Les applications de la supraconductivité ne se limitent pas aux champs magnétiques très intenses exploités notamment dans l’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM). Elle en a d’autres dont certaines pourraient jouer un grand rôle dans le développement de systèmes de transmission et de stockage de l’électricité plus efficaces que ceux d’aujourd’hui, ce qu’exige notamment l’essor des sources renouvelables intermittentes.
Les matériaux utilisés pour conduire le courant électrique ou construire des machines électriques, tels que moteurs et générateurs, ont tous une résistance. Cette dernière entraîne une perte d’énergie en échauffant le matériau. On ne peut donc faire passer un courant trop grand dans un fil sans qu’il fonde. La perte d’énergie est proportionnelle au carré de l’intensité du courant et à la résistance du matériau. Les pertes d’énergie dans le transport vers les foyers consommateurs sont importantes. En France on considère que 33 TWh (1012 Wh) sont perdus annuellement sur une production de 540 TWh [1]. D’où les économies d’énergie qu’il est possible de faire avec des matériaux sans résistance électrique que l’on appelle supraconducteurs (Lire : Histoire de l’électricité et L’électricité : éléments essentiels, génération, et transport).
1. Un siècle de supraconductivité
La supraconductivité n’existe qu’à des températures très basses voisines du zéro absolu 0 K (degré Kelvin) soit -273,15° Celsius. Sa découverte n’a pu se faire que dans un laboratoire capable de liquéfier l’hélium, c’est-à-dire d’obtenir une température en dessous de 4,2 K (-268,8°C). Ceci a été réalisé dans le laboratoire de Kamerling Onnes à Leyde en Hollande en 1908 [2].
En 1911, un des membres de ce laboratoire découvrit que le mercure perd toute résistance électrique à 4,18 K. C’est le début de l’histoire de la supraconductivité. D’autres matériaux montrèrent cette étonnante propriété comme le plomb ou l’aluminium mais toujours à des températures extrêmement basses. La résistance des matériaux est alors inférieure à 10-23 Ωm soit 15 ordres de grandeur plus petite que celle du cuivre à la température ordinaire qui est de 1,710-8 Ωm, comme l’a montré le fait qu’un courant dans un anneau puisse tourner deux ans sans décroitre. L’étude de ces matériaux a montré une autre propriété étonnante : si on les met dans un champ magnétique relativement faible, il l’expulse. Le champ magnétique à l’intérieur du supraconducteur est donc nul. Il apparait des courants superficiels sur une épaisseur à la surface du matériau, appelée longueur de pénétration du champ magnétique, annulant le champ extérieur. Cet effet qui s’appelle l’effet Meissner permet des expériences amusantes comme celle de faire léviter un petit aimant au dessus d’un matériau supraconducteur (Figure 1).
Mais ceci n’est vrai que pour des champs magnétiques faibles. Si le champ a une intensité plus grande qu’un champ magnétique critique Hc, le matériau redevient un conducteur normal. L’explication est simple; le système minimise toujours son énergie. Le courant superficiel qui rend le champ magnétique nul à l’intérieur demande une énergie proportionnelle au carré de l’intensité. Si cette énergie est plus grande que celle gagnée par le système en devenant supraconducteur, le matériau à l’état normal a une énergie plus faible.
En 1957, la mécanique quantique était assez développée pour permettre à Bardeen, Cooper et Schrieffer (prix Nobel 1972) de construire une théorie expliquant la supraconductivité. Par l’intermédiaire des ions du réseau du matériau, deux électrons peuvent s’attirer dans certaines circonstances. Les électrons se couplent alors deux à deux. Ces paires, dites paires de Cooper, ont une quantité de mouvement nulle. On peut les mettre toutes dans le même état quantique qui est celui d’énergie minimum [3]. La relation de Louis de Broglie associe à cet état une longueur d’onde infinie. Une telle onde ne pouvant être diffusée par les défauts du cristal, la résistivité est nulle.
L’intérêt de la supraconductivité vient du transport sans perte de l’énergie électrique. Mais on réalisa que, comme un champ détruit l’état supraconducteur, on ne pourrait jamais faire passer des courants importants puisque le courant crée lui-même son propre champ. En effet, les champs magnétiques critiques sont de l’ordre du dixième de tesla (1 tesla = 10000 gauss). Par exemple, dans l’aluminium, le courant maximum que l’on peut faire passer dans un fil de 2mm de diamètre est de 10A. La supraconductivité perdait alors tout intérêt.
Il a fallu attendre les travaux de l’école de Landau en Union Soviétique (prix Nobel 1962) pour s’apercevoir que certains supraconducteurs supportaient des champs magnétiques beaucoup plus grands sans redevenir normaux. Ces supraconducteurs, au lieu d’expulser complètement le flux magnétique, le laissent passer à travers des petits cylindres à l’état normal. Ces cylindres, appelés vortex, laissent passer le champ magnétique sur une longueur qui est celle de la pénétration du champ magnétique. Si elle est plus grande que le diamètre du cylindre, le bilan énergétique montre que le matériau peut rester en partie supraconducteur sous un champ magnétique élevé. Ce type de supraconducteurs appelés de type II, laisse rentrer les vortex à partir d’un champ magnétique critique Hc1 . Les vortex se repoussent mais le champ les comprime. Leurs distances décroissent avec un champ magnétique appliqué croissant. Lorsqu’ils finissent par se toucher à un champ appliqué Hc2 le matériau redevient entièrement à l’état normal. Ces champs magnétiques peuvent alors être de quelques dizaines de tesla.
Cependant, cela ne résout pas le problème de faire passer des grands courants. En effet, les équations de l’électromagnétisme prévoient que le courant crée une force sur les vortex et que ceux-ci, en se déplaçant, créent un champ électrique. La présence du champ électrique indique alors une dissipation d’énergie. Nous avons le résultat paradoxal d’un supraconducteur qui possède une résistance. Pour qu’elle n’existe pas, il faut que les vortex ne puissent se mouvoir. Comment pouvons-nous ancrer ces vortex ? Pour prendre un exemple simple, s’il existe des petites régions de la taille du petit cylindre dans le supraconducteur, qui ne sont pas supraconductrices, les vortex auront tendance à passer par elles et resteront accrochés. Le courant maximum que pourra alors faire passer un supraconducteur, sera obtenu quand la force exercée par le courant sur le réseau de vortex sera égale à la force d’ancrage du réseau sur les inhomogénéités. Cela devient un problème de technologie.
La technologie requise pour fabriquer ces fils ou câbles est importante. D’abord, il faut des matériaux dont la température critique à laquelle ils redeviennent normaux soit de l’ordre de deux fois la température à laquelle on les utilise, c’est à dire celle de l’hélium. Les matériaux utilisés sont un alliage NbTi (nobium titane) et le composé Nb3Sn. Pour ne pas créer de résistance, on doit utiliser des filaments de NbTi de diamètre inférieur à 0,1 mm et pour le second des diamètres inférieurs à 10µm. Un fil est donc fait de multiples filaments torsadés enrobés dans une matrice. Cette configuration permet de satisfaire les conditions nécessaires à la stabilité électrique, thermique et mécanique [4]. Ainsi un fil de Nb3Sn (nobium étain) de 1 mm de diamètre est composé de quelques milliers de filaments bien séparés de 3 à 5 µm dans une matrice de bronze Cu-Sn (cuivre étain) (Figure 2).
Ces supraconducteurs vont enfin permettre de faire passer des courants d’intensité sans comparaison par rapport aux matériaux usuels non supraconducteurs. La plupart des applications à fort courant demande des courants de l’ordre de 105 A.cm-2. Alors qu’avec des électro-aimants conventionnels, on ne peut guère obtenir des champs de plus de deux tesla, les aimants supraconducteurs ne sont limités que par l’induction magnétique critique Hc2 (24 teslas dans le cas de Nb3Sn). Un électroaimant fournissant deux teslas a besoin de 11 MW. Le même aimant construit avec des matériaux supraconducteurs se contente de 200 kW. Ces supraconducteurs vont donc être utilisés pour créer des champs magnétiques intenses nécessaires dans beaucoup d’applications comme l’IRM (imagerie par résonance magnétique) en médecine qui nécessite des champs de l’ordre de 6 teslas.
Toutes ces applications demandaient d’être réalisées dans l’hélium liquide et au vu du prix de l’hélium, cela était un handicap. Or en 1986, A. Muller et G. Bednorz (prix Nobel 1987) découvrent une céramique qui devient supraconductrice à une température plus élevée que celles de tous les matériaux connus. Très vite, par des substitutions d’atomes, on dépasse la température de liquéfaction de l’azote (77 K). En 1987, Paul Chu avec un composé YBaCuO obtient la température critique de 93 K soit -180°C. Il n’est donc plus nécessaire de recourir à l’hélium mais on peut se contenter d’azote liquide beaucoup plus abondant et beaucoup moins cher à produire. Tous les espoirs semblent alors à porté de main.
Malheureusement, on peut comprendre la difficulté de faire des fils avec une céramique. L’euphorie initiale retomba. Il fallut attendre 2004 pour réaliser des câbles supraconducteurs avec ces matériaux. Les applications ont pu alors démarrer et un certain nombre de réseaux électriques de puissance sont maintenant construits avec ces matériaux dans le monde. D’autres applications de la supraconductivité sont, par exemple, le stockage de l’électricité, l’augmentation des performances des réseaux électriques, les smartgrids, les bobines pour moteurs ou générateurs, ou encore les trains à lévitation magnétique.
2. Les premiers câbles électriques supraconducteurs
En 2004, Sumitomo Electric Industries Ltd réalisa le premier câble supraconducteur capable de transporter 130 fois plus d’électricité qu’une ligne conventionnelle. En 2006, une ligne de 34,5 kV et 800 ampères fut réalisée sur 350 m à Albany, (USA). Les câbles étaient réalisés avec un oxyde de cuivre comportant du bismuth et baignait dans l’azote liquide. Une grande économie de poids était aussi obtenue puisque 8400 kg de fil de cuivre étaient remplacés par 110 kg de câbles supraconducteurs.
Plusieurs entreprises sont en 2015 capables de réaliser des câbles pour le transport du courant avec le composé YBaCuO, où le bismuth a été remplacé par de l’ytrium. Ces câbles de seconde génération remplacent à peu près 150 fils de cuivre. Ils supportent des courants élevés, jusqu’à 5 kA, ce qui permet le transport d’une forte puissance électrique avec une forte intensité plutôt qu’une haute tension (la puissance électrique est le produit de la tension par l’intensité). Ils permettent ainsi la réduction du nombre de transformateurs. Ils présentent plusieurs autres avantages : en dépit de leur gaine cryogénique externe d’isolation thermique, ils occupent moins d’espace que des câbles similaires en cuivre, tout en offrant une grande capacité de transport d’énergie, sans émettre ni champs électromagnétiques ni dégagement de chaleur alors que les lignes classiques à haute tension émettent des champs électromagnétiques qui peuvent être néfaste pour la santé. Cela permet de placer plusieurs câbles près les uns des autres, ce qui se traduit par un gain de place dans les conduites souterraines, une caractéristique particulièrement intéressante pour les centres villes.
Les câbles de deuxième génération du fabriquant français Nexans [5] avec des fils produits par American Superconductor Corporation (AMSC) sont faits de 35 fils de l’épaisseur d’un cheveu enrobés dans une couche ultramince de cuivre ou d’acier inoxydable. Ils permettent de transporter des puissances pouvant aller jusqu’à 5000 MW avec des tensions inférieures à 200 kV.
En 2008, un câble supraconducteur fabriqué par Nexans (Figure 3) a été installé pour le compte de LIPA (Long Island Power Authority), l’un des principaux opérateurs de réseaux électriques aux États-Unis. Cette liaison de 600 mètres à 138 kV, capable de transporter une puissance électrique de 574 MW grâce à un courant de 2400 A, constitue le premier câble supraconducteur au monde incorporé dans un réseau électrique à ce niveau de tension. Il alimente 30 000 foyers.
En octobre 2010, AMSC a vendu 3 millions de mètres de fil supraconducteur à Korea‘s LC cable en vue de construire des câbles pour un réseau électrique performant sur l’ile de Jeju en Corée. Un consortium d’entreprises impliquant 10 entreprises a été formé autour de la KEPCO (Korean Electric Power Corporation). Le gouvernement coréen y participe pour un tiers.
En 2011, Nexans, dans le cadre du projet AmpaCity (Essen, Allemagne), a fourni un câble supraconducteur de 10 kV et de 1 km de long, record du monde de longueur en la matière. En effet le groupe énergétique allemand, RWE, et ses partenaires voulaient remplacer un câble haute tension long de un kilomètre, et reliant deux postes transformateurs dans la ville d’Essen (Ruhr), par une solution supraconductrice de pointe. Ce projet repose sur l’analyse suivante : les câbles supraconducteurs constituent la seule alternative raisonnable aux câbles haute tension dans les réseaux urbains et leur utilisation permet de supprimer des postes transformateurs qui consomment beaucoup de ressources et de terrains. Bien qu’il soit également possible d’utiliser des câbles moyenne tension en cuivre dans des zones intra-urbaines pour le transport de puissances élevées, le ratio coût-efficacité de cette solution est fortement dégradé par les pertes nettement plus élevées. En outre, des câbles moyenne tension classiques sont également exclus pour le projet d’Essen car ils nécessitent nettement plus d’espace : au lieu d’un seul câble supraconducteur de 10 kV, cinq câbles en cuivre devraient être posés en parallèle, ce qui est souvent impossible compte tenu du manque d’espace sous les rues dans les agglomérations.
En Chine, le premier fabricant Innopower Superconducting Cables Co a choisit Nexans comme partenaire pour intégrer un câble (2 kA, 35 kV) dans le réseau électrique de la Yunnan Electric Power Group Co Ltd.
Aux États-Unis, le projet Tres Amigas superstation devant interconnecter au Nouveau Mexique près de la ville de Clovis trois réseaux, de l’Eastern, de la Western et de la Texas, a démarré. La première tranche permettra un transit de 750 MW entre les réseaux de l’Eastern et de la Western. La seconde tranche établira la connexion entre les réseaux de l’Eastern et de la Texas, et permettra le passage de 1 500 MW. Cette interconnexion permettra de résoudre le problème de l’intermittence des énergies renouvelables provenant du solaire ou du vent. Le rassemblement des énergies renouvelables sur un grand territoire est une solution au problème de l’intermittence car la baisse d’une des sources d’énergie dans une région peut alors être compensée ailleurs (Lire : Des réseaux électriques aux « Smartgrids »).
3. Autres applications des supraconducteurs
Outre le transport de l’électricité, la supraconductivité intéresse aussi le stockage de l’électricité, la limitation du courant, les moteurs, les générateurs et la sustentation magnétique des trains.
3.1. Stockage de l’électricité : Superconducting Magnetic Energy Storage (SMES)
L’énergie peut être stockée par un courant électrique dans une bobine de fil supraconducteur. Un fois la bobine fermée sur elle-même, le courant reste indéfiniment car il n’y a pas de perte. C’est, avec les condensateurs et les batteries, le seul moyen de stocker directement l’électricité. Les pertes sont très faibles par rapport aux autres formes de stockage de l’énergie. Malheureusement, la densité massique ou volumique d’énergie stockée n’est pas très importante. Une bobine produisant 20 teslas stocke une énergie de l’ordre de 45 kwh/m3.
Les bobines D-SMES (Distributed Superconducting Magnetic Storage) sont particulièrement construites pour la stabilité des réseaux électriques. La bobine supraconductrice est connectée au réseau par l’intermédiaire d’un convertisseur alternatif-continu réversible pour transformer le courant alternatif du réseau en courant continu pour la bobine. En cas de chute de la tension d’un réseau, elle injecte immédiatement un supplément d’énergie pour stabiliser le réseau. Elle se recharge en quelques minutes et peut supporter de nombreuses séquences charge/décharge sans dégradation. Seule 2 à 3% de l’énergie est perdue dans les transferts ce qui est très faible. Les premières bobines de 8,4 kwh ont été installées sur le réseau de Bonneville Power Administration à Tacoma (USA) en 1980. Ceci a été la première application supraconductrice à fonctionner sur un réseau. Le Wisconsin Public Service (WPS) les a rachetées pour 4 millions de dollars en 1999. Installées en juillet 2000, elles protègent la distribution dans le nord du Wisconsin qui était soumis à de nombreuses défaillances. Ce réseau a une longueur de 200 miles et une tension de 115 kV.
3.2. Limiteur de courant de défaut (Fault Current Limiter ou FCL)
Un limiteur de courant de défaut est un appareil unique, sans équivalent classique, qui limite automatiquement le courant dès qu’il dépasse une valeur prédéterminée. Il peut être comparé à un fusible permanent puisqu’il se régénère automatiquement après un défaut d’alimentation (court-circuit par exemple). Le FCL est basé sur la transition pratiquement instantanée d’un état sans résistance à un état fortement résistif d’un élément supraconducteur lorsque le courant franchit la valeur du courant critique.
Il suffit donc d’insérer dans la ligne électrique à protéger un élément supraconducteur avec un courant critique correctement choisi par rapport au courant assigné (normal) de la ligne.
Un disjoncteur est associé à l’élément supraconducteur pour l’isolation indispensable du défaut. Une fois le défaut isolé, le supraconducteur récupère son état non dissipatif et peut être remis en service sur la ligne. La transition supraconducteur/dissipatif est extrêmement rapide (des millionièmes de secondes), la récupération est un peu plus longue (remise en état supraconducteur de l’ordre de la centaine de millisecondes, après un état dissipatif). La continuité de service est ainsi assurée. Celui-ci remplace les disjoncteurs classiques installés actuellement.
Deux limiteurs de courant de défaut supraconducteur (SFCL) construit par Nexans fonctionnent de manière très satisfaisante sur le réseau Européen. En Allemagne, celui fabriqué pour la centrale de Vattenfall (Figure 4), installé en 2009, a constitué une première mondiale. Nexans s’est allié avec AMSC pour se lancer sur le marché nord américain.
3.3. Moteurs et générateurs supraconducteurs
Une bobine supraconductrice fermée sur elle-même est l’équivalent d’un aimant. Elle peut donc remplacer les aimants ou les électroaimants. La supraconductivité peut alors augmenter l’efficacité de nombreux appareillages. Les systèmes électriques incorporant des fils faits de supraconducteurs à hautes températures critiques sont plus compacts, plus légers et plus économiques que les systèmes comparables en fils de cuivre. Ceux-ci permettent d’obtenir des puissances et des couples massifs volumiques très élevés.
3.4. Les moteurs
La principale application des moteurs [6] supraconducteurs se trouve dans la propulsion navale. Ces moteurs nécessitent un fort couple et des faibles vitesses de l’ordre de 120 tr/min. En 2009, AMSC a livré un moteur de 36 MW à la Navy. C’est le plus puissant moteur réalisé. Un des grands intérêts de ces moteurs pour la marine est leur compacité. Ils sont trois fois plus légers qu’un moteur traditionnel de 20 MW et 2,5 fois plus petit. La diminution de poids et d’encombrement en font une technologie particulièrement adaptée aux systèmes embarqués. En Allemagne, Siemens en a fabriqué un de 4 MW. En 2007, Sumitomo a présenté un véhicule électrique de 365 kW qui réalise 20 à 30% d’économie par rapport aux véhicules électriques classiques (Figure 5).
3.5. Les générateurs
Concernant les générateurs [7] à supraconducteurs, une des premières applications a concerné les éoliennes (Lire : Énergie éolienne, de son gisement à ses aérogénérateurs). Cette technologie permet des économies d’énergie et de poids. De plus, la taille des éoliennes peut être réduite. La diminution de poids, qui peut être de plus de 50%, provient du remplacement des aimants permanents (qui sont gros et lourds) par des circuits supraconducteurs. Les aimants permanents sont aussi de gros consommateurs de terres rares alors que les éoliennes à base de supraconducteurs en utilisent 100 fois moins. Les terres rares sont chères et proviennent en majorité de Chine qui réduit ses exportations depuis 2009. En France la commission « investissements 2030 » recommande de réduire la consommation de terres rares tout comme l’agence de l’énergie aux États-Unis.
Une turbine de 10 MW permet de générer assez d’électricité pour 5 000 à 10 000 maisons. AMSC a réalisé et commercialise des éoliennes de 10 MW appelées SeaTitan et elle prévoit de concevoir, comme General Electric, des éoliennes de 15 et de 20 MW.
On estime qu’au dessus d’une puissance de 6 MW, la solution supraconductrice devrait s’imposer. La taille énorme et le poids des éoliennes classiques augmentent sérieusement le cout des fondations quelles soient terrestres ou flottantes et celui de l’installation. L’Europe a lancé un projet Superpower [8] pour développer ce type d’éoliennes et l’agence de l’énergie aux États-Unis finance aussi ce type de recherches.
Advanced Magnetic Laboratory AML en Floride s’est lancé dans une nouvelle voie où le matériau supraconducteur choisi est MgB2. Celui-ci a une température critique de 39 K mais le prix du fil supraconducteur pourrait être divisé par dix par rapport à celui de l’YBCO. Il prône un générateur tout supraconducteur, c’est-à-dire que non seulement le rotor serait supraconducteur mais aussi l’induit. Le diamètre de la nacelle pour 10 MW est équivalent à celui d’une nacelle non supraconductrice de 2 MW. Le poids du générateur pour une éolienne de 10 MW, de 320 tonnes est réduit à 70 tonnes.
3.6. La sustentation magnétique (MAGLEV magnetic levitation)
Les trains à sustentation magnétique sont des trains monorail qui utilisent les forces magnétiques pour ne pas être en contact avec le rail. Cela permet une absence de frottement et de plus grandes vitesses. Le record de vitesse obtenu avec cette technologie en 2003 est de 581 km/h au Japon, supérieur à celui du TGV français. La lévitation avec des électroaimants classiques (comme sur le train allemand Transrapid) a été abandonnée. Ils peuvent être remplacés par des bobines supraconductrices comme cela a été fait pour la liaison entre l’aéroport de Shanghaï et la ville, liaison longue de 30 km et parcourue à la vitesse maximale de 431km/h. C’est le seul train utilisant cette technologie (supraconducteur refroidi à l’hélium liquide) actuellement en service. Pour l’aéroport d’Incheon en Corée, une ligne de 6 km a été construite. Le Japon a repris ses essais pour une ligne Tokyo-Osaka (environ 400 km) en une heure. Japan Railways Central est en pourparler avec deux compagnies américaines pour plusieurs lignes avec le SCMAGLEV (superconductor maglev). Il semble qu’il n’ait aucun projet avec les supraconducteurs à hautes températures critiques fonctionnant à l’azote, lesquels auraient une cryogénie beaucoup moins chère. Par ailleurs, il n’est pas encore prouvé que ce type de train soit moins couteux en énergie.
En résumé, la solution supraconductrice s’avère intéressante pour le transport de grande puissance électrique et pour la protection des réseaux SFCL (Superconducting Fault Current Limiter) . Elle permettra aussi, dans le futur, des moteurs très puissants de poids et de volume réduits. Sumitomo prévoit de lancer sa voiture électrique dans les prochaines années. Les générateurs, par exemple pour les éoliennes, vont atteindre prochainement 15 MW et diminuer considérablement de poids. Comme le montre le projet de Tres Amigas, le problème de l’intermittence des énergies renouvelables peut être surmonté par les interconnexions des réseaux électriques. Malheureusement, la France, bien qu’ayant des leaders mondiaux dans le domaine, n’a aucune réalisation sur son sol.
Notes et références
[1] Sur les pertes en ligne on peut consulter : http://gtpe.cre.fr/media/documents/100323RapportPertes.pdf
[2] Sven Ortoli et Jean Klein Calmann-Levy (1989). Histoire et légendes de la supraconduction.
[3] Pierre-Gilles de Gennes (1964). Superconductivity of metals and alloys : Reading, Mass, Advanced Book Program, Perseus Books. Pour ceux intéressés par la théorie de la supraconductivité.
Michel Cyrot et Davor Pavuna (1992). « Introduction to superconductivity and high Tc materials ». World Scientific. Ce livre est centré sur les supraconducteurs à hautes températures critiques. Il n’existe aucune théorie pour ces supraconducteurs en 2013.
[4] Pascal Tixador (1995). Les supraconducteurs. Hermes. Ce livre détaille les problèmes technologiques pour faire passer de forts courants dans les supraconducteurs de type II.
[5] On peut consulter une conférence de Jean-Maxime Sangrain directeur de l’activité supraconducteur de Nexans sur : http://www.partager-le-savoir.org/template/fs/Tunisie 2012/19 mai …
[6] Pour l’application des supraconducteurs aux moteurs on peut consulter : Que peuvent apporter les supraconducteurs aux moteurs électriques, les structures conventionnelles sont-elles adaptées ? D’Olivier Basse, Bellemain Napame, Kevin Schmitt, https://fr.scribd.com/
[7] Pour les moteurs et générateurs on peut consulter un article de revue écrit en 2012 pas S. Bendali et al. « États de l’art des moteurs et générateurs supraconducteurs » que l’on trouve sur Univ-lorraine.fr. Cet article passe en revue les différentes réalisations dans le monde entier.
[8] http://cordis.europa.eu/news/rcn/35671_fr.html
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