallu rassembler tellement de conditions favorables que ça semblait vraiment tiré par les cheveux. Et d’ailleurs, on n’avait aucun indice d’un tel phénomène.
3. Un polar scientifique
En juin 1972, à Pierrelatte où l’on enrichissait l’uranium pour les besoins de la force nationale de dissuasion, une mesure de routine, par spectrométrie de masse, de la teneur isotopique d’un échantillon d’hexafluorure d’uranium naturel UF6 en tête d’usine a présenté une petite anomalie : il n’y avait que 0,7171% de 235U au lieu de la valeur magique 0,7202 ! Bien que la différence fût minime, c’était si bizarre que le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) qui exploitait l’usine, lança sur le champ une enquête approfondie, mais en grand secret.
D’abord, ce n’était pas un artefact : l’anomalie se reproduisait sur plusieurs autres échantillons. Ce n’était pas non plus une erreur dans l’usine elle-même qui aurait amené un recyclage accidentel d’un reflux appauvri. On a ensuite éliminé l’hypothèse d’une contamination accidentelle par de l’uranium provenant du retraitement de combustibles usés, puisqu’on ne trouvait pas trace d’uranium 236 dans les échantillons[4]. Les enquêteurs pistèrent alors cet uranium anormal en remontant toutes les étapes qui l’avaient mené jusqu’à l’entrée de l’usine d’enrichissement : de Pierrelatte à Malvési, où il était sous forme de tétrafluorure UF4, de Malvési à Gueugnon où l’on retrouva des concentrés d’uranate yellowcake affichant des teneurs anormalement faibles en 235U. Tous les concentrés incriminés provenaient de la Société COMUF qui exploitait deux mines au Gabon, à Mounana et à Oklo, près de Franceville, et une usine de concentration à Mounana. Très vite, il apparut que le minerai anormal provenait de la zone Nord du très riche gisement d’Oklo. Dans certains lots, la teneur en 235U descendait en dessous de 0,5%. Entre 1970 et 1972, dans les 700 tonnes d’uranium livrés à l’usine de Mounana, le déficit cumulé en 235U dépassait les 200 kg, une paille ! (Figures 1 et 2).
L’uranium de la mine d’Oklo était vraiment différent de l’uranium naturel provenant de partout ailleurs. Pourquoi ? Il ne pouvait s’agir de séparation isotopique naturelle, car alors, où se trouvait la fraction enrichie ?
Dès août 1972, l’hypothèse se faisait jour de très anciennes réactions de fission en chaîne, et les enquêteurs se mirent à la recherche de produits de fission, ou plutôt des lointains descendants de produits de fission hypothétiques. Le spectre des produits de fission, leur répartition par masses atomiques, est tellement caractéristique qu’il constitue un indice indiscutable que des fissions ont eu lieu. En pratiquant des analyses sur place, on a retrouvé des traces sans ambiguïté : à un moment donné de l’histoire du gisement, celui-ci est devenu un réacteur nucléaire naturel. La découverte fut rendue publique par des comptes-rendus à l’Académie des sciences [1-2], mais de nombreuses questions restaient posées. De quand dataient ces réactions ? Combien de temps avait duré le fonctionnement du réacteur ? Quel avait été son mode de contrôle ? Pourquoi sa taille ? L’enquête était loin d’être terminée.
COMUF accepta de cesser l’extraction de l’uranium de la zone concernée et de laisser la place aux savants. Un Projet Oklo fut mis en place par le CEA, puis ouvert aux recherches internationales dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). On se mit à sonder, carotter, échantillonner et mesurer à qui mieux mieux.
Par la suite, ce n’est pas un réacteur que l’on a identifié, mais 16 dans la région immédiate d’Oklo, et un autre à Bangombé, à une trentaine de kilomètres au sud-est. À la date d’aujourd’hui, aucun site analogue n’a été découvert ailleurs sur Terre.
4. Quelques explications actuelles du phénomène d’Oklo
Pour faire fonctionner un réacteur nucléaire, il faut une forte concentration d’uranium à une teneur minimale en 235U[5], il faut de l’eau pour ralentir les neutrons et évacuer les calories et il faut éviter la présence d’éléments qui absorbent voracement les neutrons, tels que le bore, le cadmium, le hafnium, le gadolinium et autres poisons. Il faut aussi une taille minimum (dans le cas d’un gisement, une épaisseur minimum) pour éviter que de trop nombreux neutrons ne s’évadent hors de la zone réacteur.
Ce n’est qu’il y a environ 2,2 milliards d’années que le patient travail de photosynthèse accompli par les premiers organismes monocellulaires vivant dans les océans a relâché dans l’atmosphère terrestre assez d’oxygène pour que les eaux de surface et souterraines deviennent oxydantes. Elles ont alors pu dissoudre l’uranium du granite en l’oxydant de la valence IV (UO2) à la valence VI, où il est beaucoup plus soluble. À l’inverse, en rencontrant des conditions réductrices (par exemple à cause de la présence de matières organiques), l’uranium a pu se précipiter en UO2 sous forte concentration. Une transition analogue se constate pour le fer et le manganèse, par exemple. Ceci veut dire qu’il ne peut pas y avoir eu de minerai riche en uranium plus ancien que ces 2,2 milliards d’années. C’est la limite haute de notre fourchette. Les sédiments riches ont ensuite été ensevelis sous plusieurs milliers de mètres d’autres sédiments d’origine deltaïque puis marine, et se sont métamorphisés en grès, où la concentration d’uranium dépasse les 5%. Puis des rehaussements tectoniques ont provoqué des failles, avec entrées d’eau et concentrations encore supérieurs dans les produits détritiques.
À l’inverse, depuis environ 1,5 milliard d’années, la teneur en 235U a décru en dessous du niveau qui rend possible la fission spontanée en présence d’eau. C’est notre fourchette basse. Il a fallu de nombreuses études de géologie, géochimie et neutronique pour réduire la fourchette à la valeur qu’on évalue aujourd’hui : les réactions ont dû démarrer il y a 1 950 ±30 millions d’années.
Les zones riches se présentent comme des lentilles allongées très poreuses d’une dizaine de mètres de longueur, avec une épaisseur voisine du mètre et une largeur de quelques mètres. Le faciès de ces lentilles est très particulier, et elles sont entourées d’une sorte de gangue argileuse au milieu du grès. Localement, la porosité accessible à l’eau peut atteindre 40%, probablement du fait d’une lixiviation partielle de la silice (particules de quartz qui constituent originellement 80% du grès, avec 10% d’oxyde d’uranium et autant d’un ciment argileux) par les eaux souterraines. En effet, à cette époque où la radioactivité de la croûte terrestre était plus élevée qu’aujourd’hui, le gradient thermique souterrain devait aussi être plus élevé.
Pendant le fonctionnement du réacteur, la température de l’eau s’est élevée sensiblement, accélérant le processus de dé-silicification [6], augmentant donc, par différence, la concentration en uranium et compensant ainsi sa consommation par fission. De fait, la concentration en uranium dans les lentilles est extrêmement haute, dépassant parfois les 50%, et plus la concentration en uranium est élevée, plus sa teneur en 235U est appauvrie. La dé-silicification a réduit le volume original du grès d’un facteur 7, faisant passer l’épaisseur du gisement de 5 mètres à 80 cm. En outre, en perdant sa silice, le grès immédiatement environnant s’est transformé en cette gangue argileuse, qui a limité la migration des eaux et gardé l’uranium en place. Ainsi, de proche en proche, le réacteur a créé son propre environnement, la zone de réaction se déplaçant progressivement, un peu comme la zone fondue d’une bougie[7] .
En analysant finement le spectre des produits de fission, qui n’est pas identique pour les différents isotopes fissiles, nous savons qu’il n’y a pas eu que des fissions dans 235U : il y a eu aussi des fissions par neutrons rapides dans 238U et des fissions par neutrons lents dans du plutonium formé in situ par capture de neutrons dans 238U, et depuis longtemps transformé par décroissance radioactive α en 235U, puisque la période radioactive de 239Pu n’est que de 24 000 ans[8]. On constate, à ce propos, que le plutonium n’est pas si artificiel qu’on le dit.
Ceci a permis aux neutroniciens d’évaluer que la durée de fonctionnement a été énorme, variant de 150 000 à 850 000 ans d’un site à l’autre ! Cela n’a évidemment rien à voir avec les 4 ou 5 ans que passe un combustible nucléaire dans un réacteur, mais il faut dire que la puissance volumique des réacteurs d’Oklo était à peine un millionième de celle d’un Réacteur à eau pressurisée (REP) d’aujourd’hui.
Les réacteurs étaient contrôlés par plusieurs mécanismes, le principal étant la température. Avec le dégagement de l’énergie de fission, la température du réacteur s’élevait, ce qui provoquait à la fois l’augmentation des captures sans fission par 238U (effet Doppler) et la diminution de la densité de l’eau et, donc, de son pouvoir modérateur. À température donnée, les réactions se stabilisaient donc à un certain niveau, niveau qui variait dans le temps en fonction de l’usure progressive de l’uranium fissile, et de la disparition progressive de certains produits de fission poisons.
En combinant les données géologiques et ces calculs de neutronique, on pense désormais que les réacteurs de la zone Nord d’Oklo ont fonctionné à une profondeur de plusieurs milliers de mètres sous leurs sédiments. À ces profondeurs, les conditions de température et de pression étaient proches de celles que l’on rencontre dans un REP d’aujourd’hui (350 à 450°C, 15 à 20 Mpa), tandis que ceux du Sud ont fonctionné plutôt sous 500 mètres de terrain, à des conditions (250°C, 5 Mpa) voisines de celles des réacteurs à eau bouillante. Même les concepteurs d’Oklo n’ont pas tranché entre ces féroces concurrents d’aujourd’hui qui, combinés, constituent 87% du parc électronucléaire mondial.
Bien qu’il se soit produit des altérations significatives dans les périodes récentes, quand le soulèvement tectonique et l’érosion ont porté ces réacteurs près de la surface, et surtout quand la rivière Okolo Néné a creusé sa vallée, les éléments lourds thorium, uranium et plutonium n’ont pas migré du tout[9], de même que les terres rares, le zirconium, le ruthénium, le palladium, le rhodium et quelques autres éléments. En revanche, krypton, xénon, iode, baryum et strontium on bougé… mais peut-être seulement après quelques millions d’années.
5. Oklo est-il un analogue naturel de stockage géologique ?
Sitôt après sa découverte, et au-delà de la pure fascination scientifique, la communauté nucléaire s’est passionnée pour le phénomène d’Oklo, et les enseignements qu’on en pouvait tirer pour la gestion finale des déchets radioactifs de haute activité ou à vie longue (HA-VL).
On constate de plus un plus un consensus international pour considérer que la meilleure façon de disposer des déchets HA-VL est de les installer, avec le conditionnement et l’emballage adéquats et ce qu’il faut de barrières supplémentaire, au sein d’une couche souterraine géologique stable, où la décroissance radioactive réduira progressivement leur toxicité à une valeur négligeable. Mais cette décroissance prend très longtemps, et il est très difficile de démontrer le confinement des éléments radioactifs sur des durées qui se mesurent en dizaines de milliers d’années. On ne peut le faire qu’en passant par une modélisation physico-mathématique, avec les incertitudes inhérentes associées à la représentativité du modèle, sa précision et sa complétude, ainsi qu’à la propagation de ces incertitudes le long des calculs.
Et là-bas, à Oklo, la nature a confiné précisément ces mêmes éléments radioactifs, non pas durant des centaines de milliers d’années, ni des millions, mais pendant deux milliards d’années, et sans barrière ouvragée ni emballage spécial. Pour comprendre ce que représentent deux milliards d’années, rappelons-nous simplement que la séparation de la Pangée et l’ouverture de l’océan Atlantique datent d’à peine 200 millions d’années…
C’est vrai, surtout en ce qui concerne les éléments lourds qui constituent l’essentiel de la radio-toxicité potentielle des colis HA-VL. Mais on ne peut pas pousser la comparaison au bout. Pour utiliser le vocabulaire des adolescents, Oklo, c’est trop. Ce serait parfait si on pouvait trouver des réacteurs fossiles d’un million d’années… mais nous avons vu que la neutronique l’interdit. Comment comparer les conditions que l’on recherche pour un site de stockage géologique (bien stable, pas ou peu d’eau, température en dessous de 100°C, pendant 100 000 à 200 000 ans) avec ces zones qui ont connu un million d’années d’eau chaude, ont perdu les trois-quarts de leur matière par dé-silicification et ont été généreusement irradiées ? C’est trop. Oklo ne peut pas constituer une vraie démonstration. Mais il donne une solide confiance dans notre capacité à réaliser les conditions, tellement plus simples, d’un stockage géologique sûr !
6. Conclusion : Un phénomène unique ?
J’emprunte ma conclusion à la préface qu’avait écrite Jules Horowitz au livre de Roger Naudet [3] qui a nourri l’essentiel de cet article : « Il est, somme toute, plausible que des réactions de fission en chaîne aient pu se produire spontanément il y a environ deux milliards d’années, et pendant une durée suffisante pour provoquer localement des anomalies dans la composition isotopique de quelques éléments, dont l’uranium. Ce qui constitue un miracle, c’est qu’en dépit des bouleversements que la surface de la Terre a subi depuis cette époque reculée, les preuves en ont survécu jusqu’à nos jours, à Oklo, pour être découvertes grâce à la vigilance des analystes du CEA ».
Il n’y a pas de raison de penser que ce qui s’est produit 17 fois au Gabon ne s’est pas également produit ailleurs sur Terre, notamment dans les vieux minerais riches du Canada ou d’Australie… mais, de fait, trois décennies après sa découverte Oklo reste encore unique. Et même s’il perdait son caractère d’exception géologique, il resterait unique comme polar scientifique ! (Figures 3, 4 et 5).
Notes et références
[1] Il avait vite découvert que si l’on ralentissait préalablement les neutrons par chocs avec des noyaux légers, ils interagissaient ensuite beaucoup plus efficacement avec la matière.
[2] Outre le résidu d’énergie gravitationnelle relâchée lors de son accrétion initiale.
[3] Le potassium 40K de notre squelette est responsable de la moitié de la radioactivité de notre corps, qui se monte à environ 8000 Bq pour un adulte. Le reste est surtout dû au carbone 14C qui se forme dans la haute atmosphère sous l’action des rayons cosmiques.
[4] Dans un réacteur, les neutrons absorbés dans 235U ne provoquent pas tous la fission : une certaine proportion est simplement capturée par des noyaux qui deviennent alors 236U.
[5] Certains types de réacteurs peuvent utiliser des combustibles à base d’uranium naturel, mais seulement si l’on utilise de l’eau lourde D2O ou du graphite très pur comme modérateur, et un réseau « hétérogène » uranium/modérateur, comme dans les réacteurs CANDU ou Magnox. On imagine mal une telle configuration dans la nature.
[6] A 20°C, la solubilité de la silice dans l’eau est de 0,01 g/l. A 160°C, température possible de départ à cette profondeur, elle monte à 0,2 g/l et elle atteint 1,6 g/l à 400°C.
[7] Ceci explique ces zones continues de plusieurs mètres alors que le libre parcours des neutrons n’est que de l’ordre de la dizaine de centimètres.
[8] On peut même calculer que le nombre de fissions dans 235U est plus élevé que le nombre d’atomes 235U disparus : la durée des réactions a été telle que le plutonium formé a eu le temps de décroître et de se faire fissioner en tant que 235U !
[9] Ils ont été retenus dans les cristallites d’uraninite UO2.
Bibliographie Complémentaire
- La Découverte (Septembre 1972)
R. Bodu et al. Sur l’existence d’anomalies isotopiques rencontrées dans l’uranium du Gabon. CR Académie des Sciences Paris 275 D p.1731
M. Neuilly et al. Sur l’existence dans un passé reculé d’une réaction en chaîne naturelle de fissions dans le gisement d’uranium d’Oklo (Gabon) ibid. p.1847
- Synthèse
R. Naudet OKLO : Des réacteurs nucléaires fossiles. Étude physique. Eyrolles, Paris, 1991
- Quelques sites Web
www.wonuc.org/nucwaste/oklo.htm (avec de nombreux liens !)
www.science.uottawa.ca/est/eng/prof/clark/EVS 3101/nuclear/OKLO REACTORS.ppt (Présentation PowerPoint™)
www.world-nuclear.org/info/printable_information_papers/inf78print.htm (Tout sur l’uranium)
www.energethique.com/notions/oklo.htm
www.curtin.edu.au/curtin/centre/wairsc/OKLO/index.shtml (bonne synthèse)
www.ocrwm.doe.gov/factsheets/doeymp0010.shtml (Oklo analogue naturel)
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