Les stations de pompage (STEP)

Les stations de pompage (STEP)

Face au défi environnemental et climatique qui impose impérativement de réduire drastiquement les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, CO2 pour l’essentiel, d’ici le milieu du 21ème siècle, tous les pays industrialisés, mais également les pays émergents, se sont engagés dans la transition énergétique. Malgré la persistance des énergies fossiles encore majoritaires dans le paysage énergétique mondial et qui le resteront encore durant plusieurs décennies, la part des énergies renouvelables (EnR) ne cesse de croître. Ce mouvement devrait s’accélérer dans les années à venir entrainant notamment la baisse de leurs coûts d’exploitation qui à échéance devrait rejoindre ceux des énergies conventionnelles. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit dans son rapport de 2012 que le développement des énergies renouvelables au cours des deux prochaines décennies devrait atteindre un niveau tel qu’elles couvriraient 50% des besoins nouveaux en énergie dans le monde à l’horizon 2035. Dans ce contexte, les STEP sont appelées à jouer un rôle de premier plan.

Source de l’image de couverture : Connaissance des énergies. https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/hydroelectricite-stations-de-transfert-denergie-par-pompage-step

 

1. Les conséquences de l’essor des EnR sur l’exploitation des réseaux électriques

Les énergies solaires et éoliennes sont qualifiées d’énergie intermittente car directement tributaires des conditions météorologiques et de ce fait susceptibles de connaître de brusques variations de production.

Ces fluctuations de production liées aux aléas météorologiques sont indépendantes de la consommation, ce qui impose au gestionnaire de réseau l’obligation de gérer des situations nouvelles opposées : surproduction en période de faible consommation et de production exceptionnelle, moyens de production défaillants en période de pointe. Or, le bon fonctionnement d’un réseau électrique nécessite d’ajuster en temps réel la production et la consommation, équilibre fragile accentué par le recours croissant aux moyens de production intermittente. Pour faire face à ces tensions, différentes solutions techniques peuvent être mise en œuvre :

  • le recours à des moyens de production de pointe flexibles telles que des turbine à gaz et à fioul, solution largement utilisée ; outre qu’il s’agit d’énergie carbonée, le développement des énergies intermittentes à coût marginal de production nul affecte la rentabilité de ces moyens de production et diminue leur durée d’appel voire les condamne à des mises à l’arrêt ;
  • le développement de l’interconnexion des réseaux de transport pour profiter d’un effet de foisonnement, ce qui demande la construction de nouvelles lignes de transport aux coûts élevés et se heurtent à des problèmes d’acceptabilité sociétale ;
  • une action sur la demande d’énergie avec la mise en place de contrats pour limiter la consommation en période de pointe, mais ce type d’action ne peut être efficace qu’avec les gros consommateurs ;
  • l’introduction, à l’étude, d’une évolution du cadre législatif pour l’obtention des permis d’exploitation afin d’éviter que les contraintes de réseaux ne deviennent un obstacle au développement des énergies renouvelables intermittentes par l’insertion dans les nouveaux contrats d’obligations relatives au stockage d’énergie ;
  • l’existence d’un moyen de stockage de l’énergie électrique pour disposer d’une réserve importante, rapidement mobilisable et facilement reconstituable afin de pouvoir agir soit sur la demande par déstockage soit sur l’offre par stockage de  l’énergie excédentaire disponible.

 

2. Le stockage de l’énergie électrique

 Le stockage direct de l’énergie électrique est une opération difficile surtout pour un stockage à grande échelle. Il convient donc de la transformer en une autre forme d’énergie plus facilement stockable.

Fig. 1 : Capacités des différents moyens de stockage – Source : IFPEN

De multiples moyens de stockage sont disponibles. Qu’il soit mécanique (stockage potentiel ou cinétique), chimique (hydrogène, pile à combustible), électrochimique (batteries), thermique (stockage de froid ou de chaud), chaque mode de stockage industriel présente ses avantages et ses inconvénients (Figure 1). Le choix technologique  doit être adapté à chaque usage particulier et prendre en compte le degré de maturité de la technologie et de l’ensemble des coûts réels qui lui sont associés.

Stocker l’énergie électrique en élevant l’énergie potentielle d’un volume d’eau est actuellement la solution la plus mature pour répondre aux besoins massifs du système électrique. C’est la raison pour laquelle ce sont les barrages et les stations de transfert d’énergie par pompage qui représentent à ce jour la quasi-totalité de la puissance de stockage stationnaire installée dans le monde.

Stocker l’énergie électrique en élevant l’énergie potentielle d’un volume d’eau est actuellement la solution la plus mature pour répondre aux besoins massifs du système électrique. C’est la raison pour laquelle ce sont les barrages et les STEP qui représentent à ce jour la quasi-totalité de la puissance de stockage installée dans le monde.

 

3. Les stations de transfert d’énergie par pompage

Les stations de transfert d’énergie par pompage sont un type particulier d’installation hydroélectrique. Ces centrales possèdent deux réservoirs situés à des altitudes différentes. Leurs équipements permettent de stocker de l’énergie sous forme potentielle en pompant l’eau du réservoir inférieur vers le réservoir supérieur lorsque la demande est faible ou le coût de l’énergie peu élevé. Inversement lorsque la demande est forte ou le prix du kWh élevé, elles restituent de l’électricité au réseau en turbinant l’eau du réservoir supérieur (Figure 2).

Fig. 2 : Schéma de principe d’une STEP – source : www.debatlyonchambery.org

Les premières installations utilisant le stockage hydraulique par pompage apparaissent à la fin des années 1890 en Italie et en Suisse. En France la première centrale fonctionnant sur ce principe est la centrale du Lac Noir située dans les Vosges en bordure de la plaine d’Alsace. Elle utilisait l’énergie de nuit de la première centrale de Kembs établie sur le Rhin.

Le stockage d’énergie par pompage a été largement développé dans les années 1970-1990 pour optimiser le fonctionnement des grandes centrales thermiques et nucléaires. De puissantes stations, jusqu’à 3000 MWe de puissance installée, ont été construites dans ce but en Europe, aux États-Unis, au Japon et un peu plus tard en Chine (Figure 3).

Fig. 3 : Centrale de Revin – Source : www.lesmazures.fr/

Outre cet usage premier, la capacité de stockage est efficacement utilisée en parade à une défaillance brutale survenant sur le réseau.

En 2014, le développement à grande échelle des énergies intermittentes solaire et éolienne nécessite la mise en œuvre d’un très important programme de développement de cette technologie.

 

4.  Évaluation d’une STEP

Plusieurs paramètres permettent de caractériser les services rendus par une STEP :

  • l’énergie maximale stockée sous forme d’énergie potentielle de gravité qui est proportionnelle au volume d’eau emmagasiné et à la hauteur de chute et qui varie de quelques GWh à plusieurs centaines de GWh ;
  • la puissance installée en mode turbinage et en mode pompage, l’évolution allant vers des unités de forte puissance dépassant les 1000 MWe ;
  • la constante de temps qui est le rapport de l’énergie maximale stockable à la puissance maximale en mode turbinage ;selon le volume de leurs réservoirs, on parlera de STEP journalière si ces volumes ne permettent un fonctionnement que de quelques heures, de STEP hebdomadaire lorsqu’ils permettent un fonctionnement de plusieurs dizaines d’heures en continu ;
  • le rendement sur un cycle complet qui est le rapport entre l’énergie produite en turbinage et l’énergie consommée en pompage ;
  • le degré de flexibilité qui est lié aux caractéristiques des pompes et turbines c’est-à-dire à la capacité propre à chaque installation de fournir des services au système électrique pour permettre d’assurer la sécurité des réseaux : réglage de la fréquence, de la tension, adaptation de la puissance.

Les STEP pures fonctionnent en circuit fermé avec un apport d’eau négligeable. Les STEP mixtes reçoivent des flux d’eau provenant d’un bassin versant intermédiaire amont ou aval. Les STEP de lac et les STEP marines utilisent un grand lac et la mer comme réservoir inférieur.

 

5. Considérations économiques

Le rendement du cycle pompage-turbinage se situe entre 75 et 85 % suivant le type d’équipement, ce qui signifie que pour bénéficier d’une réserve d’énergie de 1 MWh il a fallu préalablement consommer 1,25 MWh.

L’utilisation du pompage est donc directement dépendante du prix de l’énergie électrique à un moment donné. L’objectif est de remplir le réservoir supérieur par pompage en bénéficiant d’une énergie de faible coût et de ne turbiner cette ressource qu’en période de prix élevé. L’opération sera rentable lorsque l’écart de prix entre achat et vente couvre la globalité des frais de fonctionnement.

L’électricité ne se stockant pas directement, les besoins étant essentiellement variables suivant la période de la journée. L’introduction massive des énergies intermittentes dont la production, liée aux conditions climatiques, est à priori indépendante de la demande, est une source de difficultés au maintien de l’équilibre offre-demande. Avec pour conséquence une volatilité des prix de l’électricité affectant la production ou la demande.

Cette situation devient caricaturale lors d’événements exceptionnels. Ainsi avec la vague de froid qui toucha la France lors de la première quinzaine de février 2012, la puissance appelée a atteint un pic de production de 102 GWe nécessitant la mise en service de l’ensemble des moyens de production et un recours massif aux importations. Il en est résulté ponctuellement des prix de 1938 € le MWh sur le marché EPEX spot France, soit quarante fois le cours moyen (Figure 4). À l’inverse des épisodes de prix négatifs à -139 € MWh ont été constatés sur le marché allemand en décembre 2011 du fait de surproduction d’énergie éolienne.

Fig. 4 : Consommation et échanges commerciaux le 8 février 2012 – Source : EDF RTE

Dans ce contexte, la flexibilité de fonctionnement des STEP capables de mettre à disposition du réseau des puissances importantes de plusieurs milliers de MWe dans des délais très courts de quelques minutes en mode pompe comme en mode turbine apporte un élément de régulation important des réseaux et permet de tirer parti au mieux de la volatilité des prix de l’énergie et ainsi de rentabiliser leur usage.

Un autre avantage important apporté par cette flexibilité concerne la sécurité des réseaux, notamment la régulation en tension et fréquence et l’ajustement rapide de la puissance à la hausse et à la baisse, services qui dans l’évolution actuelle sont de plus en plus exigés des exploitants de réseaux et qui doivent être valorisés équitablement.

Les coûts de fonctionnement comprennent le coût de l’énergie de pompage, les coûts d’exploitation et de maintenance et les taxes.

 

6. Le fonctionnement des groupes turbine-pompe

Les groupes turbine-pompe se répartissent suivant deux types d’architectures :

  • les groupes ternaires qui regroupent sur un même arbre : une turbine, un alternateur-moteur, une pompe, l’ensemble des machines tournant toujours dans le même sens de rotation ;
  • les groupes binaires qui regroupent sur le même arbre un alternateur-moteur couplé à une turbine-pompe réversible,le sens de rotation en mode pompe et en mode turbine étant  inversés.

6.1. Les groupes ternaires

Les STEP de première génération étaient équipées de groupes ternaires à axe horizontal, puis l’augmentation des puissances, donc du poids des machines, a nécessité de passer à une disposition à axe vertical. Dans cette configuration la turbine est une Pelton obligatoirement calée au-dessus du niveau aval maximal, sauf à utiliser un dispositif permettant de maintenir l’écoulement libre sous la roue par contre-pression. Quant à la pompe, les conditions de non cavitation nécessitent son enfoncement sous le niveau aval minimal  ce qui conduit à une ligne d’arbre de grande hauteur nécessaire à l’empilement des trois machines, de la pivoterie, des paliers et du dispositif de couplage.

L’avantage de cette architecture est de pouvoir concevoir chacune des deux machines, pompe et turbine, pour leur domaine propre de fonctionnement optimal. L’alternateur-moteur tournant dans le même sens de rotation pour les deux modes de fonctionnement, la turbine permet le démarrage en mode pompe directement sans nécessiter une machine auxiliaire spécifique ou de procédures particulières pour diminuer le couple au démarrage.

Sans contraintes liées au démarrage, il est possible de concevoir la pompe avec un nombre d’étages et des caractéristiques hydrauliques  les mieux adaptées à son domaine pour un fonctionnement en sécurité.

6.2. Les groupes binaires réversibles

Dans ce type d’architecture, la pompe et la turbine ne constituent qu’une seule machine réversible par inversion du sens de rotation. Du fait qu’il ne subsiste que deux machines sur le même arbre, l’ensemble est beaucoup plus compact et permet une réduction importante du coût du génie civil de la centrale et du groupe lui-même.

La pompe turbine est équipée de roues de type Francis dont le tracé résulte d’un compromis acceptable entre les rendements optimum en pompe et en turbine.

La majorité des installations actuellement en service sont des groupes non réglables avec moteur-alternateur synchrone.

Mono-étage ou pluri-étages pour les hautes chutes, le démarrage en pompe nécessite une puissance importante pour vaincre le couple de démarrage, Il convient donc d’adjoindre une machine électrique capable d’apporter cette puissance. Une solution peut être apportée  par l’installation d’un ou plusieurs groupes lanceurs du type Pelton installés à proximité immédiate, couplés électriquement en dos à dos avec les groupes turbine pompe lors du démarrage qui s’effectue rapidement sans dommage pour le matériel.

L’évolution actuelle de la technologie permet aux constructeurs de proposer des groupes turbine-pompe réglables à deux étages munis d’un distributeur avec aubes directrices réglables. Ils permettent de couvrir des hauteurs de chute de 700 à 1200 m (Figure 5).

Fig. 5 : Schéma d’un groupe turbine-pompe à deux étages réglables – Source : ALSTOM - Centrale de Yang Yang (Corée du Sud) P= 4x258 MW

Le démarrage de ce type de groupe s’effectue roues dénoyées par air comprimé, rendu possible par la présence du distributeur, ce qui limite la puissance nécessaire à quelques pour cent de la puissance maximale et permet l’utilisation d’auxiliaires de démarrage de faible encombrement : moteur poney en partie supérieure du groupe, convertisseur de fréquences.

Fig. 6 : Coupes schématiques d’un groupe ternaire et d’un groupe binaire

Les moteurs alternateurs synchrones équipant la plupart des centrales existantes de ces deux types d’architectures sont à vitesse fixe, la pompe est calée pour un point de fonctionnement déterminé par une hauteur de chute, un débit, une vitesse de rotation déterminée et ne peut être exploitée que sur une plage de puissance très limitée autour de ce point. Du fait des variations en cours d’exploitation il en résulte un fonctionnement avec un rendement inférieur à l’optimum. Le groupe ternaire a la possibilité de régler la puissance de la turbine Pelton par action sur les injecteurs.

Le démarrage en asynchrone direct depuis l’arrêt en utilisant l’alternateur-moteur comme moteur de lancement qui a été utilisé  pour des unités  mis en service dans les années 1970 est abandonné, comme dans le cas  de la STEP de la Coche en France, compte tenu des contraintes  sur les matériels et des conséquences  négatives sur le réseau. Seules de petites unités peuvent être encore concernées du fait de sa simplicité.

 

7. Obstacles à surmonter et progrès techniques

Parmi les différentes techniques de stockage d’énergie électrique, le stockage par pompage/turbinage entre deux réservoirs d’altitudes différentes est la solution qui est, de loin, la plus développée dans le monde, mais son développement se heurte à plusieurs obstacles :

– les STEP sont des aménagements de grande ampleur car la faible densité énergétique du système (un mètre cube d’eau chutant de 100 mètres produit 0,272 KWh) nécessite, pour un stockage de masse, jusqu’à plusieurs centaines de GWh, des volumes d’eau et/ou des hauteurs de chute qui limitent leur développement aux pays montagneux ;

 – l’impact sur l’environnement local peut être important du fait des surfaces nécessaires à la création des retenues ; tout nouveau projet se trouve confronté à son acceptabilité sociétale et environnementale qui conditionne sa réalisation ;

 – la construction des STEP mobilise des investissements conséquents dont une part importante est consacrée au génie civil, ce qui conduit à rechercher des solutions plus économiques par le sur-équipement d’installations existantes ou le renouvellement des équipements par  des groupes turbine pompe de nouvelle génération ;

 – le contexte réglementaire d’accès au réseau intervient directement sur la rentabilité du pompage turbinage. En Europe des pays comme l’Allemagne, l’Italie, le Portugal, la Suisse ou l’Autriche bénéficient d’une exemption totale ou partielle des frais d’accès aux réseaux ce qui n’est pas actuellement le cas en France où les STEP sont soumises au tarif d’accès au réseau pour l’ensemble de leur consommation.

Face à ces obstacles, le rapport de l’AIE sur l’électricité 2050 préconise de poursuivre le développement des deux technologies suivantes : la vitesse variable et les STEP marines.

7.1. La vitesse variable

La majorité des STEP actuellement en service sont équipées de groupes à vitesse fixe entrainés par moteur-générateur synchrone. Ils sont donc optimisés pour un point de fonctionnement bien défini en dehors duquel le rendement est inférieur à sa valeur optimale.

Avec la vitesse variable il devient possible d’adapter les variations de débits et de hauteur de chute tout en maximisant le rendement. En outre, cette technique présente un autre avantage important pour la gestion du remplissage des réservoirs, à savoir  la possibilité de régler la puissance active en mode pompe en agissant sur la vitesse de rotation. Le stockage est alors possible même si la quantité d’énergie disponible est inférieure à celle qu’exigerait le fonctionnement à vitesse fixe. En permettant une meilleure adaptation aux variations de débit et de chute, la vitesse variable permet de minimiser la cavitation et les instabilités de fonctionnement lors des transitoires. Cette technologie tend ainsi à devenir la règle pour tous les nouveaux équipements et renouvellements.

7.2. Les STEP marines

Dans le but de minimiser les pertes dues au transport et les perturbations apportées au réseau lors des fortes fluctuations de la production éolienne off-shore, il apparait souhaitable d’installer les STEP au plus près des parcs éoliens en bordure de littoral.

L’architecture de ce type de centrales est identique à celle d’une STEP terrestre avec la mer comme réservoir inférieur et un réservoir supérieur implanté à terre, la centrale pouvant être installée en pied de falaise ou en souterrain. À ce jour une seule STEP marine existe dans le monde, la STEP d’Okinawa au Japon. Il s’agit d’un aménagement expérimental réalisé en 1999. Le réservoir haut, artificiel, est crée à terre à environ 600 m du rivage. La centrale est souterraine son équipement consiste en un groupe turbine pompe Francis réversible à vitesse variable de 30 MWe opérant sous une chute moyenne de 138 m.

Ce type d’installation doit maitriser des contraintes qui lui sont propres : la corrosion des métaux au contact avec l’eau de mer, la protection de l’environnement vis à vis de la contamination des sols et des nappes phréatiques par le sel, la stabilisation du niveau aval vis à vis des fortes houles pour assurer la sécurité des groupes lors du fonctionnement en mode pompe.

Des projets futuristes construits directement en mer sont actuellement proposés tel que le projet Kerma en mer du Nord (Figure 7).  Il consiste à créer  au moyen de digues un immense atoll de 10 x 6km dont le niveau du lac intérieur serait de l’ordre 40 m au-dessous du niveau marin, le pompage étant utilisé pour vider le lac intérieur en utilisant l’énergie éolienne excédentaire. La puissance installée pourrait être très importante de l’ordre de 1500 MW.

Fig. 7 : Projet Kerma

De tels projets nécessiteront des investissements très lourds ce qui reporte leur réalisation éventuelle aux décennies à venir.

Les progrès technologiques dans les domaines de l’électronique de puissance et des machines tournantes, le développement des réseaux intelligents (smart grid), l’arrivée à maturité de nouveaux moyens de stockage de masse, le degré de développement des énergies intermittentes, l’évolution climatique, autant d’éléments qui dans les décennies à venir pèseront sur les choix techniques et économiques dans le domaine de l’énergie.

 

8. Les STEP dans le monde

Le besoin de plus grande flexibilité dans l’exploitation des réseaux électriques par l’introduction du stockage est lié historiquement à la rigidité d’exploitation des grandes centrales thermiques pour lesquelles les variations de charge nécessaires pour s’adapter à la consommation sont coûteuses et pénalisantes sur leur durée de vie. En 2015, c’est le fort développement des énergies renouvelables intermittentes qui induit ce besoin de flexibilité (Tableau 1).

Au niveau mondial, 99% du stockage stationnaire de l’énergie électrique est assuré par les STEP. La capacité mondiale atteignait 140 GWe à fin 2011 pour 400 STEP en fonctionnement  dont 46 MWe pour l’ensemble européen, 45 en Asie, 21 aux États-Unis (Tableau 1).

Tableau 1 : Principaux pays équipés en STEP
PAYS
Nbre de STEP de P>1000MW Capacité correspondante
Nbre de STEP en construction de P>1000MW Capacité correspondante
Installations remarquables
CHINE
 13 – 17900 MW
 6 – 8200 MW
Huizhou 2450 MW   Guangzhou 2400 MW Tianhuangping 1800 MW
ÉTATS-UNIS
 10 – 14300 MW
*
Bath Country 3000 MW              Ludington 1870 MW
JAPON
 7 – 9300 MW
 2 – 4400 MW
Kannagawa 2820 MW Okutataragi 1930 MW
EUROPE
Capacité installée
Capacité en construction
Installations remarquables
Allemagne
2580 MW
1300MW
Goldisthal 1060 MW Markensbach 1050 MW
Autriche
1480 MW
570 MW
Malta-Reisseck 1030 MW
Espagne
1600 MW
850 MW
Cortes-LaMuela 910 MW
Portugal
2260 MW
950 MW
Alqueva 520 MW
Italie
4330
*
Roncovalgrande 1060 MW Entracque 1320 MW    Edolo 1000 MW
Suisse
3190
1900 MW
Lintz-Limmern 1000 MW Nant de Drance 930 MW
France
4200 MW
*
Grand Maison 1790 MW  Montezic 910 MW   Super Bissorte 730 MW
Royaume-Uni
2490 MW
*
Dinorewig 1730 MW

La Chine est le pays le plus en pointe dans ce domaine : en 2009, elle comptait 22 STEP pour une puissance installée de 11 GWe qui devrait être portée à 50/60 GWe en 2020. En Europe tous les pays qui développent de façon massive leur production d’énergie intermittente ont des besoins importants de stockage.

Les études prospectives de l’AIE prévoient un fort développement du potentiel hydraulique existant, spécialement en Afrique, Asie et Amérique Latine, ce qui conduirait d’ici 2050 à un doublement de la puissance installée soit plus de 2000 GWe pour une production globale qui pourrait atteindre 7000 TWh. Dans ce cadre, quels pourraient être les besoins de stockage par STEP ? (Tableau 2).

Tableau 2 : Besoins de stockage au plan mondial
Chine
États-Unis
Europe
Japon
Reste monde
Total
ENR % totale énergie
21%
24%
43%
18%
Scénario 2C°
Hydro % totale énergie
14%
6%
13%
12%
STEP/capacité totale
4%
4%
6%
11%
2%
STEP GW
119
58
91
35
109
412
Scénario 2C° avec mix
ENR % totale énergie
34%
37%
48%
33%
 – Nucléaire
Hydro % totale énergie
15%
6%
11%
13%
 + ENR
STEP/capacité totale
5%
8%
10%
12%
3%
STEP GW
179
139
188
39
164
700
Projection de développement de la capacité mondiale des STEP
Selon l’IAE Technology Roadmap Hydropower 2012

Pour le court terme de nombreux projets sont en construction, principalement en Chine et en Europe dans les pays développant leur production d’énergie éolienne tels que l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal.

Sur le long terme l’évolution apparait plus incertaine et complexe. L’approche de l’AIE est la suivante. En admettant que la STEP reste l’outil le mieux adapté au stockage de l’électricité, le ratio « capacité actuelle de pompage/capacité électrique totale » caractérise chaque réseau. Il est bas pour les réseaux à dominante hydroélectrique et haut pour les réseaux moins flexibles, soit en 2015 : 2% en Amérique du Nord, 3% en Chine, 5% en Europe et 11% au Japon.

Avec des hypothèses conservatrices d’évolution des besoins futurs en énergie dans un contexte climatique donné (le  scénario 2DS limite l’augmentation de la température terrestre à 2°C sur le long terme), la croissance de la valeur de ce ratio, qui traduit le besoin supplémentaire de stockage, ne devrait concerner que les réseaux qui ont les ratios les plus bas et être modérée. Il en résulte que la capacité mondiale des STEP devrait être de l’ordre de 400 GWe à l’horizon 2050. Cette capacité pourrait cependant être portée à 700 GWe dans le cadre d’un scénario prenant en compte la même limite de 2°C mais un mix énergétique comprenant moins d’énergie nucléaire et un développement plus important des énergies renouvelables intermittentes.

 

9. Les STEP en France

Six installations constituent le parc de STEP français représentant une puissance installée de 4,9 GWe en pompage et 4,2 GW en turbinage : Grand Maison, Montezic, Super Bissorte, Revin, le Chelas, la Coche (Figure 8).

Fig. 8 : Caractéristiques des STEP en France

Les hautes chutes de Grand Maison, Super Bissorte, la Coche sont équipées de groupes turbine-pompe réversibles multiétages non réglables comportant quatre roues pour Grand Maison 5 pour la Coche et Super Bissorte (Figure 9).

  Fig. 9 : Vue du barrage supérieur et de la retenue inférieure de Grand Maison

Montesic, Revin, le Cheylas sont équipés de groupes turbine-pompe Francis réversibles monoétage non réglables

Les centrales de Grand Maison et Super Bissorte ont la particularité d’associer une unité équipée de turbines Pelton  (4 x 150 MWe pour Grand Maison, 1 x 150 MWe pour Super Bissorte) à une unité équipée de turbine pompe (8 x150 MWe pour Grand Maison, 4 X 150 MWe pour Super Bissorte). Pour ces deux installations le démarrage en mode pompe est réalisé en dos à dos, une Pelton pouvant démarrer deux groupes simultanément

Il n’est pas prévu d’engager un nouveau grand projet. En 2015, l’activité porte  sur l’étude et la réalisation de sur-équipements et de renouvellements : renouvellement complet des quatre groupes turbine pompe de la centrale de Revin, nouveau groupe à vitesse variable pour la centrale du Cheylas, adjonction d’un groupe Pelton de haute chute à la centrale de la Coche.


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