Encore limitée si on la compare aux autres sources d’énergie, l’énergie solaire est en train de devenir l’une des sources renouvelables majeures, au côté de la biomasse, de l’énergie hydraulique et de l’énergie éolienne. Comment ? Pourquoi ?
Pour le comprendre, il est indispensable de connaître la ressource et les principes de conversion du rayonnement solaire en chaleur ou en électricité,(Lire : Énergie solaire : les bases théoriques pour la comprendre) mais il faut aussi découvrir son origine et la trajectoire des principales technologies qui assurent la conversion du rayonnement solaire.
1. Le développement de l’énergie solaire à travers le temps
Si l’homme a recouru très tôt à la biomasse pour satisfaire ses besoins en énergie calorifique, et au vent ou à l’hydraulique pour répondre à ses besoins en énergie mécanique, l’utilisation du rayonnement solaire, si on exclut le séchage des aliments, est longtemps restée marginale, voire ignorée (Lire : La consommation mondiale d’énergie avant l’ère industrielle).
Avec la révolution industrielle du 19ème siècle, les sources d’énergie fossiles l’emportent. Depuis, la conversion de la chaleur issue du charbon minéral et des hydrocarbures en travail (énergie mécanique), puis, dans un second temps, la conversion de ce travail en énergie électrique, ont été les piliers du développement économique fulgurant qu’a connu l’humanité au cours des deux derniers siècles (Lire : La consommation mondiale d’énergie 1800-2000 : résultats).
Ce n’est finalement que depuis trois décennies que la conversion du rayonnement solaire s’est développée à une échelle significative, ce qui est matière à paradoxe si on considère, outre l’abondance de la ressource solaire, l’évolution des connaissances et des technologies de base.
2. La genèse de l’énergie solaire thermique
Dans l’Antiquité, les hommes avaient très tôt découvert qu’il était possible de concentrer l’énergie solaire pour obtenir de hautes températures. Ainsi, selon ce qui constitue plus une légende qu’une vérité historique, Archimède aurait réussi, en utilisant des miroirs paraboliques, à incendier les vaisseaux romains ennemis lors du siège de Syracuse en 213 avant Jésus-Christ, au cours de la deuxième guerre Punique (Figure 1). Ce type de miroir était désigné sous le nom de miroir ardent.
2.1. Les expérimentations
Ce n’est qu’après la Renaissance, en particulier au 17ème et au 18ème siècle, que des miroirs ardents de grande taille ont été construits par les physiciens férus d’optique comme Jean-Dominique Cassini (1625-1712), François Vilette (1621-1698) ou Edme Mariotte (1620-1684). Plus tard, Antoine Lavoisier (1743-1794), en particulier, a utilisé de tels instruments pour fondre de nombreux corps.
On ne commence à entrevoir l’utilisation de l’énergie solaire pour les usages courants qu’avec la mise en évidence, au 18ème siècle, de l’intérêt d’utiliser l’effet de serre, par le physicien genevois Horace-Benedict de Saussure (1857-1913). Il est le premier à avoir décrit le concept d’un vitrage placé au dessus d’un absorbeur, lui-même au dessus d’un caisson isolé. C’est le concept des capteurs thermiques Plan toujours utilisés à ce jour (Lire : Solaire thermique : les technologies et leurs trajectoires). Il faudra attendre le 20ème siècle pour quitter le domaine des expérimentations et des démonstrations ponctuelles pour passer à un véritable développement économique et commercial.
2.2. Les applications industrielles
L’idée de développer des machines pour convertir l’énergie solaire à des fins industrielles n’est apparue que plus tard, à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, de pair avec l’essor des industries mécaniques.
La machine construite en 1878 par Augustin Bernard Mouchot (1825-1912) pour l’exposition universelle de Paris est restée célèbre (Figure 2). Elle couplait un réflecteur solaire parabolique de cinq mètres de diamètre avec une machine à vapeur à son foyer. En 1882, lors de la Fête de la jeunesse et pendant toute la durée de l’événement, elle permettra d’imprimer un journal : Le Soleil. Cette machine et cette expérience constituaient une remarquable démonstration des potentialités de cette énergie nouvelle et une préfiguration aboutie de ce que sera la conversion thermodynamique.
La commercialisation des premiers chauffe-eau solaires apparaît au cours des années 1910-1920 aux États-Unis, dans les États très ensoleillés d’Arizona ou de Californie, à une époque où l’exploitation du gaz et du pétrole ne s’était pas encore généralisée.
Le développement de ces énergies fossiles, charbon puis pétrole, moins chères et non soumises au variations astrales et climatiques stoppe l’essor du solaire thermique. Pour que l’intérêt de la conversion thermique ou thermodynamique revienne avec force, il faudra attendre les années 1980 avec l’essor massif des chauffe-eau solaires en Europe tant en Allemagne qu’en Grèce, Chypre ou Israël.
Mais c’est l’Espagne qui va devenir la véritable pionnière des centrales thermodynamiques à concentration pour la production d’électricité au cours des années 2000, même si la France avait essayé d’être un pays précurseur dans les années 1980 avec des centrales comme Thémis à Targassonne dans les Pyrénées (Figure 3).
3. L’émergence de l’énergie solaire photovoltaïque
Environ un siècle et demi sépare la mise en évidence de l’effet photovoltaïque et une production d’électricité qui peut prétendre à la compétitivité avec les centrales thermoélectriques.
3.1. Les avancées de la science
En 1839, le physicien français Edmond Becquerel (1820-1891) est le premier à avoir mis en évidence l’effet photovoltaïque dans une cellule électrochimique[1]. Il a été suivi par Willoughby Smith (1828-1891) qui est le premier à en avoir fait autant dans un solide : le sélénium, en 1873[2].
Mais à ce stade, ni la technologie, ni même la compréhension des phénomènes physiques sous-jacents n’étaient au rendez-vous. Il faudra attendre l’avènement de la physique quantique pour aller plus loin.
En 1905, Albert Einstein (1879-1955) propose que la lumière n’est pas seulement une onde électromagnétique mais qu’elle est composée de quanta. Il décrypte l’effet photoélectrique, à savoir le transfert de l’énergie du quantum de lumière, le photon, à l’énergie de l’électron[3]. Il ouvre ainsi la voie à une série de physiciens remarquables comme Louis De Broglie (1892-1987), Werner Heisenberg (1901-1976), Erwin Schrödinger (1887-1961) et Enrico Fermi (1901-1954) qui, au cours années 1920-1940, vont peu à peu décrypter les principes de la physique quantique. Des laboratoires vont ainsi être incités à exploiter ces principes dans diverses applications et à s’intéresser à cette nouvelle classe de matériaux que sont les semi-conducteurs (Figure 4). C’est le début de deux révolutions parallèles, celle de l’électronique à la base des technologies de l’information et celle de l’énergie solaire photovoltaïque, deux technologies qui vont se nourrir l’une de l’autre.
3.2. L’essor de la technologie photovoltaïque
En 1951, les premiers monocristaux de silicium de ½ pouce de diamètre (1,15 cm) sont tirés par Gordon Teal (1907-2003) et E. Buehler. Les premières cellules photovoltaïques au silicium avec des rendements significatifs vont suivre rapidement. Ainsi en 1954, aux Bell Labs (laboratoires privés de Bell Telephone), autour de William Schockley, une cellule avec un rendement de 6% est obtenue par Gerald Pearson, Darryl Chapin et Calvin Fuller (Figure 5).
Cette date constitue le véritable point de départ du développement de la technologie photovoltaïque. Car, dés 1955, de premières cellules photovoltaïques de toute petite taille sont commercialisées aux États-Unis au prix de 25$ pour 14 milliwatts (mW). En 1958, le satellite Vanguard I est le premier à être équipé d’un module photovoltaïque de seulement 100 mW et 100 cm2. Peu à peu, le rendement des cellules Record augmente jusqu’à 14% en 1960.
Finalement, c’est Sharp au Japon qui, en 1964, développe le premier module photovoltaïque de taille significative et réellement opérationnel pour les applications terrestres. C’est toujours au Japon, pays totalement dépourvu de ressources fossiles, qu’est conçu en 1974 le premier programme ambitieux de développement de l’énergie photovoltaïque au sol dénommé Sunshine. Il sera relayé en 1993 par le programme New Sunshine. Tous ces programmes ont eu pour objectif de développer à la fois la technologie et le marché afin de réduire les coûts de fabrication et d’installation. New Sunshine s’appuie sur deux leviers parallèles :
- le financement de la recherche et développement (R&D) visant à améliorer les rendements et à réduire les coûts ;
- le lancement d’un marché à l’aide de fortes incitations financières pour équiper les toits des bâtiments.
Ces programmes ont duré 30 ans et, bien que les subventions aient été stoppées en 2007, ils ont servi de modèle et d’inspiration à d’autres pays, notamment lorsque la première crise pétrolière a contribué à lancer l’idée d’une énergie solaire à bas coût et sur large échelle.
Au cours des années 1970 et 1980, la production d’électricité photovoltaïque est restée très faible et portée assez largement par l’équipement des sites isolés. En 1977, la puissance installée n’est que de 500 kWe mais elle va progresser rapidement : 9,3 MWe en 1982, 21,3 MWe en 1983. Le relais est alors pris par les équipements raccordés au réseau, poussés par des programmes incitatifs, japonais en particulier.
En 1984, ARCO introduit aux États-Unis le premier module à base de couches minces en silicium amorphe. Peu après, en 1986, l’équipe de Martin Green, en Australie, réalise une cellule à base de silicium cristallin avec plus de 20% de rendement[4]. Dès lors, les bases de la technologie silicium ne varieront plus beaucoup, mais tout le jeu consistera à obtenir ce type de rendement à très bas coût (Figure 6). (Lire : Solaire photovoltaïque : les technologies et leurs trajectoires).
Au début des années 2000, l’Allemagne prend le relais du Japon et franchit un nouveau pas grâce à la loi Erneuerbare-Energien-Gesetz – EEG (Loi sur les énergies renouvelables) qui institue de façon pérenne le principe d’un tarif d’achat incitatif du kWh sans quota de quantité installée à la différence des programmes japonais. Grâce à cette initiative, la machine est enfin lancée sur de bons rails avec, en bout du compte, une production significative d’énergie électrique à un coût du kWh compétitif. Désormais premier marché mondial, l’Allemagne installe un très grand nombre de modules photovoltaïques en une dizaine d’année. Grâce à ce volume d’installation, le but est enfin atteint d’un prix bas de l’énergie photovoltaïque. La Chine joue aussi son rôle dans cette course à la baisse des coûts en investissant massivement dans les usines de production (Figure 7).
Notes et références
[1] Becquerel, E. (1839). Mémoire sur les effets électriques produits sous l’influence des rayons solaires. Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, 9, pp. 561-567.
[2] Smith, W. (1873). J.Soc.Telegraph Engineers, 2, p. 21
[3] Einstein, A (1905). Annal.Physik, 17, p.132
[4] Blakers, A. W. and Green, M. A. (1986) « 20% efficient silicon solar cell », Appl. Phys. Lett., 48, 215-217
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