Stockage d’énergies renouvelables sous forme d’hydrogène pour sites isolés

Stockage d’énergies renouvelables sous forme d’hydrogène pour sites isolés

Produire sa propre énergie de manière renouvelable et ce toute l’année est une aspiration partagée par de nombreux visionnaires de notre société. Ce rêve se concrétise aujourd’hui sur les sites isolés grâce aux énergies renouvelables et aux technologies de l’hydrogène. Cet article présente cet aspect de la transition énergétique en s’appuyant sur la start-up innovante Atawey.


Un des enjeux du 21ème siècle réside dans la capacité d’adaptation des sociétés au changement de leur environnement par l’innovation technologique. Les énergies renouvelables et l’hydrogène en sont de remarquables illustrations. Comment viennent-elles à maturité ? Elles ont besoin de commencer à être utilisées, ce à quoi servent les marchés de niche. L’alimentation en énergie de sites isolés en font partie. C’est donc par leur présentation sous différents aspects, caractéristiques et contraintes, qu’il faut commencer, avant d’analyser les problèmes de leur approvisionnement en énergie. Parmi les solutions possibles, l’innovation de l’entreprise Atawey mérite d’être examinée sous l’angle de sa technique et du potentiel que recèle son marché dont l’évolution dépend en partie des règlements et normes en vigueur.

 

1. Les sites isolés

L’appellation de Site isolé fait référence à un lieu de consommation d’énergie déconnecté de tout réseau d’énergie, aussi appelé off-grid. Ce lieu de consommation peut être lié à la présence humaine comme une habitation, un village, ou même une île mais peut aussi remplir une fonction spécifique comme une antenne relais isolée, un puits dans le désert ou encore une culture agricole dans un endroit reculé. Les antennes relais off-grid, par exemple, représentent 600 000 sites à ce jour. L’électricité permet donc d’alimenter tout type d’appareil (lumière, pompe, communication) et est nécessaire au bon fonctionnement de ces installations. Bien que ce point ne soit pas traité ici, un site isolé peut plus rarement consister en un réseau électrique volontairement indépendant du réseau national comme on peut en trouver sur certains sites industriels souhaitant maîtriser leur production d’énergie : on parle alors de sites électro sensibles.

Le concept de site isolé est illustré ci-dessous par l’île de Sein (Bretagne, France) qui, de par son éloignement de la côte,  n’est pas raccordé au réseau national. Dans cet exemple, l’énergie est acheminée vers l’île depuis le continent sous forme de diesel transporté par bateau.

Fig. 1 : Île de Sein (Bretagne, France)

Les puissances installées et les consommations d’énergie des sites isolés sont très variables (Tableau 1)[1].

 

Tableau 1 : Types de sites isolés et ordres de grandeur de consommation énergétique

 

Type de site isolé Puissance électrique Électricité consommée
Station météorologique 5 W 100 Wh/jour
Refuge de montagne <10 kW 15 kWh/jour
Antenne de télécommunication 3 kW 66 kWh/jour
Île habitée (ex. île de Sein, 215 habitants) 250 kW 3 MWh/jour (420 000 L diesel/an)

 

Les sites isolés font face à des problèmes de différentes natures qui les distinguent d’un site de consommation classique. La première contrainte est causée par l’accessibilité, ce qui signifie que les voies d’accès telles que les routes carrossables, les chemins de fer ou encore les voies maritimes sont rares voire inexistantes. Qu’il se situe à flanc d’une montagne, à proximité d’un récif ou au milieu du désert, le site isolé est la plupart du temps difficile d’accès pour les personnes et surtout pour les moyens de transport (train, voiture, bateau). Cette contrainte d’accessibilité rend difficile l’approvisionnement en énergie ainsi que toute maintenance nécessaire au bon fonctionnement du système. C’est pourquoi, compte tenu de la faible fréquence d’approvisionnement, il est important que l’énergie puisse être apportée en grande quantité et qu’elle soit stockable le plus longtemps possible. Cela dit, la contrainte d’approvisionnement n’est pas l’unique problème. Dans certaines régions du monde lorsque les populations n’ont pas d’accès à l’énergie, il est fréquent que le carburant ou les équipements fassent l’objet de vols. Enfin, la contrainte environnementale (sonore, visuel, pollution de l’air) est de plus en plus présente (voir plus loin).

 

2. Les options énergétiques pour un site isolé

Pour répondre à la contrainte d’approvisionnement et de stockage de l’énergie la solution, la plus courante est l’importation d’énergies fossiles. Ces dernières permettront par la suite d’alimenter un groupe électrogène ou une micro-centrale pour convertir l’énergie en électricité et en chaleur. Le combustible le plus fréquemment utilisé est le diesel qui est un dérivé liquide du pétrole et qui affiche le meilleur compromis entre facilité de stockage, contenu énergétique et prix. Le gaz naturel, moins facile à transporter mais moins cher et moins polluant, est parfois utilisé selon les besoins des sites. Le charbon quant à lui est très facilement transportable mais n’est pas assez dense énergétiquement, c’est pourquoi il est uniquement utilisé pour les îles lorsque que l’approvisionnement est relativement facile. L’inconvénient principal de ces différentes solutions vient de la nécessité d’un approvisionnement régulier en combustible. Ainsi, le site isolé ne peut être autonome et reste dépendant d’un ravitaillement coûteux en logistique.

Une autre solution est le recours aux énergies renouvelables lorsqu’un site isolé possède un potentiel plus ou moins important de ces sources en fonction de son ensoleillement, de son exposition au vent, de la topologie du terrain, de sa géothermie ou encore de la proximité de la mer. Ce potentiel pour être exploité afin de satisfaire une partie, voire la totalité des besoins d’un site. Étant basé sur une production locale, ces énergies renouvelables peuvent éviter l’importation de combustible ce qui diminue les coûts d’approvisionnement.

Cependant, contrairement aux combustibles fossiles, la plupart des énergies renouvelables sont des énergies variables. En effet, une éolienne ou un panneau solaire produira respectivement de l’électricité en fonction de la vitesse du vent ou de l’ensoleillement mais une fois ces flux interrompus, la production s’arrêtera quasiment instantanément. Contrairement aux solutions fossiles, les énergies renouvelables produisent donc indépendamment de la demande en électricité. Cette particularité peut engendrer un défaut d’approvisionnement ou, à l’inverse, une surproduction d’énergie lorsque que la production ne correspond pas  à la consommation. C’est pourquoi le stockage de cette énergie renouvelable sur site devient un enjeu majeur[2].

Fig. 2 : Refuge de la Cougourde (Parc du Mercantour, France), Site isolé avec 1,5 kWc de panneaux photovoltaïques installés. Source: Tenesol

 

3. Le stockage de l’énergie au cœur d’un site isolé

Ainsi, le stockage de l’énergie produite, et plus particulièrement de l’électricité, à partir des sources renouvelables devient un frein à l’autonomie énergétique des sites isolés. C’est à cette étape qu’interviennent les technologies de stockage de l’électricité. Il existe de nombreuses solutions mais  aucune ne satisfait toutes les situations.

3.1. Aspects technologiques

Pour emmagasiner l’électricité générée par les énergies renouvelables du site, il est possible d’utiliser différentes technologies telles que la compression d’air pour production d’électricité via une turbine, la production d’hydrogène pour production d’électricité via une pile à combustible, l’utilisation de batterie électrochimique, le pompage de l’eau ou l’utilisation d’un volant d’inertie. [3]

Parmi les nombreux critères techniques pour la sélection d’un type de stockage, les sites isolés sont exigeants en matière de durée de stockage sur de longues périodes, de quantité d’énergie stockée, de fiabilité pour limiter la maintenance et d’adaptation du système au terrain. Le croisement de ces différents critères aboutit aux solutions technologiques suivantes (Tableau 2).

 

Tableau 2 : Comparaison des technologies de stockage

 

Temps de restitution du stockage Quantité d’énergie stockée Adaptation au terrain Fiabilité Adaptée aux sites isolés
Production d’hydrogène Satisfaisant

Inter-saisonnier

>1 MWh Bonne
Peu d’espace requis mais peu avoir besoin d’eau
Bonne Oui
Batterie Satisfaisant

Journalier

< 1 MWh Très bonne
Peu d’espace requis
Bonne Performances variables selon températures Oui
Compression d’air Satisfaisant

Intersaisonnier

1 MWh Moyenne
Besoin de stockage souterrain volumineux
Bonne Non
Pompage de l’eau Satisfaisant

Hebdomadaire

1 GWh Mauvaise
Besoin de grand réservoir d’eau
Très bonne Non
Volant d’inertie Insatisfaisant

Quelques minutes

1 kWh Très bonne

Peu d’espace requis

Moyenne
Parties mécaniques à remplacer
Non

 

Deux solutions, identifiées ci-dessus, répondent aux besoins d’un site isolé et ce de manières complémentaires. La batterie permet en effet le stockage et la restitution de l’électricité de manière rapide (quelques secondes), efficace (95%), fiable et en quantité significative. C’est pourquoi 99% des sites isolés sont actuellement équipés de batteries pour stocker leur énergie. Cependant, cette solution seule ne satisfait pas à 100% le besoin de stockage car les quantités d’énergie en jeu sont trop importantes et nécessiteraient des batteries trop volumineuses. L’hydrogène s’avère donc  être un bon complément pour les surplus que les batteries ne seraient pas en mesure de stocker.

Cette deuxième technologie consiste à convertir l’électricité renouvelable en hydrogène à l’aide d’eau déminéralisée et d’un électrolyseur avec une efficacité d’environ 70%. Cet hydrogène est particulier puisqu’il est très dense énergétiquement (33 kWh/kg) mais est à la fois très volatile et donc difficile à stocker. Afin de résoudre ce problème, l’hydrogène est stocké sous forme gazeuse ou sous forme solide à l’aide de galettes d’hydrures métalliques. Lorsque la source renouvelable ne satisfait pas la consommation électrique du site, l’hydrogène est consommé dans une pile à combustible qui convertit l’énergie chimique en énergie électrique avec un rendement de 50% en rejetant de l’eau et de la chaleur. Cette chaîne énergétique permet donc un stockage à long terme (sur l’année) avec un rendement énergétique global de 35% et ce avec un volume et un poids compétitifs. Une faible contrainte pèse cependant sur cette technologie puisque l’électrolyseur a besoin d’être alimenté en eau à raison de 0,2 litre d’eau par kWh électrique entrant. Il est cependant possible de réutiliser l’eau générée par la pile à combustible pour alimenter l’électrolyseur ce qui permet de fonctionner en circuit fermé.

Ainsi, la combinaison des deux technologies semble être le compromis technique idéal. D’un côté la batterie permet un stockage de l’énergie journalier pendant que l’hydrogène assure la conservation de quantité d’énergie plus importante d’une saison à l’autre comme le montre le schéma ci-contre.

Fig. 3 : Complémentarité du stockage batterie (court terme) et hydrogène (long terme). Source : Atawey

Les caractéristiques  détaillées de ce système de stockage peuvent être synthétisées comme suit (tableau 3).

 

Tableau 3 : Détail technique de la solution de stockage optimum

 

Sous-système Technologie Poids du système Volume du système Efficacité
Batterie Plomb-Acid 40 Wh/kg 80 Wh/L 95%
Électrolyseur Alcalin 15 W/kg 6 W/L 70%
Stockage solide de l’hydrogène Absorption par le magnésium (MgH2) 2,4 kWh/kg de MgH2 3,5 kWh/L 90%
Stockage d’hydrogène comprimé 350bars 6.67kgH2/kg système 0.02kgH2/L système 99%
Pile à combustible PEM
(Proton Exchange Membrane)
400 W/kg  

400 W/L

50%

 

 

Tous ces éléments fonctionnent en courant continu (DC) alors qu’une éolienne ou une turbine hydraulique génère du courant alternatif (AC) ce qui implique la présence d’un redresseur afin de convertir le courant AC en courant DC. De même, si le site isolé consomme du courant alternatif il faudra installer un onduleur pour convertir le courant DC de la pile à combustible ou de la batterie en courant AC. Ces dispositifs bénéficient de très bons rendements de conversion supérieurs à 95%.

3.2. Aspects économiques

On peut comparer l’évolution des dépenses d’un site isolé par un approvisionnement en énergie fossile et par le système d’énergie renouvelable couplée au stockage hydrogène de l’entreprise Atawey [4]. Les dépenses sont exprimées en TCO (total cost of ownership ou coût total de possession) et le ROI (return on investment ou retour sur investissement) correspondent ici au moment où la solution Atawey revient moins chère que la solution fossile. On remarquera le surcoût généré par le remplacement des batteries du système Atawey pendant la 6ème année.

Fig. 4 : Comparaison des coûts des systèmes renouvelables et fossiles - Sources : Atawey

La solution renouvelable nécessite donc un fort investissement initial mais un coût de fonctionnement et de maintenance relativement faible. À l’inverse, la solution fossile ne nécessite pas un fort investissement mais génère des coûts importants par la suite. Ainsi, la solution renouvelable privilégie une prise en compte globale et de long terme des coûts de l’installation.

 

4. Les  impacts du stockage renouvelable

Quels sont les impacts de cette solution sur son environnement écologique, social et économique en comparaison de ceux  d’une option basée sur les énergies fossiles ?

4.1. Impacts écologiques

L’impact écologique majeur consiste en une réduction de la pollution locale. L’absence de moteur à explosion (groupe électrogène diesel) supprime en effet la nuisance sonore inhérente à cette technologie, les émissions de particules fines ainsi que les émissions de monoxyde d’azote (NOx). Toujours à l’échelle locale, l’arrêt de la livraison du combustible permet d’éviter des catastrophes naturelles telles que le naufrage du pétrolier Jessica au large des îles Galápagos en 2001 ou encore des accidents de fuite de carburant sur le site. À plus grande échelle, le site isolé alimenté par des énergies renouvelables n’émet pas de CO2 et limite ainsi sa contribution au réchauffement climatique.

L’installation d’énergies renouvelables peut cependant générer d’autres impacts. En effet, une installation éolienne peut être source de nuisance sonore significative selon sa taille et peut aussi représenter un danger pour la faune locale (oiseaux notamment). De même, l’hydroélectricité peut perturber un cours d’eau et donc son écosystème. On pourra aussi mentionner l’impact sur la faune marine pour les installations hydroliennes. Le solaire nécessite quant à lui une surface au sol importante qui peut entrainer un réaménagement du terrain. Les technologies de stockage quant à elles ne perturbent pas significativement l’environnement autant local que global.

C’est notamment pour ces avantages environnementaux significatifs que certains sites isolés refusent désormais la livraison de combustible (îles Galápagos, 2015) ou entament des politiques cherchant à en limiter l’usage (île de la Réunion, 2016).

4.2. Impacts sociaux

Parmi les différents types de sites isolés, figurent les habitations reculées ou trop difficiles d’accès pour être raccordées au réseau électrique. Cette situation limite l’accès à l’énergie et engendre des inégalités sociales importantes comme en Inde ou au Brésil. L’électrification de ces sites, grâce au système renouvelable, permet un accès aux nombreux services rendus par l’électricité tel que l’éclairage, le pompage ou le chauffage. De plus, l’autonomie gagnée grâce à cette solution permet à des foyers pauvres d’éviter des dépenses lourdes en combustible.

4.3. Impacts économiques

D’une manière générale, bien que la solution renouvelable soit plus coûteuse à l’achat (CAPEX), il est certain que les faibles coûts de maintenance et d’exploitation (OPEX) engendreront des économies significatives par la suite pour le propriétaire ou la population du site isolé. Outre la compétitivité économique de cette solution, le gain de l’indépendance énergétique a un réel intérêt pour la balance commerciale des sites isolés et donc pour l’économie globale du site. À cela s’ajoute une très bonne visibilité sur les dépenses puisqu’elles peuvent être planifiées et leurs montants anticipés contrairement à un approvisionnement en combustible fossile dont les prix sont soumis à la volatilité du marché pétrolier.

 

5. La start-up ATAWEY

L’assemblage de technologies assurant le stockage d’énergies renouvelables a été réalisé par l’entreprise Atawey [5].

Fig. 5 : Logo Atawey

5.1. L’entreprise Atawey

Start-up savoyarde fondée en 2012 par Jean-Michel Amaré (CEO) et Pierre-Jean Bonnefond (CTO), Atawey s’est lancée à la conquête des sites isolés avec pour objectif de répondre au besoin de stockage des énergies renouvelables installées. L’offre de cette entreprise consiste donc à fournir un système complet et opérationnel de type Plug and Play permettant de stocker les surplus de production et de les restituer tout au long de l’année. Leur technologie s’appuie sur un stockage court terme grâce à des batteries et sur un stockage long terme grâce à la production d’hydrogène et la restitution de l’électricité par une pile à combustible comme décrit précédemment.

Forte aujourd’hui de trois ans d’expérience, l’équipe compte désormais huit personnes dont la majorité est dédiée à la technique et aux opérations. L’entreprise fait partie de l’AFHYPAC (Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible) ainsi que du pôle de compétitivité Tenerrdis spécialisé dans l’innovation et l’énergie. Forte de son dynamisme et de son caractère innovant la start-up a rapidement été reconnue à travers de nombreux Prix tels que le Trophée Innov’R (2013), le Concours Énergie Intelligente (EDF, 2014) ou encore le Prix Innovation Day (ENGIE, 2015).

5.2. La technologie et les réalisations

Pour Atawey le défi technologique est de taille étant donné que l’ensemble de la chaîne hydrogène est couverte de l’entrée de l’électrolyseur à la sortie de la pile à combustible (Tableau 4).

 

Tableau 4 : Détail technique de la solution Atawey

 

Fonction Technologie Commentaire
Stockage court terme Batterie Plomb-Acide Bien que moins compact que la technologie lithium, l’option Plomb-Acide est moins chère et plus mature
Conversion de l’électricité renouvelable en hydrogène Électrolyseur Alcalin La technologie Alcaline est préférée à la technologie PEM pour sa robustesse
Stockage long terme Hydrure métallique ou gazeux Le choix de la technologie dépendra des besoins du site (espace au sol et poids)
Conversion de l’hydrogène en électricité Pile à combustible PEM à Cathode ouverte* La technologie cathode ouverte nécessite moins d’entretien qu’une technologie à cathode fermée

*Signifie que le comburant de la pile qu’est l’oxygène alimente la réaction tout en évacuant la chaleur contrairement à une cathode fermée où un circuit de refroidissement dédié (circuit d’eau) évacue la chaleur de la pile.

 

Lors de la sélection d’une technologie, il est important d’arbitrer entre la performance énergétique du produit, son coût d’achat mais aussi son coût de maintenance. En effet, les critères les plus importants pour Atawey dans le choix de ses composants sont la fiabilité et la robustesse. Ce critère est mis en avant puisque les conditions météo des sites isolés sont difficiles si bien que la défaillance d’un composant peut paralyser l’ensemble du système. De plus, le contenu de la maintenance doit être simplifié au maximum afin qu’elle puisse être réalisée par des techniciens ne maîtrisant pas nécessairement cette technologie trop complexe. Ainsi, grâce aux propriétés inhérentes de la technologie hydrogène et aux choix de fiabilité d’Atawey, la maintenance se limite à une opération annuelle sur site.

Cette technologie est bien représentée par les deux réalisations suivantes :

MYE 1

Afin de démontrer la faisabilité et la fiabilité de son système, la start-up savoyarde a lancé en 2014 un premier système nommé Mye 1. Cette installation, en opération sur le site de l’Institut national de l’énergie solaire (INES) à Technolac, est en capacité d’alimenter un hôtel de montagne (50 places) pour un coût du kWh compris entre 1€ et 5€.

Fig. 6 : Couplage de panneaux solaire et de la solution de stockage Atawey

Projet THEMIS

Le Projet Themis se veut un projet à visée industrielle puisqu’il s’agit d’un démonstrateur pour l’alimentation d’un système de communication de type antenne relais. Initié et coordonné par Atawey en 2014, ce projet est labellisé par le pôle de compétitivité Tenerrdis et compte parmi ses partenaires le groupe Air Liquide. L’objectif est de démontrer la faisabilité à plus grande échelle de ces technologies pour des utilisations nécessitant une consommation de 4 à 500MWh/an.

5.3. La stratégie et les perspectives d’Atawey

Dans cet environnement concurrentiel qu’est l’approvisionnement énergétique, il est nécessaire d’afficher des coûts compétitifs. Actuellement, Atawey peut s’aligner sur les prix du diesel pour les sites isolés difficiles d’accès où le surcoût d’approvisionnement en diesel dépasse le surcoût d’investissement de la solution Atawey. En 2014, l’entreprise décide de diversifier ses activités en s’ouvrant au marché de la mobilité à travers la mise en place de stations de recharge hydrogène de petite capacité visant à alimenter des flottes de vélos. Cette application est très similaire à celle d’un site isolé puisqu’on y retrouve les mêmes composants que sont l’électrolyseur et le stockage d’hydrogène. À travers cette diversification, Atawey trouve un marché porteur à court terme tout en continuant de développer le marché des sites isolés. Le domaine de l’énergie étant un secteur complexe, la compétitivité du système Atawey est lié à l’évolution du coût du pétrole et à de nombreux autres facteurs politique, économique et technologique. Cependant, les fondateurs à l’origine de cette aventure sont persuadés que l’industrialisation de la production permettra une baisse des coûts significative dans les années à venir et que l’hydrogène, de par sa nature, aura forcément sa place dans l’avenir énergétique de ce marché porteur qu’est le site isolé.

 

6. Normes et réglementation

Comme tout projet de construction l’installation d’énergie renouvelable sur un site isolé doit faire l’objet d’un permis de construire délivré par les autorités [6]. De même, si l’installation consiste en une modification d’un bâtiment existant, la réglementation du pays peut aussi impacter la construction. Dans le même registre, si le site isolé constitue un monument classé, l’autorisation  d’un organisme spécialisé est obligatoire (Architectes des Bâtiments de France par exemple). La plupart des sites isolés se trouvant en montagne ou dans des sites naturels protégés, il est important de se conformer à la législation de ces lieux. Dans le cas de la France, la loi Montagne de 1985 vise à maîtriser le développement urbain en milieu montagnard et peut donc s’opposer au projet.

Ce cadre institutionnel est fait de normes et règlements. Les normes se traduisent notamment à travers des standards internationaux appelés ISO (International Standard Organisation) ou IEC (International Electrotechnical Commission) que l’on retrouve tout au de la chaîne de valeur de l’hydrogène (électrolyseur, stockage solide et pile à combustible)  :

ISO 14687 : Utilisation de l’hydrogène à travers une pile à combustible PEM

ISO 15916: Les fondamentaux de la sécurité hydrogène (manipulation, étiquetages)

ISO 16111: Stockage de l’hydrogène sous forme solide (hydrures métalliques réversibles)

IEC 62282 : Test de performances de pile à combustible PEM

Du côté de la réglementation,  les installations produisant de l’hydrogène sont concernées par la nomenclature 4715 ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement). Cette nomenclature contraint le propriétaire à réaliser une étude de risque mais des dérogations sont accordées puisqu’il s’agit d’une consommation sur site et non d’une production industrielle. Compte tenu de la quantité relativement faible d’hydrogène produit (<100 kg) les installations concernées sont exemptes de nombreuses contraintes liées à l’exploitation de l’hydrogène comme la directive SEVESO 3.

 

7. Vers de nouvelles applications

Le couplage d’un électrolyseur et d’une pile à combustible peut aussi avoir d’autres applications, et ce dans de nombreux domaines. En effet, le stockage des énergies renouvelables valable pour un site isolé ne l’est pas moins pour un réseau électrique au niveau national. On pourra donc souligner que la variabilité des énergies renouvelables peut être maîtrisée par un ensemble électrolyseur + pile à combustible afin de stabiliser un réseau électrique de grande dimension et ainsi permettre une meilleure pénétration de énergies propres dans le mix énergétique national.

Dans le cas où d’importantes ressources renouvelables sont loin des foyers de consommation (éolien offshore ou zones reculées), il est sérieusement envisagé de convertir entièrement l’électricité, au rendement d’électrolyse près, en hydrogène. La finalité de cet hydrogène serait d’être exporté vers les foyers de consommations. On pourra citer comme exemple la construction de champs éolien de plusieurs GWe au nord de la Norvège dont l’hydrogène produit sur place servira à la consommation du sud du pays mais aussi à l’exportation vers l’Europe et le Japon.

 

Conclusions

La technologie permet aujourd’hui de stocker les énergies renouvelables sous forme d’hydrogène pour les sites isolés. Il n’existe cependant pas une solution unique, mais le mix entre stockage batterie et stockage hydrogène parait la meilleure. D’une manière générale, les énergies renouvelables s’avèrent avoir un impact positif en comparaison des énergies fossiles tant sur le plan environnemental, que social  et économique mais elles  ne sont pas dénuées d’effets néfastes qu’il convient de limiter. À travers l’exemple d’Atawey il a été montré que l’émergence d’une nouvelle technologie est complexe et longue et qu’une activité diversifiée permet de gagner en compétence en attendant le réel lancement du marché des sites isolés. Bien qu’il s’agisse d’un marché de niche, on a pu vérifier d’une application à une autre (du stationnaire vers la mobilité) que les systèmes sont sensiblement identiques ce qui permet un transfert d’expérience. Compte tenu de l’engouement pour l’autoconsommation, de la baisse régulière des prix des composants et de la pression environnementale croissante, il est prévisible que sur un horizon à cinq ans des systèmes tels que ceux proposés par Atawey seront compétitifs sur la plupart des sites isolés à condition que le prix du baril de pétrole retrouve  un prix plus conforme au coût d’exploitation des nouvelles réserves.

 


Notes et références

[1]Bharti Infratel Limited (2012). Green Networks: Transforming Telecommunications on Sustainable Energy Alternatives

[2] La géothermie basse température  n’est pas prise en compte parce qu’elle fournit essentiellement de la chaleur. La géothermie haute température est bien une source de production d’électricité mais elle est rarissime sur un site isolé.

[3] Emmanuel Zoulias & al. (2002). A review on water electrolysis.

Department of Energy, USA (2012). Technical plan – Hydrogen storage

Department of Energy, USA (2012). Technical plan – Fuel cell

Interview de Pierre-Jean Bonnefond (23/03/2016), CTO et président de Atawey

[4] Atawey (atawey.com)

[5] Interview de Pierre-Jean Bonnefond (23/03/2016), CTO et président de Atawey.

[6] AFHYPAC (2012). La sécurité hydrogène en France, en Europe et dans le monde : Normes et règlements

Gérard Nicoud & al. (2007). Guide technique, énergie en site isolé d’altitude

 


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